ArtAujourdhui.Hebdo
N° 24 - du 16 novembre 2006 au 22 novembre 2006
L'AIR DU TEMPS
Sky’s the limit
Où s’arrêtera-t-on ? La limite, c’est le ciel disent les Anglo-Saxons. C’est un peu ce que l’on ressent au vu des résultats des ventes impressionnistes et modernes tenues à New York, du 7 au 9 novembre. C’est évidemment les vacations Christie’s qui ont marqué les esprits : en une seule soirée, le 8 novembre, quasiment 500 millions de dollars pour des toiles que beaucoup d’amateurs éclairés auraient refusé il y a un siècle. En particulier, près de 200 millions de dollars pour quatre tableaux de Klimt, qui est devenu en six mois l’alter ego de Picasso dans les hautes couches de l’art monnayable. Sotheby’s, la veille, n’ayant vendu que pour 238 millions de dollars, on n’y prêta guère attention. C’est qu’au rythme actuellement imprimé, un Cézanne à 37 millions de dollars (Nature morte aux fruits et pot de gingembre) et un Modigliani à 31 millions (Le fils du concierge) vont bientôt sembler de petites choses sans importance. Le risque, c’est que du jour au lendemain, aux yeux du public et au gré des « auctions », un peintre comme Klimt devienne plus « important » que Cézanne. Tout simplement parce que son transfert d’un collectionneur à un autre coûte plus cher. Changez les noms : remplacez Steve Wynn par Juventus et Zidane par Cézanne (ça rime !). Ne se croirait-on sur le marché du football ?
PHOTOGRAPHIE
Paris Photo, l’appel du Nord
Vingt et un pays, 88 galeries, dont trois quart étrangères (20 américaines pour 20 françaises, 8 espagnoles et allemandes, 5 anglaises, etc) et 40 000 visiteurs attendus : alors qu’ouvre sa 10e édition, Paris Photo avance des chiffres qui tendent à prouver que c’est bien le premier salon de photographie au monde.… Parmi les 27 nouveaux participants, on remarque le New-Yorkais Charles Isaacs (spécialisé dans Stieglitz et la Photo Secession américaine) et de l’Anglais Robert Hershkowitz, qui présente une vue de Paris par Fox Talbot, datée de 1843. Les reconstitutions sont à la mode : Baudoin Lebon réaccroche les 18 tirages de la première exposition Witkin à la Cooper School de New York en 1974. Cette année, la section centrale est consacrée à la scène scandinave qui montre que les préoccupations sociales des aînés Strönholm ou Pedersen ne sont pas forcément partagées par leurs plus jeunes collègues.
EXPOSITIONS
Georges de La Tour, le retour
PARIS – Georges de La Tour, le grand peintre du XVIIe siècle, est une découverte assez récente. Qui s’en souvient ? Avec l’exposition que propose l’Orangerie, on ne pourra plus l’ignorer. On a reconstitué dans le musée des Nymphéas la grande rétrospective de 1934, qu’avait conçue Charles Sterling, à l’issue de nombreux voyages en province pour y découvrir des collections négligées. Intitulée « les Peintres de la Réalité » en raison de leur attachement aux scènes de la vie quotidienne, elle fit entrer dans notre panthéon esthétique La Tour mais aussi Lubin Baugin ou Sébastien Stoskopff et remit sur le devant de la scène les Le Nain et Philippe de Champaigne. Une nouveauté, cependant, marque ce « revival » : on y a inclus des peintres du XXe siècle, qui ont été marqués par leurs ancêtres : Balthus, Hélion ou des auteurs à leur tour un peu oubliés comme Chapelain-Midy.
Stella : Jacques, pas Frank
LYON – Jacques Stella (1596-1657) est l’un de ces peintres français du XVIIe siècle qui reçoivent actuellement un traitement de faveur à l’Orangerie (voir ci-dessus). Sa ville natale lui a donc concocté une rétrospective au bon moment. Elle fait découvrir un artiste aux talents multiples, capable de tableautins sur pierre (l’une de ses spécialités lors de son séjour d’étude à Rome) ou d’amples compositions religieuses qui satisfirent Richelieu. En près de 200 tableaux, dessins et gravures, on cerne un artiste au parcours idéal puisqu’il finit en haut de l’échelle comme « peintre ordinaire du roi ». On regrettera que la belle initiative du 1Er décembre ne dure qu’une fois : les solistes de l’Orchestre national de Lyon seront dans les salles du musée pour interpréter, à côté des tableaux, la musique baroque de Couperin ou Boismortier qui leur convient si bien.
Vallet du Valais
MARTIGNY – Ce n’est certainement pas le plus connu des artistes suisses : Hodler, Vallotton ou Segantini ont plusieurs longueurs d’avance. Mais c’est que ce Genevois, décédé en 1929, a toute sa vie conservé un profil bas, fuyant les mondanités pour travailler des motifs champêtres et familiaux : les paysans, les moissons, les baptêmes, les paysages du Valais, où il passait de longs séjours, les chalets sous la neige ou le seigle au printemps. A travers les images de Vallet revit un monde aux plaisirs simples et modestes, une Suisse solide, frugale et patiente, dans un cadre naturel immaculé. Capable d’employer le dessin, la gouache, l’aquarelle ou la peinture à l’huile, Vallet avait aussi reçu dans sa jeunesse une formation de graveur sur bois, discipline qu’il pratiquera assidûment dans sa maison de Vercorin, sur le haut plateau. Cette presse va d'ailleurs être remise en mouvement à l’occasion de l’exposition pour tirer quelques eaux-fortes à partir des cuivres originaux.
