ArtAujourdhui.Hebdo
N° 47 - du 10 mai 2007 au 16 mai 2007
L'AIR DU TEMPS
Halte à la montée des eaux
On sait fort bien, par Al Gore et d’autres, que l’avenir a des teintes catastrophiques : le réchauffement climatique va entraîner la fonte des glaces et certaines terres basses, comme le Bangladesh, Fidji ou la Hollande, courent le risque d’être submergées. Contre d’autres dégâts des eaux, il est peut-être plus facile d’agir. Encore que… Il s’agit de ceux causés plus directement par l’homme lorsqu’il estime indispensable de bâtir des barrages pharaoniques. Dans ce cas de figure, les vestiges archéologiques, ou les simples habitations humaines, comptent bien peu. On l’a vu sur le chantier apocalyptique du barrage des Trois Gorges, en Chine. On l’avait déjà noté en Turquie. On le revoit aujourd’hui en Iran où, malgré le manque de culture contestataire, la population fait connaître son mécontement. Le barrage de Sivan, dans le sud du pays, vient d’être inauguré et va être progressivement mis en eau, faisant disparaître des centaines de sites archéologiques. Même la tombe de Cyrus, le Grand Roi, à Pasargade, à quelques kilomètres du lac de retenue, est menacée : l’humidité pourrait l’endommager définitivement…
EXPOSITIONS
Habits de Poiret
NEW YORK - Le roi de la mode débarque à New York. Le légendaire Poiret ! Celui qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, libéra les femmes du corset, remit la chemise au goût du jour, et excella dans le drapé. Personnalité flamboyante qui acheva sa vie dans le besoin, Poiret est un précurseur : au début du XXe siècle, cet ancien assistant d'un fabricant de parapluies révolutionne l'art de la vitrine et comprend l'importance des produits dérivés. Il sera le premier couturier à lancer un parfum (Rosine, du nom de sa fille) et fera de ses fêtes flamboyantes (comme celle de la "1002e nuit") des vecteurs marketing très efficaces. Aller jusqu'à New York pour voir Poiret ? Cela peut se défendre au vu des réussites passées du Met en termes de rétrospectives sur les créateurs de mode. Mais cela peut aussi se justifier par la présence de pièces rares, jamais exposées : le musée américain a été l'un des acheteurs les plus actifs lors de la vente de la succession Poiret en 2005, à Paris.
Aventureuses botanistes
PARIS – Ceux qui ont visité le jardin botanique de Kew, près de Londres, ont peut-être remarqué la curieuse Marianne North Gallery : ce bâtiment est rempli du sol au plafond des tableaux botaniques réalisés par l’excentrique artiste du même nom (1830-1890). Ils ne peuvent être déplacés mais ce que possède Kew dans ses archives, et qui arrive à Paris, suffit à donner une idée du travail de cette dame, qui arpenta le globe, de la Tasmanie au Chili, de Tenerife à l’Afrique du Sud pour croquer palmiers, arbres à pain et fleurs tropicales dans leur environnement original. La facture de ces huiles n’est pas impeccable mais l’aspect systématique du recensement force l’admiration. On monte d’un degré en qualité avec les gouaches de Margaret Mee (1909-1988), gros plans de broméliacées ou d’orchidées. Découvrant l’illustration botanique au Brésil sur le tard (elle a plus de 40 ans), Margaret réalisera une quinzaine d’expéditions en Amazonie, dans des conditions souvent difficiles. Avec une pugnacité qui laisse pantois. Elle poursuit ainsi pendant deux décennies le rare selenicereus wittii, qui ne fleurit qu’une fois par an, la nuit. Elle le déniche finalement en 1988, à 79 ans, et le dessine sous les étoiles, aidée d’une lampe de poche. Ce sera son chant du cygne : elle qui avait bravé les tropiques pendant des décennies trouve la mort, six jours plus tard, dans un accident de voiture dans le sud de l’Angleterre…
Cubismes lointains
PARIS – Un cubisme malais ? Ou indien ? Qui l’aurait jamais imaginé ? L’originale exposition présentée à la Maison de la culture du Japon après une itinérance extrême-orientale montre que le cubisme a aussi eu un versant asiatique. Né en Europe en 1907, il s’implante à Shanghai, métropole cosmopolite, après la Première Guerre mondiale. Puis, il se diffusera de proche en proche par à-coups : en Corée, à Singapour, jusqu’en Inde ou en Malaisie, le Japon étant probablement le pays où son implantation sera la plus solide. Refusant la monochromie du courant analytique, le cubisme d’Asie restera fidèle à une riche palette de couleurs. Comme son aîné européen, il privilégie les natures mortes, les paysages, les portraits, tout en défendant certaines spécialités locales : aux Philippines, pays catholique, les Crucifixions sont nombreuses. De Yorozu Tetsugorô à Kim Whan-ki, on fait moisson de nouveaux noms à inscrire sur la géographie du mouvement.
