ArtAujourdhui.Hebdo
N° 32 - du 25 janvier 2007 au 31 janvier 2007
L'AIR DU TEMPS
Beaubourg, les trentièmes rugissants ?
PARIS – Le Centre Pompidou fête ses trente ans ce mois de janvier. Avec divers événements, dont la réouverture du 5e étage et la projection d’une vidéo de Pipilotti Rist sur le parvis. Outre l’inévitable bilan, plutôt flatteur en termes de fréquentation – 150 millions de visiteurs en trois décennies – et d’expositions repères (Paris-Moscou, Paris-Berlin, Vienne 1900, les Magiciens de la Terre, Dada), l’institution a fait savoir, par son président Bruno Racine, qu’elle avait désormais les yeux tournés vers l’Orient. Après l’échec d’une implantation à Hong Kong, c’est la Chine continentale qui devrait voir naître, à Shanghai, le premier Beaubourg hors de France. Est-ce un symbole ? L’autre grand projet - le Centre Pompidou de Metz dessiné par Shigeru Ban, avec l’aide de Jean de Gastines - aura justement la forme d’un chapeau chinois. Peut-être pour montrer qu’il ne veut pas perdre son âme ni la vendre aux marchands du temple (accusation qu’essuie pour l’instant le Louvre…), Beaubourg annonce des initiatives dans l’Hexagone, dont un festival d’art contemporain pour les enfants, qu’on attend avec intérêt en juin
MUSÉES
Louvre des records
PARIS – Alors que la délégation ministérielle était à Abou Dhabi pour signer le très juteux contrat qui va donner naissance à un « Louvre des sables » (on parle de 700 millions d’euros de redevances), le musée français diffusait ses chiffres de fréquentation pour 2006. Ils marquent un nouveau palier : après 7,5 millions de visiteurs en 2005, ils sont 8,3 millions à avoir franchi ses portes en 2006. Ce qui lui permet de conserver facilement son sceptre de musée le plus fréquenté du monde. Les expositions temporaires ont réalisé des performances contrastées, un peu en demi-teinte pour Rembrandt et Hogarth (comptabilisés ensemble à 212 000 visiteurs), beaucoup mieux pour Ingres (379 000 entrées). La direction attribue l’excellente fréquentation à la bonne conjoncture touristique, au nombre d’expositions temporaires (17), à la programmation (notamment autour de l’écrivain Toni Morrison) et à la nocturne gratuite du vendredi pour les moins de 26 ans. En oubliant un facteur fondamental : la sortie du film Da Vinci Code au mois de mai… Le Louvre absorbe plus de 20 000 visiteurs par jour. Peut-il faire plus ? Que les puristes nous pardonnent : le saupoudrage si contesté de ses trésors à travers le monde pourrait bien être une valve de sécurité…
EXPOSITIONS
Redon : le noir est mis
FRANCFORT – Alors que Cézanne est depuis longtemps considéré comme un des pères de la peinture occidentale moderne, Odilon Redon peine à atteindre ce statut. Pour Margret Stuffmann, la commissaire de la rétrospective que lui consacre la Schirn Kunsthall, avec 200 tableaux, dessins et gravures, il mérite pourtant une telle reconnaissance. La faute à son individualisme, peut-être. Ou à son attirance pour l’ésotérique et le mystère, qui n’en font pas un artiste d’accès aisé. L’exposition met en avant son goût pour la couleur noire, qui marque la première partie de sa carrière. Grand dessinateur, grand graveur, Redon, né en 1840 et qui a grandi en solitaire dans la campagne bordelaise, noue des liens étroits avec le botaniste Clavaud qui l’initie à la science et aux merveilles du monde végétal, algues en tête. Araignées, corbeaux, amibes couleur charbon bâtissent un monde de rêves (ou de cauchemars). Curieusement, c’est en vieillissant que Redon abandonne progressivement le noir au profit de la couleur, guidé par les mythes de la religion et de l’Antiquité classique.
