ArtAujourdhui.Hebdo
N° 21 - du 26 octobre 2006 au 1 novembre 2006
L'AIR DU TEMPS
Appel à Saatchi
LONDRES - Charles Saatchi est réputé discret – il n’aime pas donner d’interviews – mais il est partout. Il n’a pas été pour rien l’un des plus brillants publicitaires de l’Occident. Alors que sa nouvelle galerie se prépare à ouvrir à l‘été 2007 dans le quartier de Chelsea (5000 mètres carrés sur King’s Road !), on apprend qu’il vient de lancer un nouveau service – le prêt (marchand) d’œuvres de sa collection aux particuliers ou aux entreprises qui le solliciteront. Mais son dernier coup de maître médiatique, c’est l’exposition que propose jusqu’au 4 novembre la vénérable Royal Academy of Arts, dans le bâtiment de l’ancien Museum of Mankind. Sous le titre de « Usa Today », le jeune art américain qui y est présenté provient tout droit de l’« écurie » Saatchi. La cote des poulains de Sir Charles, pour la plupart méconnus, va inéluctablement s’envoler, lui permettant de rentabiliser son investissement. Comme cela avait été le cas dans les années 1980 pour ses Young British Artists, Damien Hirst en tête. Déontologie à part (le concept existe-t-il?), cet homme a des doigts en or. Que ne l'appelle-t-on au chevet de l'art contemporain français?
MARCHÉ
La FIAC entre dans Paris
PARIS – Après avoir fait mine de le snober, la FIAC s’est décidée à retourner dans un Grand Palais rénové. Fini donc la peu glamour Porte de Versailles. Les 169 galeries de cette 33e édition occupent le centre de Paris : outre le Grand Palais (qui en accueille une centaine), les plus avant-gardistes (quelque 70 incluant les galeries de design) prennent position dans la Cour carrée du Louvre. Le poids de l’étranger dépasse les 50%, avec quelques apparitions significatives comme celles de l’Américaine Barbara Gladstone, de l’Anglais Waddington et de l’Italien Massimo de Carlo. Non contente de se dédoubler (ou de s’éparpiller), la FIAC investit également le jardin des Tuileries avec une quinzaine de sculptures et installations signées Subodh Gupta, Alain Bublex, Bruno Peinado et collègues.
Foires à foison
PARIS – Cette année, dans le sillage de la FIAC, plusieurs salons jeunes et iconoclastes se sont créés, donnant à Paris un tonus qui n’est pas sans rappeler celui de Londres (où Frieze s’accompagne de Zoo) et Bâle (où Art Basel a divers satellites comme Bâlelatina). Show Off s’est installé en bas des Champs-Elysées à l’espace Cardin. Sur plus de 1000 m2, sont réunies une trentaine de galeries fanatiques de création contemporaine et de nouvelles technologies (Patricia Dorfmann, RX, Magda Danysz, etc). Un peu plus concentrée (22 galeries), Slick occupe un espace original à Ménilmontant, la Bellevilloise, avec des exposants venus de France mais aussi de Hanoi, Zagreb ou San Francisco. Quant à Diva, salon itinérant de la vidéo et d’art digital, il a choisi un lieu de passage par excellence, l’hôtel Kube, où chaque galerie expose « en chambre ». En art contemporain, ce sera assurément le week-end le plus chaud de l’année…
EXPOSITIONS
Maurice Denis, plus qu’un nabi
PARIS - « Une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées » : la définition d’un tableau par Maurice Denis est entrée dans l’histoire. Elle a aussi contribué à le statufier dans son rôle de pape des Nabis même si son parcours est moins linéaire qu’il n’y paraît. Le fanatique des couleurs - compagnon de route de Gauguin, Bernard et Sérusier à Pont-Aven - a aussi été fasciné par le classicisme italien et son sens de la composition. La rétrospective réunit l’ensemble de la production de Denis : tableaux de chevalet et grandes décorations pour intérieurs. La recomposition du cycle de Psyché conçu pour le collectionneur moscovite Morozov en 1908 est l’un des événements de l’exposition. L’autre est la présentation d’une facette méconnue de l’artiste : son corpus photographique, qui fait écho, pour les portraits, à sa production picturale. Des itinéraires de visites sont proposés en Ile de France pour découvrir les décorations monumentales de Maurice Denis – qui relança la peinture religieuse avec ses Ateliers d’art sacré - dans les églises des environs de Paris.
Peindre à Venise
TREVISE – Embrasser tout l’art vénitien du XXe siècle, c’est l’ambition affichée par cette rétrospective. Sans se borner à suivre les balises évidentes, qui sont celles posées par la Biennale de Venise, fondée en 1895 mais en mettant aussi en avant l’activité de défricheurs comme Barbantini qui organise à Ca’ Pesaro, dans les années 1910, des expositions réunissant Boccioni, Casorati ou Guido Cadorin. Les sections de l’exposition sont aussi bien consacrées à des artistes (Gino Rossi, Filippo de Pisis et, plus près de nous, Arturo Martini et Emilio Vedova) qu’à des thématiques – le portrait, le réalisme magique. Des personnalités méconnues en France, comme Afro, Santomaso ou Tancredi, occupent une place importante dans les développements de l’après-guerre. Le parcours s’arrête aux années 1960, lorsque l’Amérique fait brutalement irruption à la Biennale avec le grand prix offert à Rauschenberg.
