ArtAujourdhui.Hebdo
N° 28 - du 14 décembre 2006 au 20 décembre 2006
Ceci est le dernier numéro de 2006. Notre prochain numéro paraîtra l'an prochain, le 4 Janvier 2007 JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE !
L'AIR DU TEMPS
Miami : grand beau malgré la pluie
MIAMI – Le temps fut malheureusement pourri, excluant de l’agenda les séances de bain de soleil. Les visiteurs de la foire d’art contemporain Art Basel Miami Beach – quelque 40 000 ont été recensés du 7 au 10 décembre - pourront au moins prouver qu’ils ont été studieux… C’est qu’entre l’événement principal, qui fêtait sa 5e édition, et la dizaine de foires parallèles, le programme était chargé. D’autant que les nombreuses collections privées – celles des familles Rubell, Cisneros, de la Cruz ou Robins – avaient prévu des ouvertures exceptionnelles. Peu importe, au fond, les affaires conclues. Elles ont forcément été juteuses (une « frénésie de ventes » écrivait le Figaro). Comment pourrait-il en être autrement pour clore une année historique en termes de transactions ? Le prochain rendez-vous pour confirmer les tendances est déjà fixé : ce sera à Bâle, le 13 juin, pour la manifestation fondatrice, Art Basel, qui menace d’être dépassée par le succès de son rejeton. Sauf si une piquante rumeur s’avère : Art Basel Miami pourrait émigrer à Los Angeles. Le marché de l’art s’octroie les frissons qu’il peut…
COMMANDE PUBLIQUE
Le tramway des beaux-arts
PARIS – La capitale française inaugure en grande pompe son dernier projet d’envergure le 16 décembre : le tramway qui parcourt le boulevard des Maréchaux (partie sud), sur une longueur de près de 9 kilomètres. Cet équipement urbain a été l’occasion de passer des commandes publiques d’une ampleur inconnue depuis les fameuses colonnes de Buren, au Palais-Royal, qui remontent à… plus de vingt ans. Neuf installations ponctuent le tracé, depuis le pont du Garigliano, à l’ouest, jusqu’au quai d’Ivry, à l’est. Ce sont dans l’ordre : une cabine téléphonique imaginée par Frank Gehry, où Sophie Calle répond au combiné ; une micro-architecture de Dan Graham ; une installation d’Angela Bulloch sur la façade de brique de l’Institut de puériculture ; une animation de Peter Kögler sur le pont de Vanves (doublée, un peu plus loin, d'un espace pour skaters du même artiste) ; un « bassin aérien » de Claude Lévêque ; des bancs de Boltanski distillant des confidences amoureuses dans le parc de Montsouris ; des palmiers plantés par Bertrand Lavier. Et, pour finir, un totem de Didier Fiuza-Faustino, haut de 17 mètres.
EXPOSITIONS
Les shocking Chapman
Ce sont les enfants terribles de l'art contemporain britannique, ceux par qui le scandale arrive souvent. Les frères Dinos (44 ans) et Jake (39 ans) Chapman font partie des fameux YBAs, le mouvement patronné par Charles Saatchi, lequel fut longtemps un de leurs meilleurs clients. La guerre, le sexe, le capitalisme sont quelques-uns des thèmes qu'ils abordent et on les retrouve tous à la rétrospective que leur consacre la Tate Liverpool. Les Zygotic accelerations sont des mannequins d'enfants assemblés et pourvus d'organes génitaux placés au hasard. Les malheurs de la guerre se lisent à travers l'influence de Goya, qui les a poussés à reconstituer de petits personnages en relief (1993), inspirés de ses gravures. Puis à le piller sans vergogne : lorsque les Chapman dessinèrent en surimpression sur les gravures originales du maître espagnol, ce fut un beau tollé… Hell est peut-être leur travail le plus abouti mais il a brûlé en 2005 dans l'incendie du dépôt de Saatchi : des paysages avec des centaines de figurines représentant des tortionnaires. Les deux frères, notoirement peu bavards avec la presse, ont fait savoir qu'ils travaillaient actuellement à la reconstitution de ce "panorama". Ils préparent, également dans le secret, une installation qui sera dévoilée à la Tate Britain en janvier. Avec les Chapman, le plus incongru est toujours à venir.
Sous Tintin, Hergé
PARIS – Il aurait eu 100 ans en 2007, donc trop âgé pour lire Tintin, consacré, comme dit la formule fameuse, « aux jeunes de 7 à 77 ans »… Hergé a-t-il sciemment choisi de mourir en 1983, à juste… 76 ans ? Le Centre Pompidou rend hommage, sur sa mezzanine, à l’auteur de BD le plus lu du siècle : une preuve de plus que le neuvième art, longtemps relégué dans le genre populaire, a définitivement pris du galon. Des centaines de planches (dont celles, originales, du Lotus bleu), mais également des dessins préparatoires, des caricatures d’Hergé lui-même, ou des éléments de sa correspondance. Dans la première partie de l’exposition, qui parcourt sa carrière depuis la revue le Boy-Scout jusqu’au finale d’un homme riche, collectionneur de Warhol et Lichtenstein, une date est évidemment essentielle : 1928, lorsqu’à 20 ans, à peine, le jeune R.G. (Remi Georges) prend les rênes du supplément du Petit Vingtième, un tremplin idéal pour les aventures de Tintin. L’exposition à Beaubourg est un clin d’œil à l’histoire : dans sa dernière livraison, Tintin et l’Alph-art, Hergé fait apparaître l’édifice, taxé de « raffinerie » par un cheikh oriental…
Turpin, éloge du petit maître
ANGERS – A choisir entre la centième exposition du génie Picasso et la première de l’inconnu Turpin, on a bien envie de faire le second choix. Qui est Turpin ? Un peintre sans éclat de la première moitié du XIXe siècle, de petite noblesse angevine, qui fut chambellan de Joséphine après sa disgrâce - et peut-être son amant. Le musée d’Angers lui accorde une exposition sérieuse fondée sur trois sources de prêts : des collections particulières (ce qui suppose un beau travail d’enquête), des musées de province (Angers bien sûr, La Roche-sur-Yon ou Lisieux) et, curieusement, de grandes institutions internationales (Louvre, musée de Boston, Accademia de Venise). C’est que Turpin de Crissé symbolise ce pèlerin du Grand Tour comme il y en eut tant : chevillé dans sa province mais amateur fou d’Italie, sans éclat dans sa technique et sans originalité dans ses motifs (les sempiternelles cascades à Tivoli ou vues du Vésuve, etc). Mais qui, à force d’imperfections, en vient à délivrer un regard personnel, frais et sans prétention, qui trouvera dans le dessin et la lithographie (pour les Voyages pittoresques du baron Taylor) un prolongement efficace. Bref, un mètre-étalon idéal pour un courant de la peinture, qui a bien périclité depuis : le paysage.
