ArtAujourdhui.Hebdo
N° 42 - du 5 avril 2007 au 11 avril 2007
L'AIR DU TEMPS
Spoil System
Autrefois (peut-être encore aujourd’hui ?), les professeurs de Sciences Po informaient leurs étudiants de l’existence d’une coutume barbare : aux Etats-Unis, à chaque changement d’administration, les postes-clés « valsaient ». Heureusement, continuaient les mandarins d’un ton bonhomme pour rassurer leur auditoire, une telle pratique ne peut avoir cours en France. La qualité de la haute administration (des trémolos se faisaient jour dans la voix) et son dévouement à l’Etat la rendent inutile, voire impensable ! Les choses ont dû changer en partie, à en juger par la volée de nominations qui accompagne les dernières semaines de l’administration de la Culture : Bruno Racine à la Bibliothèque nationale en remplacement de Jean-Noël Jeanneney, Alain Seban au Centre Pompidou en remplacement de Bruno Racine, Catherine Grenier, du ministère aux nouveaux espaces du Palais de Tokyo. Sans prendre position sur la capacité des nouveaux arrivants, c’est la méthode qui choque. Des nominations de dernière minute, à des postes-clés, par une administration normalement chargée d’expédier les affaires courantes. La France est visiblement mûre pour le système des dépouilles… Le bon côté de la chose ? Le débat public qui accompagne ces promotions devrait accélérer la réforme d’un système devenu bancal. On ne peut pas, d’un côté, appeler le privé à grands cris à fournir toujours plus de ressources financières sans introduire, de l’autre, la transparence accrue que cela implique.
EXPOSITIONS
Matisse, le fils
MALAGA – Dans l’histoire de l’art, on ne cite souvent qu’un Matisse, Henri. Le grand public n’est pas toujours conscient du rôle qu’a joué son fils dans la diffusion de l’art moderne. Galeriste à New York, Pierre Matisse a vendu des toiles de son père aux grands collectionneurs américains. Mais il ne s’est pas limité à promouvoir la famille : il a été un intermédiaire essentiel pour Balthus, Max Ernst, Magritte, Chagall, Giacometti, Balthus. Né en 1900, Pierre Matisse arrive en 1924 à New York et y ouvre sa galerie au plus fort de la crise économique, en 1931. Il ne cessera son activité qu’à sa mort, en 1989. L’exposition présente une cinquantaine d’œuvres – une moitié de Matisse père, les autres de Dubuffet, Miro, Balthus, etc - qu’auraient pu convoiter les plus grands musées du monde. Collection personnelle du galeriste et de sa femme, puis de la Fondation Pierre et Maria-Gaetana Matisse, ils ont été donnés en 2002 au Metropolitan Museum.
Splendeurs de l’Inde gupta
PARIS - Grès rose de Mathura ou grès beige de Sarnath : c’est dans ces pierres aux teintes chaudes qu’ont été taillées les plus belles sculptures de la civilisation gupta. Un âge d’or indien qui est contemporain de la chute de l’Empire romain et que l’exposition du Grand Palais propose de parcourir en 110 objets. Les monnaies, les terres cuites et les décors d’architecture apportent un éclairage varié sur ce royaume d’Inde du nord mais ce sont évidemment les statues de divinités – avec de nombreuses variations sur Bouddha - qui composent l’ensemble le plus attendu. Leur stylisation, leurs lignes douces les apparentent d’une certaine façon aux canons de la sculpture grecque.
Mystères de Nouvelle-Irlande
PARIS - La situer, d’abord, n’est pas donné à tout le monde. Où est donc la Nouvelle-Irlande ? Cette île longue et étroite se trouve à l’est de la Papouasie, dans l’archipel Bismarck, derrière la Nouvelle-Bretagne. Autant de noms exotiques qui se résolvent pour nous en masques, figurines masculines, costumes, parures à base de coquillages et d’élytres de coléoptères. Et en culte des ancêtres, pratiques plus ou moins étranges (rituels malagan, société secrète Tubuan) que des installations vidéo veulent nous faire mieux comprendre. Installée dans la galerie jardin, cette exposition est le fruit d’une collaboration avec des institution étrangère, le Saint Louis Museum et le Musée ethnographique de Berlin. Sur les 138 objets présentés, beaucoup proviennent d’Allemagne pour une raison simple : la Papouasie en fut colonie de 1870 à 1914.
ARCHITECTURE
Votez Rogers !
