ArtAujourdhui.Hebdo
N° 30 - du 11 janvier 2007 au 17 janvier 2007
L'AIR DU TEMPS
Musée, dis-moi ton nom
La manie de nommer les musées par des sigles nous vient probablement d’Amérique (MOMA pour Museum of Modern Art, LACMA à Los Angeles, etc). Elle se répand avec une vigueur nouvelle à travers le monde. L’Italie prépare ses MACRO et MAXXI à Rome, son MAMBO à Bologne. L’Espagne, après le MACBA de Barcelone, a lancé l’ARTIUM au pays Basque et le MUSAC à León. L’Autriche a le MUMOK, le Luxembourg le MUDAM. Même la France, qui tend à prendre le contrepied des modes pour affirmer sa diversité culturelle, a déjà son IMA (Institut du monde arabe) et prépare le MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille). L’Egypte vient de mettre sa pierre à l’édifice. Le futur grand musée de la civilisation égyptienne, qui surgira près des pyramides en 2009 sur 270 000 m2, sera le NMEC. On regrettera une perte de dimension poétique pour ces institutions qui tendent à ressembler, avec leurs acronymes, aux banques et aux compagnies d’assurance. C’est en revanche une excellente nouvelle pour les cruciverbistes.
ART CONTEMPORAIN
Les Suisses viennent à nous
LYON – Pendant trois mois, à partir du 12 janvier, la scène contemporaine suisse est accueillie à Lyon et dans toute la région Rhône-Alpes. Dans un programme foisonnant, les galeries et les institutions se partagent le travail. On verra ainsi Raphaël Julliard à la BF15 et Gianni Motti à la Salle de bains (à Lyon) tandis que le Centre international estampe et livre (à Villeurbanne) présente un panorama de la gravure, un genre que des artistes comme Armleder ou Gigy ont pratiqué. A partir du 15 février, le musée d’Art contemporain de Lyon accueille « Une question de génération », une exposition consacrée aux artistes nés dans les années soixante, de Francis Baudevin à Ingrid Wildi, en passant par les stars Pipilotti Rist et Ugo Rondinone. Ce programme ambitieux de 160 manifestations dans tous les domaines de la création – arts plastiques mais aussi musique, théâtre, danse – fait penser à la saison indienne qui s’achève à Lille. Sauf que l’exotisme est à chercher de l’autre côté de la frontière plutôt qu’aux antipodes…
1 000 044 bougies pour l’art
Redonner à l’art contemporain un caractère imprévisible, décalé, festif : c’est un peu l’idée qui sous-tend la curieuse manifestation prévue pour le 17 janvier dans toute la France. Le titre abstrus, le « Un million et quarante-quatrième anniversaire de l’art », fait référence à une intervention de Robert Filliou, lequel célébra le 17 janvier 1973, à Aix-la-Chapelle, le « Un million et dixième anniversaire de l’art ». Lequel Filliou s’amusait à décliner ainsi son état-civil : « né en 999 963 a.a (après l'art) ». Trente-quatre ans étant passés, il est juste d’ajourner les pendules du calendrier artistique universel… Performances éphémères, installations, vidéos, lectures : on n’en saura guère plus sur le programme de ces 24 heures, qui toucheront une quarantaine d’espaces d’art contemporain. Avec une cohorte de créateurs connus – Bertrand Lavier, Daniel Buren, Jean-Pierre Raynaud, Martha Rosler, Atelier Van Lieshout - ou moins. Voire des morts, comme Raoul Hausmann ou Chen Zen, qui se révèlent plus vivants que jamais.
Un club des cinq à New York
NEW YORK - Un coursier à bicyclette, un électricien, un postier, un homme d’affaires et un employé : ils sont réunis cet hiver à New York. Non pas en chair et en os mais virtuellement, sur les façades extérieures du Museum of Modern Art (MoMA) qui hébergent 8 écrans géants. L’installation sleepwalkers a été commandée à Doug Aitken qui avoue porter un autre regard sur la métropole depuis qu’il n’y vit plus. Ces cinq personnages sortent de chez eux à la nuit tombante et se fondent dans la nuit new-yorkaise, où une frénésie de mouvement s’empare d’eux en compagnie de taxis, rames de métro ou photocopieurs. Des personnages connus ont prêté leurs traits à l’artiste, dont Donald Sutherland et Tilda Swinton. Les cinq projections durent chacune 13 minutes et seront proposées tous les soirs de 17h à 22h du 16 janvier au 12 février.
Une vidéo de 60 secondes pour avoir un aperçu de Sleepwalkers
EXPOSITIONS
Le choc des photos
PARIS - La formule de Paris Match peut bien s’appliquer à la rétrospective proposée au Jeu de Paume. Elle présente des images emblématiques de l’actualité, ordonnées par grandes thématiques : l’attentat (le 11 septembre évidemment), la bataille (la guerre de Crimée, premier conflit photographié), le mouvement social (les congés payés), la chute des symboles (le mur de Berlin), l’exploit (l’odyssée de l’espace). Décontextualisées, ces images gardent leur force mais deviennent muettes : on réalise combien la légende, le « poids des mots », leur est nécessaire. La sélection opérée par les commissaires – des clichés du pionnier Roger Fenton aux photoreporters actuels - montre comment l’image a permis de diffuser un événement, de le transformer en mythe, de le faire entrer en réel direct dans chaque foyer. Aujourd’hui, l’abus d’images entraîne leur obsolescence plus rapide mais assure au « bon cliché » un écho planétaire immédiat.