C’est haut, c’est haut La Défense
PARIS - Alors que l’on attend encore une date précise pour l’ouverture de la Cité de l’architecture (prévue en mars puis repoussée), on peut patienter au palais de Chaillot avec quelques grands noms de la discipline. Les projets concurrents pour une nouvelle tour de 300 mètres à La Défense – un concours lancé par Unibail – sont mis en regard. L’édifice qui devra s’insérer tout près de la célèbre voûte du CNIT devait être au dernier cri de la technique en termes d’économie d’énergie et de fonctionnement « écologique ». Le vainqueur, Thom Mayne, de l’agence Morphosis, est passé du semi-anonymat que lui valaient ses compositions brutalistes tout en angles au statut de « classique » grâce à l’obtention du dernier Pritzker Prize. Sa tour épouse une courbe : elle tranche avec les verticales voisines mais se raccorde élégamment aux lignes du CNIT. Le diapason de Fuksass ou la colonne à dentelles de Manuelle Gautrand sont également des projets de qualité. Sur les dix concurrents, un seul semble avoir laissé de marbre les commentateurs : Jean Nouvel qui a affublé son lourd bâtiment d’écran géants mobiles.
Bourdelle vivifié par Sarkis
PARIS - De nombreux musées ont pris l’habitude d’inviter des artistes d’aujourd’hui à se mesurer aux créateurs d’hier. Le musée Bourdelle propose une programmation assez réussie en la matière. Le nouvel invité est Sarkis, qui travaille depuis longtemps sur le thème de la mémoire, de l’héritage. Le fait qu’il soit d’origine arménienne et né à Istanbul donne involontairement une autre dimension à sa recherche, quelques jours après l’assassinat du journaliste Hrant Dink. Dans le monumental hall des Plâtres, où se trouvent le Centaure mourant et le Monument à Bolivar, Sarkis a conçu une installation lumineuse, Inclinaison. Suivent 41 bombes d’aquarelle et leurs sucriers, qui constituent une interrogation sur la couleur. Musique (avec Ravel) et odeurs sont également convoqués. Sarkis a voulu la collaboration de deux artistes, qui ont 25 ans de moins que lui, Jean-Marie Perdrix (ses totems provenant du recyclage de sacs en plastique) et Patrick Neu (ses dessins au noir de fumée). Une façon d’illustrer symboliquement les liens nécessaires entre générations.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Jan Fabre : le carnaval passe, les chiens aboient
Il est polymorphe, actif dans les arts plastiques, la chorégraphie, le théâtre. Il a fait scandale à Avignon et recouvert d’un million d'élytres de scarabées un plafond du Palais royal de Bruxelles. L’été dernier, Jan Fabre, 48 ans, a été fastueusement fêté avec cinq expositions simultanées à Anvers. Il arrive à Paris, à la galerie Templon, avec l’une d’elles : un Carnaval des chiens errants où des chiens empaillés (dont il a recueilli les cadavres au bord de l’autoroute) et suspendus attendent indéfiniment avec des chapeaux pointus, à côté de mottes de beurre. « Le chien est un peu une métaphore de l’artiste, explique Jan Fabre. La société le désire et puis, un jour, le laisse tomber. » Preuve de son obsession pour les thèmes de l’animal et de la mort sont ses dernières sculptures, les Messagers de la mort décapités, cinq têtes de hiboux reconstituées plume par plume, avec des yeux de verre. Dans l’agenda de Jan Fabre, qui jamais ne mollit, sont prévues une installation au Louvre et une autre dans un palais du Grand Canal pour la Biennale de Venise, en juin. Toujours sur le thème du carnaval des animaux. « Mais les chiens y seront remplacés par des chats, avec une lumière scintillante au fond de l’œil. »
LIVRES
Un Marcel, sinon deux
