ArtAujourdhui.Hebdo
N° 25 - du 23 novembre 2006 au 29 novembre 2006
L'AIR DU TEMPS
Folie des chiffres
Les grandes ventes new-yorkaises de l’automne ont fait exploser tous les records. Christie’s a mené le bal en vendant un jour 500 millions de dollars d’œuvres impressionnistes et modernes puis, un autre jour, 250 millions de dollars d’art contemporain. Du jamais vu ! Klimt est devenu du jour au lendemain l’artiste le plus cher et le plus recherché au monde (à ce propos, on rappellera qu’une de ses œuvres majeures, la Frise Beethoven, se trouve dans un extraordinaire édifice Art déco de Bruxelles, le palais Stoclet, dont le destin est incertain). Clyfford Still, dont le record était jusqu’alors de 1,3 millions de dollars, passe subitement à 21,3 millions pour son 1947-R-N°1 ? Est-il devenu plus important que Warhol, qui est scotché à 17,3 millions de dollars ? Quant à De Kooning, à 27 millions de dollars, son Untitled XXVII est désormais l’œuvre d’art la plus chère de l’après-guerre. Le malheureux Rauschenberg, actuellement célébré à Beaubourg, ne pèse que 1,4 million de dollars. Une broutille : l’inventeur des Combine Paintings doit être vingt fois inférieur. Ah ! que l’histoire de l’art serait facile si l’on s’en tenait aux chiffres…
PS - Alors que nous "mettons sous presse", la valse des records sur le marché de l'art ne semble pas près de prendre fin. Selon le New York Times, le collectionneur Steve Cohen aurait récemment acheté à David Geffen Woman III, une oeuvre de 1953 de De Kooning pour 137,5 millions de dollars...
EXPOSITIONS
Van Gogh, pionnier de l’expressionnisme
AMSTERDAM – Les points communs entre Van Gogh et les peintres expressionnistes allemands et autrichiens – actifs deux décennies après sa mort – peuvent sembler évidents même aux yeux des non avertis. C’est cette filiation qu’explore le musée Van Gogh en présentant une centaine d’œuvres de Kandinsky, Schiele, Klimt ou Jawlensky. Outre la fascination que pouvait exercer sur certains, comme Schiele, sa figure d’artiste maudit, les causes de l’influence de Van Gogh sont beaucoup plus simples : dès le début du XXe siècle, les collectionneurs de Berlin, Dresde et Vienne réunissent ses œuvres. Les jeunes artistes des mouvements Die Brücke ou der Blaue Reiter peuvent donc l’approcher et être marqués par ses couleurs violentes, ses touches brusques. Soleil levant d’Otto Dix est ainsi une citation quasi littérale du Champ de blé aux corbeaux. Parmi les œuvres soumises au public, on sera particulièrement attiré par Soleil d’automne, les tournesols fanés de Schiele, redécouverts tout récemment dans une collection privée française. Ils seront mis en vis-à-vis des Tournesols de Van Gogh. Une confrontation que l’on attendait depuis longtemps…
Roman Vishniac, dernier témoin
PARIS – Un monde qui va disparaître : lorsqu’il parcourt l’Europe centrale dans les années 1930 pour photographier les communautés juives, Roman Vishniac, né à Saint-Pétersbourg mais basé à Berlin, a le pressentiment de leur anéantissement prochain par le nazisme. Pourtant, même lorsqu’il aura émigré aux Etats-Unis en 1940, il aura du mal à sensibiliser ses interlocuteurs à l’horreur qui s’abat sur l’Europe. Et quand le livre, rassemblant quelques-uns des 16000 clichés qu’il aura pris en une décennie, paraîtra en 1947, il ne lui restera plus qu’à en changer le titre : « Un monde disparu ». Les 70 images présentées au musée du judaïsme le font revivre avec ses jeux d’enfants innocents, ses shtetl enneigés, ses rabbins à longue barbe. Bien peu connaissent le destin de Vishniac lui-même. Scientifique de haute volée (1897-1990), spécialiste de microbiologie, il formulera des hypothèses sur la naissance de la vie sur Terre. Il laissera une autre œuvre photographique, en couleur celle-là, sur les micro-organismes, protéines ou hormones. Une catharsis nécessaire loin de la folie des hommes…
Raymond Hains, un beau souvenir
PARIS - Lorsqu’un artiste connu meurt, on lui consacre généralement quelques articles nécrologiques et le ministre de la Culture prononce des paroles d’hommage. Puis RIP (requiescat in pace)… Tout cela a été fait pour Raymond Hains, disparu le 28 octobre 2005. Mais le volet officiel tourné, ses admirateurs et amis persistent à ne pas l’oublier. Dans une joyeuse union sacrée que l’on ne voit pas souvent, une quinzaine de galeries parisiennes vont former les étapes d’une journée en son honneur, le mercredi 29 novembre. Conçu par l’Association des amis de Raymond Hains, l’AARH (qu’il faut, semble-t-il prononcer « arrache »), le parcours partira de la la galerie W à Montmartre et passera, pour des escales café, thé ou goûter, par les galeries La Châtre, Véronique Smagghe, Denise René, Daniel Templon, Vallois, Jousse (et on en oublie) avant de finir avec une fête aux Beaux-Arts.