VENTES
Un pape, du blanc et un n° 16
NEW YORK – Sotheby’s, qui a été ces dernières années à la traîne derrière Christie’s, semble décidée à passer à l’offensive. La réunion de chefs-d’œuvre d’art contemporain qu’elle met en vente le 15 mai est particulièrement fournie. Deux stars s’en détachent : Francis Bacon et Mark Rothko. Jusqu’où montera le premier ? On attend 30 millions $ de son < i>Study for Innocent X, sa série emblématique inspirée par le célèbre portrait peint par Vélasquez et conservé à la galerie Doria-Pamphili. Le second devrait aller encore plus haut : on annonce 40 millions $ pour son White Center (Yellow, Pink and Lavender on Rose) de 1950, provenant de la collection de David Rockefeller. Rothko et Bacon sont bien encadrés, avec un Pollock en embuscade – un Number 16 de 1949, estimé entre 18 et 25 millions $. L’amplitude de la fourchette indique l’incertitude des « auctioneers ». Pollock étant devenu l’an dernier le peintre le plus cher de l’après-guerre, avec une transaction privée à 140 millions $, on peut s’attendre à tout.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
John Chamberlain : cousin américain de César
PARIS - Comment le définir autrement ? Il est à peu près contemporain de l’artiste niçois (il est né en 1927, César était de 1921), il a participé au Pop Art, le mouvement parallèle du Nouveau Réalisme ; enfin, il s’est fait connaître par ses sculptures-compressions. Voilà largement de quoi rapprocher les deux artistes. Le marché semble ne pas s’y tromper puisque le record aux enchères de chacun de ces créateurs est étrangement comparable : autour de 450 000 €. Les tôles écrasées de l’Américain sont plus rutilantes et font penser à de belles Chevrolet paradant sur la route 66. Mais il sait aussi jouer d’harmonies mineures : sur les dix sculptures conçues spécialement pour l’exposition, plusieurs, comme Whimzee ou Dictator Taxidermist, se déclinent en sobre contrastes de noir et de blanc. A 80 ans, Chamberlain est presque un dinosaure – il a cotoyé John Cage au Black Moutain College, était à la Biennale de Venise de 1964 lorsque l’Amérique de Rauschenberg a enterré la vieille Europe, a eu sa rétrospective au Guggenheim il y a déjà 36 ans. Monstre sacré mais toujours actif…
LIVRES
L’Etat, c’est qui ?
Les artistes et l’Etat : c’est bien le moment de poser la question même si elle n’a guère agité la campagne présidentielle… La revue area, qui se présente comme un fort volume, préfère prendre du recul plutôt que de replonger dans la chaude actualité des intermittents et du Louvre multinational. Illustrant quarante ans de politique culturelle (depuis la création du ministère des Affaires culturelles par Malraux) avec des images d’archives de l’agence Keystone, elle a suivi à la trace les anciens locataires de la rue de Valois encore en vie. En compagnie de quelques grands fonctionnaires comme Emile Biasini, ordonnateur des grands travaux de Mitterrand, ou Jacques Rigaud, ils font le point sur leur passage aux commandes, leurs apports. C’est savoureux car point langue de bois. Maurice Druon dit qu’il « a sauvé l’architecture de la seconde moitié du XIXe siècle » et qu’il n’aime pas le Centre Pompidou. Biasini, rappelant le refus du ministre des Finances de quitter le Louvre, traite Balladur de « pire administrateur de France, complètement borné ». En contrepoint s ‘élèvent des voix vigoureuses dénonçant la dérive de la culture vers la « com », la patrimonialisation de tout et n’importe quoi, l’incompétence des élus en terme de commande architecturale, la frilosité à l’heure de lancer un véritable enseignement d’histoire de l’art, la mainmise d’une caste administrative sur les mécanismes d’aide à la création, la perte de l’influence française. Guère encourageant… Non, au contraire, plutôt stimulant. On est demandeur de bilans de ce genre !
BRÈVES
MONTREAL – La 8e biennale de Montréal est inaugurée le 10 mai sous le titre "Remuer ciel et terre". Elle dure jusqu’au 8 juillet.
MOSCOU –La quatrième édition de la Moscow World Fine Art Fair se tiendra du 28 Mai au 4 Juin dans le célébre Manège, avec la participation de 80 grands marchands et joalliers internationaux
NEW YORK – L’International Fine Art Fair, avec 55 antiquaires, se tient du 11 au 16 mai. Parmi les participants, Didier Aaron, Agnew’s, Cazeau-Béraudière, French & Co et Richard Green.
PARIS – La galerie des Gobelins, dessinée par Jean-Camille Formigé entre 1910 et 1922 dans l’enceinte de la manufacture pour exposer les créations de celle-ci et du Mobilier national, rouvre au public le 12 mai.
PARIS – Les Nuits du Marais – ouverture nocturne simultanée de nombreuses galeries d’art contemporain du quartier – tient sa 2e édition les 10, 11 mai (jusqu’à 22h) et le 12 mai (jusqu’à 20h).
POISSY – La célèbre villa Savoye, de Le Corbusier (1931), inhabitée depuis des années, va pouvoir reprendre vie. L’exposition Essayage, à partir du 11 mai, a pour objet de la remeubler avec des créations contemporaines.
REIMS – Le concours Art is Steel, récompensant une sculpture en acier, a reçu plus de 400 candidatures. Le lauréat sera proclamé le 11 mai et son œuvre ornera le nouveau siège européen d’ArcelorMittal Distribution.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Chiara Samugheo, Cinecittà for Ever
Le Musée de la photographie de Mougins rend hommage au cinéma des années 50 à 70 en présentant une rétrospective des œuvres de Chiara Samugheo, la première femme photographe de presse en Italie. L’exposition, fait une large place à toutes ces photos d’icônes du 7e art qui firent les couvertures des premiers grands magazines people italiens. Plus de 80 photos vintage, petits et grands formats, pour se replonger dans l’âge d’or de Cinecitta et approcher sous l’angle intimiste la beauté emblématique de ces stars qui n’ont pas fini de nous faire rêver.