PATRIMOINE
Palazzo Madama, une restauration majeure
TURIN – Il rouvre enfin ! Le musée d’art ancien de la capitale piémontaise, après une parenthèse de dix-huit ans, est enfin visitable. Sis dans le Palazzo Madama (qui tire son nom de deux épouses françaises de la dynastie de Savoie, Christine et Jeanne-Baptiste, qui furent régentes), il abrite la bagatelle de 70 000 objets, de l’ère paléo-chrétienne jusqu’au XIXe siècle. Il reflète en cela l’histoire du bâtiment, une ancienne porte romaine, transformée en forteresse au Moyen-Age et profondément remaniée à l’époque baroque sous la baguette du grand architecte local, Filippo Juvarra. Lancé en 1988, le Progetto Palazzo Madama, financé en partie par la Caisse d’Epargne de Turin (CRT), avait connu une première étape en 2001 : à l’époque, l’avant-corps et le monumental escalier avaient déjà été rendus accessibles. Outre du mobilier et de nombreux objets d’art, on y voit des tableaux d’écoles du Nord de l’Italie (Procaccini, Brambilla) et, parmi les chefs-d’œuvre, une sculpture de Bambaia et un Portrait d’homme d’Antonello da Messina.
LIVRES
Rodtchenko : tout dans les angles
Peintre, il a accompagné les suprématistes jusqu’au manifeste proclamant l’abandon de la peinture de chevalet. Pionnier du photomontage, il a ensuite marqué la photographie russe des années vingt. C’est cette époque que privilégie l’ouvrage : aucune mention donc de ses toiles, mais abondance de reproductions de Lef ou Dayosh, les magazines qui lui ont servi à faire passer ses vues révolutionnaires. Des compositions en diagonale, des contre-plongées ébouriffantes, des jeux de symétrie à base de motifs répétitifs (escaliers, charpentes, balcons), qu’il explore avec le groupe Octobre où officient d’autres brillants créateurs comme Boris Ignatovitch, auxquels le livre offre un espace généreux. Rodtchenko mourra après Staline (en 1956) mais sa carrière aura été tronquée bien avant. Pour les tenants du réalisme soviétique, ses expérimentations étaient des caprices petits-bourgeois. Même si elles prenaient pour motif la mécanisation des campagnes, l’alphabétisation, les conquêtes du plan quinquennal ou l’asphaltage des routes.
BRÈVES
ANTIBES – Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a inauguré le 11 décembre la nouvelle médiathèque d’Antibes, dessinée par Pierre Riboulet (décédé en 2003).
LONDRES - La robe d'Audrey Hepburn dans Petit déjeuner chez Tiffany (1961), estimée 50 000 £, a été adjugée 467 200 £ le 5 décembre chez Christie's, établissant un nouveau record pour un costume de film. Le propriétaire en était Dominique Lapierre et le produit de la vente sera affecté à la fondation Cité de la joie.
LONDRES – Vue de Tinherir, un paysage marocain peint par Winston Churchill au début des années 1950, a été vendu chez Sotheby’s pour 612 000 £, soit plus du double de l’estimation.
PARIS – La vente d’art moderne de la maison Calmels-Cohen du 18 décembre comprend une pièce très attendue de Francis Picabia, l’Optophone, estimée 300 000 à 500 000 €.
PARIS – Près de 200 œuvres de Jean Arp – 114 plâtres et 32 reliefs – saisis en 1996 par les douanes alors qu’elles allaient sortir illégalement de France, ont été remises cette semaine, dix ans jour pour jour après la saisie, au Centre Pompidou.
PARIS – Quatre études de têtes d’homme, deux croquis d’avant-bras féminins et une étude de robe, un dessin de Watteau, a été adjugé 561 448 € le 7 décembre à Drouot lors d’une enchère de la maison Piasa. C’est le record mondial pour un dessin de l’artiste.
STRASBOURG – Le musée des Beaux-Arts de Strasbourg inaugure trois nouvelles salles au 1er étage du palais de Rohan le 14 décembre. Outre une meilleure présentation de la peinture vénitienne, on pourra y voir l’ensemble du legs Eisenbeth, entré au musée fin 2004 : 14 peintures dont un important lot d’écoles nordiques (Franciscus Gijsbrechts, Abraham Genoels).
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