L’architecte britannique Richard Rogers, né à Florence en 1933, a reçu le prix Pritzker. Considéré comme un prix Nobel officieux de l’architecture, le Pritzker, sponsorisé par la famille propriétaire de la chaîne d’hôtels Hyatt, est décerné tous les deux ans. En 2005, il a distingué l’Américain Thom Mayne. Rogers, apôtre avec son compatriote Norman Foster de l’architecture high tech, est l’un des auteurs du Centre Pompidou. Il est aussi connu pour l’immeuble de l’assureur Lloyds et le Millennium Dome à Londres ou, plus récemment, pour le nouveau terminal de l’aéroport de Barajas à Madrid ou le palais de justice d’Anvers. Avec son cabinet, renommé Rogers Stirk Harbour & Partners, il travaille actuellement au terminal 5 de l’aéroport de Heathrow.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Dubossarsky et Vinogradov : salade russe
PARIS – L’œuvre commune de ces deux quadragénaires de Moscou a commencé comme une farce de potache. Vinogradov n’arrivant à finir les toiles promises pour une exposition en 1994, il obtint, après quelques libations de vodka, l’aide de son collègue à l’école des beaux-arts. Une décennie plus tard, la sauce a pris et les duettistes sont considérés comme des représentants significatifs de la scène russe actuelle. Ils ont participé à la Biennale de Venise en 2003. Leurs peintures hyper-réalistes – souvent des jeunes femmes très séduisantes et peu vêtues – mêlent diverses influences – réalisme soviétique (formats monumentaux, répétition de formules identiques, tracteurs de kolkhoze en toile de fond), consumérisme (champagne et autres « status symbols »), mondialisation (notamment des canons de beauté avec Barbie et Schwartzenegger à tous les étages). Leur style est une reformulation de l’académisme et du pompier, la nécessaire distance avec l’original étant fournie par l’ironie. La galerie Orel Art présente leur dernière série, intitulée « Dans l’atelier de l’artiste ».
LIVRES
Fontainebleau, c’est beau
A côté de Versailles, Fontainebleau fait un peu figure de belle endormie. Ce château, qui fut peut-être le préféré des monarques français, voit sa fréquentation baisser depuis une dizaine d’années au profit de l’ogre Versailles. L’annonce d’un don des émirs d’Abou Dhabi pour restaurer son délicieux théâtre (5 millions d’euros) l’a remis sur le devant de la scène. Ce livre superbement illustré sort donc en pleine actualité. Les photographies, impeccablement piquées et prises de front, selon les principes de la revue FMR, permettent d’entrer dans le détail : les fresques de François Boucher, les peintures en camaïeu bleu de Carle Van Loo, les stucs, les portes sculptées de Jean Gobert, les boiseries minutieuses de la Salle du Trône, les dessus de porte en plâtre de Philippe-Laurent Roland… Un véritable répertoire des arts décoratifs à la française doublé de la magistrale série de fresques de Rosso et Primatice. Le texte de Simone Bertière fait la genèse de ce monument unique, qui a été aux avant-postes de l’histoire de François Ier à Napoléon III.
BRÈVES
BARLETTA – L’impressionniste italien Giuseppe de Nittis, ami de Renoir, dispose depuis le 31 mars d’un musée en son honneur dans la ville des Pouilles qui l’a vu naître. La donation de la collection à la municipalité par sa veuve, Léontine Guvelle, date de… 1914.
PARIS – Le Centre Pompidou a inauguré le 2 avril le nouvel accrochage de ses collections d’art moderne et contemporain.
PARIS – Sotheby’s a annoncé le rachat de la société de ventes volontaires Calmels-Cohen, qui avait organisé la dispersion aux enchères de la collection d’André Breton.
PARIS – La Réunion des musées nationaux, dont la mission a été réorientée vers la production d’expositions internationales et le développement de son agence photographique, a signé avec le ministère de la Culture un contrat stratégique pour la période 2007-2009.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Objectif Photoreportage
LAUSANNE – Le Musée Historique se penche sur l’évolution du photoreportage en confrontant Pierre Izard, actif de 1931 à 1985, et deux spécialistes encore dans le feu de l'action, Erling Mandelmann (né en 1935) et Pierre Huber (né en 1938). Du faits divers au sport, de la société à la culture, c’est près d’un siècle de regard sur le monde qui est exposé.
L’Internationale situationniste 1957-1972
BALE – Menés par Guy Debord, les situationnistes veulent refonder la société en mettant en cause le travail, la morale, l’aliénation par la consommation. Vaste programme qui donnera lieu à des interventions mémorables et qui contribuera à l’explosion de mai 1968. Le musée Tinguely tire le portrait de ce mouvement atypique.