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N° 34 - du 8 février 2007 au 14 février 2007

L'AIR DU TEMPS

Un Pollock trop loin ?

Les progrès de la science rendront-ils infaillible toute analyse en authenticité des tableaux modernes (pour les œuvres en pierre de l’Antiquité, c’est autrement plus complexe) ? Peut-être mais c’est une autre affaire que d’accepter les conclusions d’une expertise lorsque les enjeux financiers sont démesurés. Prenez les 32 Pollock découverts en 2002 par Alex Matter, le fils de très bons amis du peintre. Les experts des musées de l’université de Harvard, consultés par Matter lui-même, ont été peu courtois avec lui. Sur les trois tableaux étudiés, ils annoncent avoir trouvé des pigments commercialisés en 1971 et 1986 alors que Pollock est mort en 1956. La plupart des spécialistes sont prêts à se ranger à cet avis et à mettre en question l’authenticité des toiles. Matter et certains de ses conseillers estiment en revanche que ces pigments anachroniques ont pu être laissés par des restaurateurs à l’occasion de récentes interventions. Vérité en-deçà de Harvard, vérité au-delà ? Voilà une affaire à 8 ou 9 zéros. S’ils sont bien du prince du dripping, les tableaux pourraient valoir 10 ou 100 millions de dollars (un n° 5, 1948, a récemment changé de mains pour une somme estimée à 140 millions de dollars). Dans le cas contraire, ils ne valent rien. On comprend que Matter fasse de la résistance…

PATRIMOINE

Nantes, le retour des ducs

NANTES – Sa renaissance risque d’être un peu éclipsée par celle, contemporaine, du musée Fabre, très médiatisée. Pourtant, le travail réalisé sur le château des ducs de Bretagne, ce grand complexe bâti en plusieurs siècles au centre de Nantes, est spectaculaire. Quinze ans de chantier ont été nécessaires pour le porter à son terme. De la tour du Vieux Donjon (XIVe siècle) au Harnachement (XVIIIe siècle), c’est l’ensemble du bâtiment qui fit la gloire de François II et d’Anne de Bretagne (dernière duchesse de Bretagne et deux fois reine de France), avec ses 500 mètres de chemin de ronde, qui a été réhabilité. Au passage, on a mis au point une technique pour sauver le tendre tuffeau de sa maladie (la desquamation en plaques), on a remis les flèches sur la tour de la Couronne d’Or et l’on a rebâti le campanile sur le Grand Gouvernement en respectant un plan de 1715. A l’intérieur, le musée de la ville, qui retrace le rôle de la Loire, la traite négrière ou l’architecture Art déco, présente 800 pièces dans 32 salles. Il possède quelques chefs-d’œuvre, dont une vue de Nantes par Turner. Le château accueillait plus de 300 000 visiteurs par an avant sa fermeture. Ainsi restauré, il devrait faire nettement mieux.

  • Le Château des ducs de Bretagne rouvre le 9 février.

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  • COMMANDE PUBLIQUE

    Barceló consacré

    MAJORQUE - C’est la fin d'un projet au long cours qu'a marqué l'inauguration le 2 février, par les souverains espagnols, du décor d'une chapelle de la cathédrale de Majorque. Six ans ont été nécessaires à Miquel Barceló (né en 1957) pour mener à bien son retable en céramique, aboutissement de recherches qui l’ont mené de Majorque (dont il est originaire) à Palerme ou en pays dogon. La surface de l’œuvre justifie ces délais d’un autre temps. S’étendant sur 300 mètres carrés de murs, elle conte avec force figures le miracle de la multiplication des pains et des poissons. Barceló est également l’auteur des vitraux monochromes et a dessiné le mobilier de la chapelle. Il n’est cependant pas le premier artiste contemporain à intervenir dans cet édifice commencé en 1306. Outre les tailleurs de pierre de l’époque gothique, le célèbre Gaudi et son contemporain Jujol y ont laissé leur empreinte au début du XXe siècle.

    MUSÉES

    Avec ou sans le Louvre ?

