ArtAujourdhui.Hebdo
N° 19 - du 12 octobre 2006 au 18 octobre 2006
L'AIR DU TEMPS
Trésor de Sevso, le retour !
LONDRES – Il a été au centre d’un feuilleton rocambolesque à la fin des années 1980 et voici que quelques privilégiés vont avoir l’occasion de le voir de près dans les locaux de Bonhams… Le trésor de Sevso est composé de 14 objets en argent du Bas-Empire romain, plats et aiguières admirablement travaillés. Le doute n’a pas été levé sur sa provenance : Serbie ? Liban ? Hongrie ? Lorsque son propriétaire, le marquis de Northampton, l’acheta en 1980, c’était en vue de le revendre rapidement au Getty Museum, très intéressé. Mais une fois les documents d’exportation libanais reconnus comme faux, l’affaire prit un autre pli. La vente aux enchères prévue chez Sotheby’s New York en 1990 déboucha sur trois ans de procès. Plusieurs pays clamèrent que ce trésor leur avait été frauduleusement soustrait. Sans pouvoir le prouver… Quinze ans plus tard, la valeur potentielle de l’ensemble atteint des sommets (on parle de 150 millions €) mais les stigmates de son origine ne sont pas lavés et rendent sa cession problématique. Un bonheur pour happy few sous très haute surveillance…
MUSÉES
Le Louvre, c’est l’Amérique
Et in Arcadia Ego de Poussin, Portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, L’infante Marguerite de Vélasquez, Le Jeune Mendiant de Murillo… Ce sont quelques-uns des classiques dont le musée du Louvre va se séparer pendant un an (trois mois seulement pour le Raphaël, qui n’avait jamais quitté la France depuis le XVIIe siècle) au profit du High Museum d’Atlanta. La collaboration entre les deux institutions, engagée avec une grande discrétion, devient réalité le 14 octobre : à Atlanta, une nouvelle aile de 1000 m2 est réservée pendant trois ans aux envois du Louvre. Ceux-ci seront organisés en trois cycles : « Collections royales » (14 octobre 2006 au 2 septembre 2007), « Le Louvre et l’Antiquité » (octobre 2007 à septembre 2008), « le Louvre aujourd’hui et demain » (octobre 2008 à septembre 2009). Cet échange comprend aussi un volet pédagogique mais sa justification principale est évidemment financière : le musée, contraint comme beaucoup de ses homologues à accroître ses ressources propres, tirera de l’opération quelque 10 millions d’euros.
FESTIVAL
Lille à l’heure indienne
LILLE – La capitale nordiste accueille la métropole la plus dynamique de l’Inde, Bombay, pour une série d’événements ambitieux. Une bonne façon de ne pas perdre l’élan acquis en 2004, lorsque Lille a été capitale européenne de la culture. L’avant-garde de la création contemporaine – des artistes inconnus il y a quelques années et dont les œuvres dépassent allègrement les 100 000 dollars aujourd’hui – sont présents : Subodh Gupta, qui réalise d’impressionnants empilements de pièces de vaisselle en inox, Ravinder Reddy et ses immenses têtes colorées, Anita Dube, qui analyse la place de la femme dans la société. Egalement au programme : de la mode, de la photographie et, évidemment, du cinéma puisque Bombay est le centre névralgique du 7e art indien, avec les studios de Bollywood. Les décorateurs et affichistes ont eu carte blanche – ou presque - pour transformer la ville.