PATRIMOINE
Vauban bat Le Corbusier
PARIS – Le ministre de la Culture a annoncé que la France présenterait, pour leur inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en 2007, les lagons de Nouvelle-Calédonie (patrimoine naturel) et l’œuvre de Vauban (patrimoine culturel). La France compte 29 biens culturels et un seul bien naturel (le golfe de Porto, en Corse) sur les 830 numéros de la liste. C’est en raison du 3e centenaire de la mort de Vauban, fêté cette année, que ce dernier dossier a été préféré à « L’œuvre de Le Corbusier dans le monde », qui sera, lui, présenté en 2008. Pour lancer l’année Vauban, un lâcher de ballons a eu lieu le 1er janvier dans toutes les villes françaises possédant ses fortifications soit environ… 150. Le 24 janvier, une cérémonie aura lieu aux Invalides, où se trouve le cœur de Vauban depuis 1808. Suivront des colloques, des concerts, deux expositions au musée de l’Armée (le 29 mars) et à la Cité de l’Architecture (novembre), plusieurs publications, dont l’intégrale de l’œuvre écrite de Vauban (ses 29 Mémoires ou Oisivetés, aux éditions Champ Vallon).
LIVRES
Courbet dans le texte
Publier un ouvrage sur Courbet sans illustrations ? En notre époque du tout-image, c’est une entreprise osée. Dans son petit livre, Gérald A. Jaeger y réussit assez bien en mêlant les passages un peu romancés de mise en atmosphère et l’analyse de l’œuvre. On n’est pas convaincu par la mise en scène théâtrale du rapport de Courbet aux femmes (la belle adolescent Lise qu’il aime d’un amour forcément pur, Virginie Binet, « la compagne des beaux jours », Léontine Renaude à l’impudeur telle qu’elle faisait « trembler le crayon le plus exercé »). Pour le reste, on se laisse prendre avec un certain plaisir par le récit de cette vie pleine de reliefs : les rebuffades du Salon, l’aventure du pavillon de l’Alma en 1855 (Courbet, qui a 36 ans, y tient son propre salon), l’année en Hollande, l’amitié dans le Midi avec le jeune mécène Bruyas. Jusqu’à la désastreuse affaire de la colonne Vendôme (accusé d’être le principal responsable de son déboulonnement sous la Commune, Courbet fera de la prison et s’exilera en Suisse et finira) qui écourtera sa vie. Le rapport de Courbet avec l’orthographe, avec la photographie, l’histoire de l’Origine du monde, les liens avec Baudelaire ou Castagnary sont évoqués. Le livre fermé, on a envie de voir ou revoir les Baigneuses, les Casseurs de pierre, la Rencontre. Il ne reste qu’à attendre la grande rétrospective de l’automne au Grand Palais.
BRÈVES
LONDRES – Le Freud Museum, que l’on imagine confit dans l’histoire, accueille une décapante exposition collective à partir du 11 janvier. Intitulée Paranoïa, elle explore nos peurs les plus irrationnelles. Parmi les artistes invités, Douglas Fishbone expose un jeune Musulman, en habits traditionnels, emprisonné dans une cage de fer.
LONDRES - L'Unesco a menacé de placer la Tour de Londres sur la liste du patrimoine menacé en raison de la multiplication des gratte-ciels à son entour. Ce serait le premier monument d'un pays développé à être ainsi "rétrogradé".
NEW YORK - Le Museum of Modern Art a annoncé la vente d'un terrain qu'il possède, contigu au musée. Aux prix de l'immobilier new yorkais, l'opération lui rapportera 125 millions de dollars.
PADOUE – Selon Vittorio Sgarbi, président du Comité national pour les célébrations du 500e anniversaire de la mort de Mantegna, les différentes expositions consacrées au peintre à Padoue, Mantoue et Vérone, ont attiré 850 000 visiteurs depuis septembre 2006. Elles ferment entre le 14 et le 28 janvier.
PARIS – Selon les chiffres avancés par le quotidien Libération, la cession de la marque « Louvre » pour le musée en projet à Abou Dhabi représenterait des revenus de 500 millions d’euros pour l’institution française.
PARIS - Le musée de l'Homme, vidé de ses collections d'ethnologie, parties au Quai Branly, va subir une rénovation complète. Elle sera confiée à l'équipe Brochet, Lajus, Peyo et Nebout (déjà actifs sur le musée Fabre à Montpellier). La fin des travaux, d'un montant de 50 millions d'euros, est programmée pour 2012.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Hammershoi et Dreyer
BARCELONE - Le Centre de culture contemporania réunit dans une même exposition deux des plus grands artistes danois : le peintre Hammershoi (1864-1916) et le cinéaste Dreyer (1889-1968). En contreposant les tableaux de l'un et les films de l'autre, dont La Passion de Jeanne d'Arc et Gertrud, elle explore les analogies entre eux : science de la lumière, goût pour les univers intérieurs, fascination pour le silence et la mort.