Il est devenu depuis longtemps un chromo, le symbole de toutes les avant-gardes. A tel point que l’on ne connaît de lui que quelques fragments d’identité, devenus symboles universels : l’urinoir, la roue de bicyclette, les parties d’échecs à n’en plus finir, le profil anguleux de vieux sage dans lequel est fiché une pipe. Pour le reste, le grand public ne sait pas grand chose : Duchamp est demeuré un beau mystère. Une nouvelle biographie lève le voile. Ecrite par une novice de l’édition, dans un style nerveux, accumulant les références, les anecdotes, elle se lit avec plaisir. Plaisir qui doit sans doute à l’apparition d’un autre Duchamp, non statufié. On voit un fils de notaire obéissant, fréquentant les bordels avec le fils du charcutier. On découvre le célibataire endurci tombant amoureux, sur le tard, de Mary Reynolds puis de Teeny, la femme abandonnée par Pierre Matisse. On mesure l’étendue de ses sentiments d’amitié : il correspond pendant des décennies avec Picabia ou Pierre-Henri Roché. On se familiarise avec un carriériste consommé, faisant tout son possible pour que ses œuvres soient réunies en quelques collections essentielles (comme celle des époux Arensberg, à Philadelphie)… et avec un marchand d’art avisé, liquidant son héritage pour acquérir 19 sculptures de Brancusi. Lorsque l’une d’entre elles, Oiseau dans l’espace, sera bloquée en 1926 par les douaniers américains, il jouera un rôle important dans la définition moderne de l’œuvre d’art. Duchamp est vraiment incontournable…
BRÈVES
ABOU DHABI – Art Paris, le salon d’art contemporain et moderne qui se tient du 29 mars au 2 avril au Grand Palais, vient d’annoncer qu’il aurait une édition à Abou Dhabi du 26 au 29 novembre 2007. Quarante galeries sont attendues.
BOLOGNE - La 31e édition d'Arte Fiera, l'une des principales foires d'art moderne et contemporain en Italie, se tient du 26 au 29 janvier. Environ 200 galeries sont présentes ; 40 000 visiteurs sont attendus.
HOLLYWOOD – Un film sur les dernières années de Dalí, tiré du livre de Stan Lauryssen, Dali and I, va être prochainement tourné par Andrew Niccol. Le rôle titre sera joué par Al Pacino.
LAREN (Pays-Bas) – Sept sculptures de bronze ont été dérobées le 19 janvier du musée Singer. L’une d’elles, une édition du Penseur de Rodin, a été retrouvée par la police le jour même.
PARIS – Le ministère de la Culture a annoncé la création prochaine d’une Agence internationale des musées de France. Elle sera chargée d’accompagner l’implantation des établissements publics français à l’étranger (dont le Louvre à Abou Dhabi) et fournira des prestations de conseil et d'expertise aux musées étrangers qui la solliciteront.
PARIS – La Réunion des musées nationaux propose une vente exceptionnelle de bijoux, accessoires, moulages, catalogues, gravures, etc, au Grand Palais du 25 au 28 janvier, de 11h à 18h.
PARIS – Le Grand Prix national de l’architecture 2006 a été remis mercredi 24 janvier à Rudy Ricciotti, qui vient de livrer le Centre chorégraphique d’Aix-en-Provence et a gagné le concours du MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille) et du département des arts islamiques du Louvre.
PARIS – Sotheby’s présente à Paris (76 rue du Faubourg Saint-Honoré), du 25 au 28 janvier, les clous de sa vente impressionniste du 5 février à Londres, notamment les Deux Sœurs de Renoir, estimé 9 à 12 millions €.
STRASBOURG – Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a signé le 19 janvier la convention de transfert du château du Haut-Koenigsbourg de l’Etat au département du Bas-Rhin.
TOKYO - La capitale japonaise vient d'ouvrir l'un des plus grands centres d'art du monde, dessiné par Kisho Kurokawa. Originalité de ce National Art Center of Tokyo, de 48 000 m2 : il ne dispose pas de collection propre. Il présente à partir du 7 février l'exposition Artistes étrangers à Paris 1900-2005.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Tintoret
MADRID - On l'attendait depuis 70 ans : le Prado consacre au peintre de la Renaissance sa première véritable rétrospective depuis celle de Venise en 1937. En 65 pièces, dont 49 tableaux venus du monde entier, le musée espagnol fait le tour d'une production foisonnante et réussit de beaux rapprochements : la Cène et le Christ lavant les pieds de ses disciples, autrefois dans l'église de San Marcuola, sont réunis pour la première fois depuis quatre siècles…