ARTS GRAPHIQUES
Graphistes du monde
ECHIROLLES – C’est un « Mois du graphisme » un peu long puisqu’il s’étend sur… deux mois. Mais on suppose que c’est la rançon du succès pour une manifestation qui en est à sa 17e année. Parmi les expositions qui sont proposées dans divers espaces publics de la ville satellite de Grenoble, on retiendra une rétrospective consacrée aux Hollandais du Studio Dumbar (qui ont donné une identité visuelle à la poste et à la police bataves) et à Annette Lenz, qui a dessiné l’affiche de cette édition et qui vient de recevoir le grand prix de la biennale de Moscou. Aux Moulins de Villancourt, on peut voir « 9 femmes graphistes », qui associe des productions de jeunes créatrices (la Polonaise Joanna Górska ou la Péruvienne Natalia Iguiñiz Boggio) à celles de stars de la discipline, comme l’Américaine April Greiman.
LIVRES
New York New York
En le feuilletant distraitement, on peut ne pas percevoir l’intérêt de ce livre. Il s’agit d’un constat clinique : des bâtiments significatifs de New York sont photographiés de face (autant que possible), sans mise en scène spectaculaire ni couchers de soleil, sans ombres envoûtantes, dans une lumière blanche uniforme. Bref, dans la droite ligne du travail documentaire des époux Becher. Cette honnêteté, ce refus du pittoresque font que les images ne frappent pas mais n’ennuient pas non plus. Et que l’on a envie d’y revenir, de les comparer, pour voir comment le visage d’une ville évolue. Car les 176 bâtiments sont classés par ordre chronologique, de la Morris-Jumel Mansion de 1765 à la Hearst Tower de 2006. On y retrouve les immanquables buildings chers à Serge Gainsbourg : adepte de la concordance des temps, dans « C’est haut New York », il cite notamment le Waldorf Astoria de 1931 et l’American International Building de 1932. Mais aussi quelques perles de basse stature comme la Sylvan Terrace, d’anciennes écuries de 1882, ou la Rockefeller Guest House de 1950, dessinée par Philip Johnson.
BRÈVES
BARCELONE – La fondation Joan Miró vient d’annoncer la naissance du prix Miró. Doté de 70 000 € grâce au mécénat de la banque Caixa Girona, il sera décerné tous les deux ans à un artiste contemporain sachant exprimer les valeurs de recherche, d’engagement et de liberté propres à Miró.
MONTREAL - Guy Cogeval, directeur du musée des Beaux-Arts de Montréal depuis 1998, a annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat à l'expiration de son contrat, en juin 2007.
NEW YORK - Un tableau de Goya, Enfants à la carriole (1778), a été volé durant son transfert entre le musée de Toledo, dans l'Ohio, et le Guggenheim, où il devait être exposé dans une rétrospective de peinture espagnole, du Greco à Picasso, qui ouvre vendredi 17.
Description du tableau (en tout petit) sur le site du musée de Toledo
NEW YORK - Lors de la vente d'art contemporain chez Sotheby's le 14 novembre, un tableau de Francis Bacon, Version n°2 of Lying Figure with Hypodermic Syringe a été adjugé 15 millions $ (11,7 millions €), établissant un nouveau record du monde pour l'artiste.
PALMA DE MAJORQUE – Le Salon Art Cologne sur les traces d’Art Basel ? Comme la manifestation suisse, qui a implanté un satellite à Miami, annonce a été donnée de la naissance d’un petit Art Cologne bis aux Baléares. La première édition se tiendra du 19 au 23 septembre 2007 : une soixantaine de galeries seront réunies à l’aéroport. Une raison valable de prolonger ses vacances en Méditerranée…
PARIS – Le musée de la Légion d’Honneur, situé dans l’hôtel de Salm, face au musée d’Orsay, rouvre le 17 novembre après plusieurs années de travaux.
PARIS - Le nouveau prix de dessin contemporain de la fondation Daniel et Florence Guerlain a fait connaître ses trois "nominés" : la Suissesse Sylvia Bäschli (1956), l'Espagnol Javier Pérez (1968) et le Français Jean-Luc Verna (1966). Le lauréat sera désigné en mars 2007 à l'occasion d'Art Paris et recevra 15 000 euros.
PARIS - Lors de la vente d'art asiatique du 15 novembre, tenue à Drouot par l'étude Baron-Ribeyre, un vase piriforme chinois d'époque Yuan (deuxième quart du XIVe siècle) a été adjugé 2 080 000 €.
VENISE - Le Lion d'or de la Biennale d'architecture de Venise, qui vient de s'achever, a été décerné au pavillon danois. Le Lion d'or à la carrière avait été attribué, à l'ouverture de la manifestation, à l'architecte britannique Richard Rogers.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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La Belgique en vues d'optique aux XVIIIe et XIXe siècles
BRUXELLES - Avant l'invention du téléviseur, on a longtemps regardé le monde par l'intermédiaire des boîtes optiques. Attraction essentielle lors des fêtes et foires, elles donnaient des panoramas de villes et de paysages lointains. Une soixantaine de vues concernant la Belgique sont exposées au musée du Cinquantenaire : Bruxelles, sujette à de grandes transformations urbaines sous Charles de Lorraine, mais aussi Gand, Liège, Namur, Termonde…