ArtAujourdhui.Hebdo
N° 40 - du 22 mars 2007 au 28 mars 2007
L'AIR DU TEMPS
Les millions de Toutankhamon
PARIS-LONDRES – L’exposition du Grand Palais sur les trésors retrouvés d’Alexandrie vient de fermer avec un bilan impressionnant : plus de 700 000 visiteurs se sont laissé prendre une fois de plus par la magie des pharaons. Encore plus grand, encore plus fort : c’est, semble-t-il, le mot d’ordre des nouveaux gérants du Millennium Dome de Londres, la supertructure conçue par Richard Rogers à Greenwich, qui n’a jamais vraiment trouvé sa fonction après la grande exposition de l’an 2000. S’y prépare en effet, pour septembre, un « remake » du tour mondial de Toutankhamon, qui frappa l’Europe dans les années 70 (1,7 millions de visiteurs au British Museum en 1972 selon The Guardian). Le célèbre masque en or ne voyagera pas : trop fragile. Mais les organisateurs tablent tout de même sur un afflux sans précédent, soit 2 millions d’entrées. Si chaque visiteur paie le tarif plein (environ 22 €), cela fera un chiffre d’affaires de plus de 40 millions €. Le Louvre Abou Dhabi n’a qu’à bien se tenir ! Ce sont, paraît-il, des motifs nobles qui justifient ce droit d’entrée élevé : 60% du profit servira à protéger le patrimoine égyptien. Reste à voir comment cette manne financière sera utilisée…
EXPOSITIONS
Pop art à la française
PARIS - Ce sont les cousins français du Pop Art mais ils n’ont pas connu la même faveur dans l’histoire de l’art. Ils sont donc à découvrir (comme Dufrêne, Deschamps) ou à redécouvrir (pour les plus connus d’entre eux comme César, Christo, Arman ou Yves Klein). Ce sont les Nouveaux Réalistes, ainsi baptisés par le critique d’art haut en couleurs - Pierre Restany - qui formula leurs principes de base au début des années 60 : s’inspirer et utiliser les objets et symboles produits en masse par le monde moderne. Le Grand Palais a réuni les treize compagnons de la courte aventure (elle prend symboliquement fin par un bûcher de Tinguely sur la place de Milan en 1970). Des affiches lacérées de Villeglé, Hains ou Rotella (avec sa fameuse Marilyn) aux accumulations d’Arman, des compressions de César aux Nanas de Niki de Saint-Phalle, c’est un peu le portrait en creux de la société de consommation qui est dessiné.
On a ressuscité Praxitèle
PARIS – Voici un artiste mythique du IVe siècle avant Jésus-Christ, qui a aidé à définir l’idéal de la beauté grecque. Un artiste dont on ne possède aucune œuvre certaine. Comment lui consacrer une rétrospective ? Par un simple jeu de reflet : si les originaux ont aujourd’hui disparu, ils ont longtemps servi de modèle à d’innombrables artistes, qui se faisaient un bonheur de reproduire le maître. Tel quel, sans rien retrancher ni modifier (ce n’est plus tellement dans l’air du temps…). Des Hermès, des Aphrodite, des Apollon taillés dans le marbre et provenant d’Olympie, de Londres, de Berlin, fournissent les plastiques impeccables de cette exposition. Une seule statue vous manque et tout est dépeuplé ? Sans doute pas mais l’on regrettera l’absence d’une pièce maîtresse : à la dernière minute, le ministère de la Culture grec n’a pas autorisé l’Ephèbe de Marathon à quitter le territoire national.
Atget, le tout-Paris
PARIS – Il arrive que certains photographes se confondent, dans l’esprit du public, avec une partie de leur œuvre. Roger Fenton, c’est la guerre de Crimée, Felice Beato, c’est le Japon de l’ère Meiji. Pour Eugène Atget (1857-1927), c’est indiscutablement Paris, et à raison. Pendant quatre décennies, il arpente les vieux quartiers pour en tirer des vues topographiques ou pittoresques (arrière-cours, boutiques, passages couverts, etc) que les peintres de l’époque, dont Utrillo ou Dunoyer de Segonzac, utilisent comme documentation. L’exposition, qui est alimentée par le très riche fonds de la Bibliothèque nationale (5 000 images achetées à Atget entre 1899 et l’année de sa mort) montre évidemment ce volet de son œuvre. Mais aussi ce qui est moins connu comme ces vues de parcs à la française (Saint-Cloud) ou ses images plus sociales des années dix et vingt : les zoniers des faubourgs, les prostituées, les fêtes foraines. Aussi curieux que cela puisse paraître, il s’agit de la première rétrospective française d’Atget. C’est l’occasion de rappeler que la redécouverte de cet artiste si « hexagonal » doit beaucoup aux Américains. Man Ray le propulsa sur le devant de la scène en le publiant dans « La Révolution surréaliste », Berenice Abbott acheta son fonds à sa mort (10 000 tirages) et c’est le MoMA, auquel elle le cèdera par la suite, qui lui a consacré les premières expositions d’envergure.