    ABOU DHABI – On sait mieux à quoi ressemblera la - déjà - mythique île des musées que l’émirat veut faire naître le long du golfe Persique. Sous la baguette du charmeur Thomas Krens – « l’inventeur » du Guggenheim Bilbao – quatre superstars de l’architecture ont dévoilé leurs projets la semaine dernière. Le Guggenheim des sables sera signé Frank Gehry, fidèle aux formes déstructurées qui ont fait sa célébrité, un musée maritime par Tadao Ando, un centre des arts vivants, ressemblant à une aile multicolore, par Zaha Hadid, et le « Louvre des sables » par Jean Nouvel. Si Louvre des sables il y a… La polémique qui a agité la France n’a en effet pas échappé aux autorités d’Abou Dhabi, qui seraient prêtes à étudier un projet de substitution. Si le Louvre se fait trop désirer, d’autres grands musées comme le Prado, l’Ermitage, le musée de Topkapi (Istanbul) et le Kunsthistorisches Museum de Vienne pourraient constituer un pool pour le substituer.

    EXPOSITIONS

    Mark Dion : vive l’histoire naturelle !

    NIMES – L’artiste américain Mark Dion (né en 1961) est deux fois à l‘honneur cette semaine : au Carré d’Art de Nîmes pour cette exposition monographique mais aussi au musée de la Chasse, à Paris, qui vient de rouvrir, avec une pièce dans le salon Jacqueline Sommer. A Nïmes, il nous oblige à réviser notre Buffon avec ses installations déclinées selon les disciplines chéries par les naturalistes et taxinomistes des XVIIIe et XIXe siècles : ornithologie, entomologie, mammalogie, géologie… et archéologie pour clore la rime riche. Des spécimens issus des collections nîmoises d’histoire naturelle participent à son dispositif de cabinet de curiosités, où l’authentique et l’inventé, le sérieux et le farfelu se mêlent sournoisement, dans une accumulation réjouissante. On se souvient de sa panthère en peluche conservée dans du formol ou de son immense taupe suspendue dans une exposition consacrée à Jean-Henri Fabre (à l‘espace Electra). Ici, voici un réveil, une tasse cassée, des cartouches à côté d’un moulage de squelette d’ours, un serpent en plastique voisinant avec un flamant rose taxidermisé, etc. Où est la nature, où est l’artificiel ? En ces temps de plus en plus virtuels, la question n’est pas oiseuse.

  • Mark Dion, the Natural History of the Museum au Carré d’Art de Nîmes, du 7 février au 22 avril

  • L’ARTISTE DE LA SEMAINE

    Marina Abramovic, grande-prêtresse de la performance

    MADRID – On se souvient d’une action glaçante il y a quelques années à la Biennale de Venise. Marina Abramovic, née en 1946 à Belgrade, racontait dans Balkan Baroque l’histoire de son pays : elle était entourée d’ossements qu’elle nettoyait consciencieusement. Quelques années plus tôt, elle s’était rencontrée avec son complice Ulay au milieu de la Grande Muraille de Chine, après des journées de marche, pour mettre fin à leur histoire d’amour. A la galerie La Fábrica, dirigée par les organisateurs du festival Photo España, elle revient sur les Balkans, cette région riche en malheurs, qui « produit plus d’histoire qu’on n’en peut consommer » selon le mot de Churchill. Non pas sous l’angle, guère réconfortant, des événements récents mais sous celui, plus riant, de l’érotisme. Balkan Erotic Epic rassemble, sous forme de trois photos grand format et de deux vidéos, des interprétations de rituels de fécondité. Des femmes en habits traditionnels, disposées en cercle, se massent les seins sous un ciel d’orage ; l’artiste elle-même se percute inlassablement la poitrine nue avec une tête de mort. La dimension plus provocante de la série commencée en 2005 – montrant notamment des hommes nus copulant avec la terre comme dans le Vendredi de Michel Tournier – est, elle, passée sous silence…

  • Marina Abramovic, Balkan Erotic Epic jusqu’au 24 février à la Fábrica, Alameda 9, Madrid, tél. : +34 913 601 325