Peggy reçoit Germaine
VENISE – Cela fait bientôt un demi-siècle que Germaine Richier (1902-1959) a disparu. On se souvient de la rétrospective menée sous la houlette de Jean-Louis Prat à la fondation Maeght en 1996. Une nouvelle exposition nous est offerte à Venise où Peggy Guggenheim avait acheté une sculpture de l’artiste, la Tauromachie, dès 1960. Une soixantaine de pièces de celle qui fut élève de Bourdelle puis collègue de Marino Marini et Giacometti, sont exposées. Outre les bronzes et plâtres, on aura l’occasion de découvrir les dessins et gravures conservés par les Archives Françoise Guiter, à Paris. Le jardin du palais Venier dei Leoni constitue un écrin idéal pour ces formes toutes en tension.
Le site de la Peggy Guggenheim Foundation manque de mises à jour
LIVRES
Vie de château
Jamais l'existence des " people " ne nous a autant fascinés. A côté des parvenus de la télévision ou de la publicité, certains peuvent se valoir d’une longue tradition de luxe et de mondanités, incarnée par des châteaux qui ont bravé les siècles. L’auteur et le photographe se sont invités dans huit d’entre eux, qui appartiennent à la même famille depuis leur construction. Du palais Gangi de Palerme, utilisé dans le film " Le Guépard " de Visconti, au palais St. Emmeram des Thurn und Taxis (avec église et bibliothèque baroques), du château hollandais de Haar à celui de Harewood, propriété d’un comte musicologue, la balade passe par salles de bal, jardins, boudoirs, salons à fresques et chapelles. Amours bizarres, assassinats, fêtes ou réunions secrètes… La petite histoire se leste parfois de la grande : outre qu’ils ont fait appel à de grands architectes et décorateurs, beaucoup des propriétaires passés de ces demeures ont contribué à dessiner le visage actuel de l’Europe.
BRÈVES
AIX-EN-PROVENCE - Le nouveau bâtiment du Centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence a été inauguré le 19 octobre. Baptisé le Pavillon noir, il est l'œuvre de Rudy Ricciotti.
FLORENCE - Le musée national de la photographie ouvre le 28 octobre. Emanation de la collection Alinari, il est installé dans l'ancien couvent des Léopoldines, à côté de l'église Santa Maria Novella. Il comprend une section pour non-voyants. La première exposition, Vu d'Italie, est consacrée aux maîtres de la photographie italienne de 1841 à 1941.
LONDRES - La 4e édition de la foire Frieze, qui s'est tenue du 12 au 15 octobre, a accueilli 63 000 visiteurs soit 35 % de plus qu'en 2005.
PARIS - Le 6e prix du livre d'art, décernée par le syndicat national des antiquaires, est attribué conjointement à Marie Boudon-Machuel pour sa monographie du sculpteur du XVIIe siècle François du Quesnoy (chez Acanthe) et à Adrien Goetz pour Ingres, collages (éditions du Passage et musée Ingres), où l'artiste est vu comme un précurseur des collages surréalistes.
PARIS - L'artiste Jean-Pierre Raynaud réalise une opération inédite en mettant en vente chez Christie's, le 27 octobre, sans prix de réserve, sa collection personnelle de… ses propres œuvres.
PARIS - Alors que la France et la Corée du Sud célèbrent le 120e anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques, le musée du Montparnasse (21 avenue du Maine, 75015) présente à partir du 26 octobre Frontières, une exposition réunissant 49 artistes coréens.
TURIN - La Galleria d'arte moderna de la capitale piémontaise inaugure sa vidéothèque le 27 octobre. Elle est riche de plus de 1400 vidéos d'artistes.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Les peintres du rêve en Bretagne
BREST - Autour de Pont-Aven et de la personnalité de Gauguin, la Bretagne attire à la fin du XIXe siècle certains des artistes les plus novateurs d'Europe. Le musée de Brest a organisé autour de la thématique symboliste une exposition rassemblant des compagnons de route connus, comme Lucien Levy-Dhurmer, ou moins connus tels Edgar Maxence, Ary Renan et Alexandre Séon, tous marqués par le mysticisme et l'onirisme.
Cuba s'affiche / Collection José Lambert
LA LOUVIERE - Un voyage dans l'histoire cubaine par l'intermédiaire de 150 affiches : c'est à quoi invite la collection Lambert. Instrument essentiel de communication lors de la révolution castriste, l'affiche a su évoluer, passant de canons réalistes "soviétiques" à une explosion de couleurs rappelant… l'art pop américain.
25 sculptures pour une collection
PARIS - Le galeriste Jacques de Vos nous livre le fruit de plus de 25 ans de passion : 25 sculptures d'auteurs aussi divers que Hans Arp, Jean Lambert-Rucki et Alberto Giacometti. Avec deux personnalités à redécouvrir, toutes deux mortes dans la misère comme le veut le cliché de l'artiste maudit : le Hongrois Joseph Csaky et l'Italien Gio Colucci.