ArtAujourdhui.Hebdo
N° 17 - du 28 septembre 2006 au 4 octobre 2006
L'AIR DU TEMPS
Hitler : adjugé !
Une vingtaine d'aquarelles d'un médiocre peintre autrichien du début du XXe siècle ont été mises aux enchères mardi 26 septembre à Lostwithiel, un village des Cornouailles. L'agitation entourant ces tableaux n'était pas motivée par leur qualité esthétique mais par la personnalité de leur auteur. AH, le monogramme apposé sur certaines des toiles, correspond en effet aux initiales d'Adolf Hitler. Nombre d'observateurs, dont le critique du Guardian, Jonathan Jones, y voient un médiocre remake du scandale de 1983, lorsque les journaux intimes du Führer, miraculeusement retrouvés, s'étaient vite avéré être des faux. On accuse parfois le marché de l'art d'être irrationnel, en attribuant des valeurs exagérées à des œuvres médiocres. En l'occurrence, on ne pourra guère lui faire ce reproche : malgré la tension médiatique et l'identité du peintre, les croûtes n'ont guère dépassé quelques milliers de livres…
EXPOSITIONS
Quand Venise regardait à l'est
PARIS -Qu'aurait été Venise sans ses liens privilégiés avec l'Orient ? Elle en tirait une part importante de son commerce et y fondait l'essentiel de sa puissance politique, contrôlant des terres comme la Crète et n'hésitant pas au besoin à jouer des armes : Venise eut un rôle prépondérant dans la croisade de 1204, qui aboutit au sac de Constantinople. Tantôt brutales tantôt pacifiques, ces relations se reflétèrent dans l'art vénitien, qui recopia certains motifs iconographiques islamiques (on les retrouve dans les tableaux de Jacopo Bellini ou de Carpaccio) ou copia des méthodes plus avancées (notamment dans les techniques de la verrerie de Murano). Dans le même temps, les intérieurs patriciens se remplissaient d'objets de luxe venus de Turquie ou de plus loin : tapis, reliures de cuir damasquinées, etc. L'exposition, qui a d'abord été montrée au Metropolitan Museum de New York, présente un bilan détaillé de cinq siècles d'influences mutuelles.
Holbein et les bonnes familles du XVIe
LONDRES - La rétrospective consacrée à Hans Holbein quitte Bâle, sa ville natale, et arrive en Angleterre, où il vécut de 1526 à 1528 et de 1532 à 1543. Elle se recentre sur les liens du peintre avec sa nouvelle patrie, qu'il connut dans des temps troublés : le règne de Henri VIII et la Réforme. L'un de ses commanditaires, Thomas More, ministre du roi, devait d'ailleurs payer de sa vie sa fidélité à la foi catholique. Les portraits forment l'ossature de l'exposition : ceux des intellectuels de l'époque et, bien évidemment, de la cour. C'est l'occasion d'un regroupement familial attendu depuis longtemps : Henri VIII (collection Thyssen-Bornemisza, Madrid), sa femme Jane Seymour (Kunsthistorisches Museum, Vienne) et leur fils Edouard (National Gallery of Art, Washington). Le tableau le plus célèbre du peintre, les Ambassadeurs, n'est pas exposé mais n'est guère loin : il se trouve à la National Gallery.
Portrait, mon beau portrait
PARIS - C'est à l'Epoque des Lumières - parallèlement à l'émergence des classes bourgeoises, à l'affirmation de l'individualisme - que la peinture s'empare du thème du portrait privé. La discipline avait certes déjà brillé à la Renaissance mais elle se diffuse désormais dans une classe bien plus large, avec de nouveaux codes : la pompe de la représentation officielle cède devant le naturel, comme on le note dans l'œuvre emblématique qui ouvre l'exposition, Mrs Abington par Joshua Reynolds. Goya, David, Houdon, Ingres, Lawrence sont quelques-uns des artistes qui marquent le parcours, où l'on montre en quoi le portrait peut être une arme efficace de promotion. Marie-Antoinette, qui peine à se faire accepter par ses sujets français, demande à Elisabeth Vigée-Lebrun des images émouvantes, où elle apparaît en mère dévouée… Cantatrices, entrepreneurs, acteurs, hauts fonctionnaires, tous sacrifient à la nouvelle mode (même les artistes qui multiplient les autoportraits), qui assurera sous le Second Empire un débouché tout trouvé à une nouvelle technique, la photographie.
MARCHÉ
Brassaï : la photo et au-delà
PARIS - Un peu plus de vingt ans après sa mort, et un an après la disparition de sa veuve, un important ensemble du photographe hongrois Brassaï (de son vrai nom Gyula Halasz, 1899-1984) est dispersé. Les photographies, au nombre de 561, constituent le gros de la vacation. Elles seront proposées en deux séances, le 3 octobre, assez justement sous-titrées "Jour" (pour les paysages, nus, fêtes foraines, personnages, etc) et "Nuit" (pour ses célèbres images de maisons de passe, d'amoureux, de bals musette et de mauvais garçons). Mais des pièces plus originales passeront sous le marteau la veille : des sculptures rarement vues (jusqu'à 10 000 euros) et les dessins réalisés à Paris dans les années 40 et 50 et, plus tôt, en 1922-23, à Berlin. Comme pour Cartier-Bresson, c'est une seconde nature de l'artiste qui s'exprime à la mine de plomb, au fusain ou, tout simplement, au stylo bille rouge : essentiellement des esquisses de nus, dont certaines devraient partir pour moins de 1000 euros.