EXPOSITIONS
Vélasquez à moitié
LONDRES - Le « peintre des peintres » comme l’appelait Manet, ne se prête pas facilement aux rétrospectives. On ne lui connaît que quelque 80 tableaux, et deux institutions détiennent le tiers de ce stock : le Prado (où eut lieu la grande exposition de 1990) et la National Gallery, qui accueille la présente. La moitié de sa production y sera exposée, ce qui est une sorte d’exploit. Cela comprend évidemment les neuf tableaux du musée amphitryon dont le seul nu du peintre, la Vénus Rokeby, acquise il y a exactement un siècle, en 1906, grâce à la contribution du tout jeune Art Fund. Le Prado accorde un envoi de neuf tableaux (à charge de revanche dans l’avenir, on suppose), incluant notamment Apollon et la forge de Vulcain. Il va sans dire que les célébrissimes Ménines et la Reddition de Breda n’ont pas quitté le sol espagnol…
Rauschenberg, éloge du pot-pourri
PARIS – Malgré ses récents déboires avec quelques œuvres nord-américaines trop fragiles, le Centre Pompidou poursuit son exploration du grand art yankee. Cette fois-ci, l’invité est Robert Rauschenberg. Avec ses Combine paintings, celui-ci a signé une grande saison de l’art américain, dans la seconde moitié des années 1950. Le jeune Texan, alors âgé de moins de 30 ans, ex-étudiant, ex-marin, passé par l’Académie de la Grande Chaumière et par le célèbre Black Mountain College (où il rencontra John Cage), tord le cou aux conventions et dépasse même l’Action Painting de Pollock. Il compose des tableaux pleins d’objets trouvés, de symboles capitalistes (la bouteille de Coca-Cla), d’animaux empaillés (aigle, poule ou chèvre angora qui apparaît dans le célébrissime Monogram), de reproductions pêchées dans l’histoire de l’art. A mi-chemin entre la peinture et la sculpture, les Combine paintings ouvrent la voie aux installations, à l’art pop, au conceptuel…
...et Fabrica , ouvrez les yeux
PARIS – Ne quittez pas le centre Pompidou sans descendre l’escalier vers le sous-sol, devenu pour l’occasion un tuned stairway, dont chaque marche égrène sous vos pas un son tiré de la Marumba sud-africaine. On y découvre l’extraordinaire richesse des réalisations de Fabrica, le laboratoire de recherche créé par Luciano Benetton et Oliviero Toscan, où des jeunes professionnels venus du monde entier redéfinissent les frontières entre art et communication. Nouveaux styles, nouveaux langages, nouveau matériaux, tous pertinemment politiquement incorrects. Communication visuelle au service des campagnes de communication des grandes O N G....Reportages photographiques thématiques sur la famille, la mort, le climat…Expérimentations interactives avec la participation physique du spectateur, qui peut créer sa propre composition, jouer avec sa mobilité pour projeter son image ou déchiffrer le sens d’une installation …Et Evidence court métrage de Godfrey Reggio qui filme en continu le regard d’enfants devant la télévision est à voir par tous les parents.
Les carats des Thraces
PARIS - De l'or à foison : c'est ce que l'on attend d'une exposition sur la civiisation thrace, surtout lorsqu'il s'agit des dynasties les plus brillantes, qui se sont imposées du Danube à la mer Egée entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C. Vaisselle d'apparat, bijoux, mors ou décorations de selles, en or ou en argent : les quelque cent objets exposés répondent à des typologies simples. Ils ont parfois eu des inventeurs inattendus : de simples agriculteurs labourant leur champ, tout surpris de moissonner des métaux précieux… Quatre trésors renommés sont présentés : ceux de Rogozen, Borovo, Letnitsa, Panagjurishte. Le tempo est admirablement choisi (involontairement…) puisque c'est au même moment que le trésor de Sevso refait surface à Londres.
LIVRES
Le secret de la coupole
C’est une célèbre brasserie parisienne mais, avant cela, une technique de couverture qui fascine l’homme depuis l’Antiquité. Comment installer sur quatre murs un hémisphère sans que l’ensemble morde la poussière ? Du simple encorbellement à la coupole sur pendentifs jusqu’aux solutions actuelles permises par de nouveaux matériaux souples et résistants (PVC, aciers spéciaux, etc), le chemin parcouru est immense. Pour les non-initiés, l’aspect technique restera certainement mystérieux mais un beau voyage leur aura été proposé dans le temps et l’espace, des villages camerounais avec leurs curieuses cases-obus jusqu’à Sainte Sophie, du Bon Marché jusqu’aux dômes géodésiques de Buckminster Fuller (1895-1983). Ce dernier, génie du genre, nous projette dans la science-fiction avec ce projet d’une coupole de 3 kilomètres de diamètre sur Manhattan. Imaginée en 1964 mais pas encore réalisée…
BRÈVES
GRENOBLE – Au Magasin, à partir du 22 octobre, Kader Attia propose une installation de 15 mètres de hauteur en mémoire du tsunami de décembre 2004
LONDRES – Scope, jeune foire d’art contemporain, tient sa 3e édition dans la Truman Brewery de l’East End. Plus de 60 galeries, à la pointe dans l’art vidéo, seront présentes du 12 au 15 octobre.
LONDRES – Les celèbres Flowers de Warhol sont proposées chez Christie’s le 15 octobre (estimation : 2,5 millions £). Le lendemain, lors de l’Italian Sale, c’est un important De Chirico, Mobili nella valle (estimé 1 million £) qui passe sous le marteau.
PARIS – La lettre sombre mais la carte postale fait de la résistance : à partir du 16 octobre, le musée de la Poste analyse le destin, depuis son ancêtre autrichien de 1869, de cette image au verso de laquelle on écrit quelques phrases insignifiantes…
VENISE – La jeune société de ventes San Marco, créée par la famille Semenzato (qui a quitté la maison portant son nom), offre un intéressant programme le 15 au casino (Ca’ Vendramin-Calergi) avec un Lorenzo Lotto (Saint Roch), un Bruegel le Jeune, un Giambattista Tiepolo (Portrait de sénateur) et une belle nature morte de Luis Meléndez.
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