MARCHÉ
Le dessin tient salons
PARIS – A l’image des grandes foires comme Art Basel, Frieze ou la Fiac, qui attirent des événements satellites, le respectable Salon du dessin aura cette année un partenaire-concurrent. Ce premier salon du dessin contemporain sera accueilli sur les six étages d’un immeuble de 2000 m2, avenue d’Iéna. Quarante galeries, dont Lelong, Zürcher et Chantal Crousel, y présenteront une production post-1950 et Antoine de Galbert, le créateur de la Maison rouge, y exposera une partie de ses collections. Le Salon du dessin, un peu bousculé puisqu’il a pour propre frontière théorique les années 1970, continue de se tenir à la Bourse avec une trentaine d’exposants. Sa force provient de son caractère international. La moitié des galeries sont étrangères et les élus sont des « poids lourds » comme Colnaghi, Jean-Luc Baroni ou Agnew’s. Une semaine du dessin, avec des manifestations dans plusieurs musées parisiens, prolonge l’actualité de la discipline mais il faudra attendre Art Paris, la semaine prochaine, pour connaître le lauréat du tout nouveau prix de dessin de la fondation Daniel et Florence Guerlain.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Icon Tada : l’homme invisible
PARIS – Il y a du Thomas Pynchon dans cet homme-là. Bien que plus jeune (il est né en 1971 à Kobé), l’artiste japonais défend aussi jalousement son intimité, ou « privacy » comme on dit en anglais, que le célèbre romancier américain, auteur de V. Icon Tada peint, mais sans pinceau. Il construit ses constellations colorées, qui ressemblent à des chocs d’électrons, à des ondes circulaires sur un plan d’eau, à partir de son écran d’ordinateur, en utilisant des formules mathématiques. Il aime aussi les pseudo-coulures de peinture, plus proches du code barre que de l’art informel On l’a vu à la biennale d’art contemporain de Sélestat, aux foires Scope de Miami et Artissima de Turin et il aime revenir en France chez Magda Danysz. Il y propose de nouveau ses tirages numériques, aux couleurs vives, entre rose bonbon et bleu éclectrique.
LIVRES
Chez Giacometti
Les variations d’un écrivain autour de l’œuvre d’un artiste peuvent donner des résultats très disparates. L’exercice de Tahar Ben Jelloun n’est pas entièrement convaincant lorqu’il transpose les célèbres hommes-tiges d’Alberto Giacometti dans la médina de Fes ou lorsqu’il essaie de leur donner des visages dans l’anonymat du métro parisien. Sa visite toute récente de l’atelier du sculpteur, dans la petite rue Hippolyte-Maindron du XIVe arrondissement, est plus émouvante. Le temps semble avoir suspendu son vol : entre les esquisses au fusain sur les murs et la vieille table aux tiroirs, Giacometti semble s’être absenté hier. Sans doute marqués par un esprit des lieux, les locataires n’osent guère y faire de réaménagements. Et l’on ne serait pas surpris de voir revenir les fantômes de Beckett et Genet, qui savait y retrouver des sculptures oubliées dans les coins.
BRÈVES
BRUXELLES – Le salon Eurantica, qui réunit 140 galeries et antiquaires, se tient du 23 mars au 1er avril.
FLORENCE – Le directeur du musée des Offices, Antonio Natali, et de nombreuses personnalités du monde de la culture ont manifesté leur opposition, certains en s'enchaînant aux grilles du musée, au prêt d’un tableau célèbre et très fragile - l’Annonciation de Léonard de Vinci – pour une exposition au musée national de Tokyo. Le tableau restera au Japon du 13 mars au 15 juin.
NEW YORK – Le Museum of Brooklyn inaugure le 23 mars l’Elizabeth A. Sackler Center, consacré à l’art féministe.
PARIS – La Cité de l’Architecture donne un avant-goût de ce qu’elle sera à son inauguration cet automne en présentant depuis le 21 mars deux expositions thématiques (Europan sur la jeune architecture européenne et Avant-après) et une rétrospective consacrée à Christian de Portzamparc.
RIGA – Un « Printemps français » est organisé par CulturesFrance (ex-AFAA) en Lettonie à partir du 21 mars avec plus de 200 événements, inclluant des exposition dans les grands musées et les galeries privées.
VERSAILLES – La Biennale de la gravure d’Ile-de-France ouvre le 24 mars et demeure ouverte trois mois, jusqu’au 24 juin, à l’Orangerie de Madame Elisabeth. Elle met cette année à l’honneur la gravure africaine.
VALLADOLID – Les œuvres sélectionnées dans le cadre de la Biennale de sculpture de Valladolid sont présentées à partir du 23 mars dans le patio du monastère San Benito.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Le Maroc de Sébastien. Présentation d'une donation
BEAUVAIS - Le décorateur Sébastien (1909-1990), diplômé de l'école Boulle, participe dans les années 1920 à de grands chantiers décoratifs parisiens comme celui du cinéma Le Rex. La découverte du Grand Sud marocain, à la suite de son service militaire (1930-31), aura une influence essentielle sur le reste de sa carrière, notamment sur sa production céramique. Le Musée départemental de l'Oise présente les 69 dessins aquarellés de Sébastien, reçus en 2006, qui témoignent de cette fascination.
Feuille à feuille. Estampes et images imprimées dans les collections des musées du Nord-Pas-de-Calais
C'est une belle aventure collective : douze musées de la région Nord-Pas-de-Calais ont uni leurs efforts pour présenter leurs fonds d'estampes, dont ils effectuent l'inventaire complet depuis 2002. Cette démarche encyclopédique, mais aussi didactique, permet de découvrir des images de toutes provenances et de toutes époques, du Japon à l'Italie, réunissant colporteurs de l'Ancien Régime et artistes contemporains.
Jean Le Gac. En dormant, en lisant
SOISSONS - Né en 1936 à Alès, Jean Le Gac, est marqué par la lecture des romans policiers de l'entre-deux-guerres. A l'intersection de la littérature et de l'art narratif, il construit son propre roman dont ses toiles et ses dessins, mais aussi ses photographies, forment le décor. A côté d'œuvres anciennes, l'artiste présente des toiles récentes de grand format.