Art Forum, dixième
BERLIN - Art Forum, la jeune foire allemande d'art contemporain, franchit cette année le cap de la 10e édition. Quelque 120 galeries de 25 pays différents sont présentes et les organisateurs attendent environ 40 000 visiteurs. Art:Concept, Frank Elbaz, In Situ, Laurent Godin, Kamel Mennour et Zürcher constituent la représentation française, avec Thaddaeus Roppac, également présent à Salzbourg. La manifestation offre une bonne vitrine sur les galeries allemandes, avec des exposants de Berlin, Cologne, Hambourg, Munich, Dusseldorf, Leipzig, Karlsruhe, mais aussi sur l'actualité viennoise et néerlandaise. Divers débats et une exposition intitulée "Big City Lab" - au propos à première vue peu original (la métropole comme foyer artistique) - complètent le programme.
LIVRES
France, ton histoire de l'art fout le camp
Les pamphlets, lorsqu'ils ne se résument pas à des règlements de compte, peuvent être fort stimulants. C'est le cas dans ce dialogue entre un "mandarin" réputé (le mot ne lui plairait pas), professeur au Collège de France et membre de l'Institut, Roland Recht, et l'actuelle directrice des études à l'Ecole du Louvre. Avec un constat plutôt pessimiste, ce qui rend l'affaire intéressante : en l'absence lamentable de cours d'histoire de l'art au collège et au lycée (contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays comme l'Italie), l'éducation de notre regard n'est pas faite. Le petit monde des universitaires et celui des conservateurs, au lieu d'être unis, se regardent en "chien de faïence". Lesquels conservateurs se voient débordés par des attachés de conservation, moins bien formés mais moins onéreux, donc plus rentables. Pendant ce temps, la scène culturelle ressemble aux jeux du cirque : des lieux de patrimoine dont le nombre asphyxie les budgets publics et qui tentent de survivre avec de pitoyables "animations". Des grands musées qui cherchent des coups médiatiques, en se fichant pas mal de faire circuler leurs œuvres en province. Et nous tous, perdus au milieu de l'arène, qui cherchons moins à ouvrir les yeux sur les manifestations de l'art qu'à rabâcher des lieux communs limités à une poignée de chefs-d'œuvre. Et l'on ne peut même pas se consoler avec la méthode Coué : demain, à tous points de vue, cela n'ira pas mieux…
BRÈVES
BELGRADE - Le Salon d'octobre tient sa 47 édition en s'ouvrant à l'international. Le directeur de la Kusthalle de Kassel, René Block, a présidé au choix des 100 artistes présentés dans 9 lieux, sous le titre Art, Life and Confusion, du 29 septembre au 5 novembre.
Informations (fragmentaires) sur le site du Centre culturel de Belgrade
BRUXELLES - La collection Janssen d'art précolombien, actuellement exposée au Parc du Cinquantenaire, risque de quitter la Belgique. Les collectionneurs souhaiteraient en effet la céder à l'Etat en paiement des droits de succession. Mais le gouvernement flamand et le gouvernement fédéral ne sont pas parvenus à un accord sur le lieu qui l'accueillerait et sur les modalités de financement. L'échéance fixée par les Janssen expire le 1er octobre…
Voir l'article consacré à l'exposition sur artaujourdhui.info
LOS ANGELES - Le Broad Art Center, de l'Université de Californie (UCLA), dessiné par Richard Meier, a été inauguré le 13 septembre. Financé par l'homme d'affaires Eli Broad, il accueille le département d'art et de design de l'université.
PARIS - Changement de direction au Jeu de Paume, l'institution dédiée à la photographie. Régis Durand quitte ses fonctions le 1er octobre. Il est remplacé par Marta Gili, critique et commissaire d'expositions espagnole, née en 1957, qui était directeur du département arts visuels de la Fondation La Caixa à Barcelone. Elle a également assuré la direction artistique du Printemps de septembre, à Toulouse, en 2002 et 2003.
PARIS - Lancée en 1959 sous les auspices de Malraux, la Biennale de Paris, chargée de faire un état des lieux de la création contemporaine, s'est interrompue en 1985. Après une renaissance en 2004, elle présente sa 15e édition du 1er au 31 octobre 2006 avec une centaine de projets.
PARIS - Le musée du Quai Branly inaugure son théâtre le 29 septembre avec la Geste de Krishna et une adaptation du Mahabharata pour marionnettes.
TRENTE (Italie) - La Galleria Civica d'arte contemporanea organise son 2e prix international de la performance les 29 et 30 septembre. Les 12 finalistes sont invités à présenter les performances sélectionnées à la Centrale de Dres.
VERONE - Le prêt du Christ mort de Mantegna (Pinacothèque de Brera, Milan) pour la rétrospective du peintre qui se tient actuellement dans les trois villes de Mantoue, Padoue et Vérone, alimente la polémique. Il a été obtenu malgré l'opposition des autorités des beaux-arts, après intervention du vice-premier ministre, Francesco Rutelli, et de l'adjoint à la culture de Milan, Vittorio Sgarbi. L'un des commissaires de la manifestation, Mauro Lucco, a démissionné.
SUR ARTAUJOURDHUI.COM
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L'Art japonais ou la reliure selon Prouvé et Martin / Emile Gallé et l'affaire Dreyfus
NANCY - Pour l'automne, le musée de l'Ecole de Nancy propose deux expositions dossier. La première présente deux chefs-d'œuvre de la reliure acquis l'an dernier. La seconde expose l'engagement d'Emile Gallé en faveur du capitaine Dreyfus. Le maître verrier multipliera pétitions et manifestations mais ira plus loin en créant des œuvres spécifiques proclamant l'innocence du militaire