Plus d’informations sur le site de la galerie w, qui va lui consacrer une exposition « perpétuelle »
ARCHITECTURE
Le Corbusier, suite et fin
FIRMINY – Au déplaisir de certains puristes, on s’acharne encore à finir la Sagrada Familia de Gaudi. Pour Le Corbusier, on a été plus rapide : l’église de Firminy (Loire), l’un de ses derniers projets, vient d’être achevée et va être inaugurée le 25 novembre. C’est José Oubrerie, son assistant de l’époque, qui a toujours milité pour mener à terme le projet, qui a supervisé la reprise des travaux en 2002, après 40 ans d’interruption (causée par des problèmes de financement). Cette actualité s’accompagne d’une campagne pour inclure l’œuvre de Le Corbusier sur la liste du patrimoine mondial Unesco. Cinq pays se sont unis pour défendre cette candidature : la France (où ses réalisations sont les plus nombreuses), la Suisse (avec l’immeuble Clarté à Genève et la maison Jeanneret-Perret à La Chaux-de-Fonds), la Belgique (maison Guiette à Anvers), l’Allemagne (maisons du Weissenholf à Stuttgart) et l’Argentine (maison du docteur Curutchet à La Plata). Réponse en 2008.
Présentation de l’église sur le site de l’Association Le Corbusier
SALONS
Les artistes parlent aux artistes
PARIS – Pas d’intermédiaire inutile : au salon Mac2006, les artistes exposent directement sans passer par des galeries. On y voit beaucoup de toiles figuratives – certains observateurs considèrent cela un peu « ringard » - mais aussi, et de plus en plus, de la photographie et de la vidéo. Voire des installations ou des images numériques. On peut trouver fort inégale la qualité des propositions. Mais c’est cette variété, qui inclut également collages naïfs, céramiques émaillées ou boites à la Joseph Cornell, qui rend ce salon attachant, tout comme le sentiment que ces artistes n’obéissent pas encore (ou pas tout à fait) aux mécanismes du marché, qui impose classements, valeurs, cotations. Ils sont cette année 133 à se soumettre au jugement du public. Projections et débats (le 23, « qu’est-ce qu’un artiste aujourd’hui ? », animé par Françoise Monnin, le 25, « la peinture existe-t-elle ? », animé par Niégo Paquito) rythmeront la manifestation.
Site du salon avec une illustration pour chacun des artistes
LIVRES
La foi vue du ciel
L’idée était bonne en soi : profiter de l’engouement pour la photographie aérienne et montrer autre chose qu’une succession de paysages jolis ou « impressionnants ». L’ambition affichée de cette collection est de faire découvrir sous un autre angle les grands monuments de l’humanité. Après un premier tome qui nous a emmenés en 2005 sur les sites archéologiques, voici le second sur les lieux de la foi, cathédrales, temples et mosquées. Pour chaque moument, après un bref aperçu historique on déplie un feuillet qui permet d’admirer sur une imposante photographie, quatre fois plus grande que le format du livre. De la grande mosquée de Samarra (Irak) à Notre-Dame de Brasilia en passant par le surprenant Pogost de Kizhi (Russie), il est intéressant de voir comment l’homme a cherché à s’élever pour se rapprocher de la divinité. Mais pourquoi diable nous imposer des gros plans flous, sans doute trop zoomés (Saint-Siméon, Samarra, Sainte-Sophie, etc) quand le propos affiché est documentaire ! Et pourquoi ne pas respecter un principe de base : montrer d’abord les détails de l’édifice puis, sur le grand dépliant, replacer celui-ci dans son environnement naturel ou urbain. La promenade est belle mais un peu redimensionnée par ces faiblesses.