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  • LIVRES

    L’art moderne à petits pas

    Nul doute que la seconde moitié du XXe siècle occupe une place unique dans l’histoire de l’art tant ses mainfestations ont été diverses. Pour se retrouver dans ce maquis, la formule du manuel didactique – même si elle rebute les puristes – est fort utile. La version proposée par Hazan est assez bien conçue. Plutôt que d’être un simple annuaire d’artistes, un découpage chronologique ou encore un balayage de « mouvements », elle mêle les entrées. Après une approche par mots-clés (l’informel, le land art, le color-field painting), puis par lieux (New York, Londres, Milan au moment du Nouveau réalisme, Cassel pour sa Documenta, Bilbao pour son Guggenheim, Shanghai), elle passe en revue une soixantaine d’artistes, de Marina Abramovic à Andy Warhol. On pourra trouver que la rédaction penche un peu vers l’Italie (il y a un article sur Rome mais pas sur Paris, un sur Gianni Colombo mais pas sur Buren) et qu’il y a quelques redites dans les légendes mais l’exposé est bien illustré et généralement clair.

  • L’Art au XXe siècle, II. L’art contemporain, ouvrage collectif, Hazan, 2007, 384 p., ISBN : 978-2-7541-0104-2, 27 €

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  • BRÈVES

    AMSTERDAM – Le Stedelijk Museum, l’un des plus importants des Pays-Bas, qui fait actuellement l’objet d’une transformation ambitieuse, ne rouvrira pas en 2008 comme prévu. En raison de retards dans les autorisations de travaux, cette date est repoussée de deux ans.

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    ATHENES - Le ministère de la Culture grec vient d'annoncer qu'il refusait de prêter l'Ephèbe de Marathon au Louvre pour l'exposition Praxitèle qui doit ouvrir le 23 mars. Alors qu'il avait reçu deux accords oraux, le Louvre a exprimé sa "stupéfaction" sur ce refus de dernière minute d'une pièce majeure, communiqué par un simple fax le 5 février.

    Une photo de l'Ephèbe de Marathon, sur le site Hellenic-Art.com

    LONDRES – Nouveaux records lors des enchères modernes et impressionnistes des 6 et 7 février. Sotheby’s a vendu pour 94,9 millions £ et Christie’s pour 89 millions £. Chez la première, un Soutine, L’Homme au foulard rouge, a été la plus haute enchère à 8,75 millions £ et Dufy a battu son record avec La Foire aux oignons (4 millions £). Chez la seconde, c’est Fernand Léger qui était à l’honneur avec La Maison dans les arbres (6,3 millions £).

    MONTPELLIER - Le musée Fabre, inauguré le 3 février après quatre ans de travaux, a reçu 10 000 visiteurs durant ses deux premières journées d'ouverture au public.

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    PARIS – La fondation Rustin, qui défend l’œuvre d’un artiste difficile, regardant de près la décrépitude physique, est inaugurée le 9 février au 38, boulevard Raspail. Elle présente une collection d’œuvres de Jean Rustin et organisera des expositions temporaires d’artistes de sensibilité proche.

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    PARIS – L’étude Couteau-Bégarie organise le 14 février une vente de souvenirs ayant appartenu au prince Félix Youssoupoff ainsi qu’à son avocat Serge Korganoff. Outre des objets en argent, figure aussi une abondante correspondance dont une partie a trait à la célèbre perle Pellegrina.

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    PARIS – Les rapports entre l’art et le luxe : c’est le thème de la table ronde organisée par Drouot Formation le 10 février Parmi les intervenants, maîtres Georges Delettrez et Cornette de Saint-Cyr, Béatrice Salmon, directrice du musée des Arts décoratifs, et Gilles Fuchs, président de l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale de l’art français).Tél. : 01 42 46 76 94

    TOURS – Un diptyque intitulé Christ bénissant et Vierge en oraison, peint à Tours au XVe siècle et trésor national, a été acquis par l’Etat grâce au mécénat de PGA Holding. Il sera exposé au musée des Beaux-Arts de Tours

    SUR ARTAUJOURDHUI.INFO

    Cette semaine, ne manquez pas

    Millie Chen, Extrême Centre

    PARIS - C'est une étoile montante de la scène d'outre-Atlantique que propose le Centre culturel canadien. L'artiste Millie Chen, d'origine chinoise, se situe à la confluence de plusieurs disciplines. Elle interroge les notions d'identité et de construction personnelle avec des installations qui font perdre le sens des repères comme ce papier peint à motifs de chinoiseries qui envahit l'espace de l'exposition, où sont présentées 6 autres œuvres.

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