BRÈVES
BORDEAUX – Henri-Claude Cousseau, actuel directeur de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts et ancien responsable du Centre d’arts plastiques contemporains de Bordeaux (CAPC) a été mis en examen pour avoir des oeuvres “à contenu pornographique” lors de l’exposition “Présumés innocents” tenue au CAPC en 2000.
GUBEN (Allemagne) - Guenther von Hagens, le créateur controversé d'écorchés humains à partir de vrais cadavres (qu'il expose avec grand succès à travers le monde) vient d'ouvrir un musée permanent. Le Plastinarium présente ces personnages embaumés dans des poses profanes (jouant aux cartes, faisant du sport).
LILLE - Un mois après son ouverture, Lille 3000 fait un premier bilan. 147 953 personnes ont visité les expositions. En tête Le Tri Postal Bombay Maximum City, Le Troisième Œil, La Fabrique, Futurotextiles avec 79 825 visiteurs, L’Homme Paysage, au Palais des Beaux-Arts avec 13 100 personnes. La Saison Finlandaise à La Piscine a accueilli 7700 personnes et Londres-Bombay, Victoria Terminus, au Fresnoy - qui mérite mieux - 4 100 personnes Et la fête continue...
NEW YORK – Le tableau de Goya, “Enfants à la carriole”, volé il y a quelques jours lors de son transport entre le musée de Toledo (Ohio) et le Guggenheim, auquel il était prêté pour une exposition sur l’art espagnol, a été retrouvé par les agents du FBI, qui ont annoncé qu’il n’avait pas été endommagé.
PARIS – La maison Camard propose le 29 novembre une vente d’arts décoratifs du XXe siècle. Parmi les pièces proposées, on note des vases de Gallé, des meubles de Chareau et Ruhlmann (un porte-estampes en placage de macassar estimé 220 000 €) et des pendentifs de Line Vautrin (à partir de 300 €).
SAINT-ETIENNE - La 5e Biennale internationale du design se tient du 23 novembre au 3 décembre. L'exposition principale, Cohabitations, a été confiée à Matali Crasset.
STRASBOURG – La 11e édition de la foire d’art contemporain St-art se tient du 24 au 27 novembre au parc des expositions avec la participation de près de 100 galeries. Cette année, l’Italie est le pays invité.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
cette semaine ne manquez pas
ARTS, SAVOIRS, MÉMOIRE, Trésors de la Bibliothèque de Genève
La Bibliothèque de Genève est née au XVIe siècle, avec le Collège et l’Académie fondés par Calvin. Institution culturelle de la Genève des Lumières, elle bénéficie des réseaux européens de ses « directeurs » : ils sont théologiens mais aussi juristes, médecins, négociants, amateurs de belles-lettres et d’art, artistes ou mathématiciens, férus d’archéologie, bibliophiles… L’élargissement de ses collections date de cette époque : tableaux, curiosités naturelles, merveilles des arts et des sciences, objets d’archéologie y constituent le premier « musée » de Genève.
André Brasilier chez Jean de La Fontaine
André Brasilier, Premier Grand Prix de Rome de peinture en 1953, expose pour la première fois à Paris en 1959. Suivront New York, Tokyo, Vancouver, Genève, etc., puis une première rétrospective en 1980 au château de Chenonceau. Ses dernières expositions en date se sont tenues au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg en 2005, à l’Espace des arts Mitsukoshi Etoile à Paris, et à Tokyo en 2006. L’invitation qui lui a été faite d’exposer ses œuvres au musée Jean de La Fontaine, à Château-Thierry, permet de découvrir les paysages heureux du Tardenois.