ArtAujourdhui.Hebdo
N° 49 - du 24 mai 2007 au 30 mai 2007
L'AIR DU TEMPS
Grand Palais, grand Kiefer
PARIS – Nul doute qu’Anselm Kiefer est l’un des grands artistes d’aujourd’hui et que ses installations savent occuper l’espace. De plus, il travaille en France, près de Nîmes. Il correspondait donc parfaitement au projet lancé par le ministère de la Culture sous le nom pompeux de Monumenta : demander à des plasticiens d’occuper l’immense nef du Grand-Palais avec une création inédite. L’important budget alloué, l’appel aux grandes pointures (Richard Serra en 2008, Christian Boltanski en 2009) est sous-tendu, on le subodore, par le souhait de montrer que la France tient encore son rang dans le concert mondial. Sous le titre Sternenfall (Chute d’étoiles), Kiefer installe des maisons et des tours gigantesques (dont une de 17 mètres, une autre écroulée) composées de ses éléments de prédilection – béton, fer, terre, livres de plomb – mais aussi d’un palmier ou de tableaux. Le prix est modéré (4 €) et on nous promet une « médiation » culturelle d’exception avec des guides « polyglottes, enthousiastes et pédagogues ». L’initiative a un côté déjà vu – on pense immédiatement aux installations de la Tate Modern, sponsorisées par Unilever, ou aux mises en scène ponctuelles comme celle d’Ernesto Neto au Panthéon. Qu’importe ? Le public est roi et tout montre qu’il veut du spectaculaire, toujours plus de spectaculaire. En voici.
EXPOSITIONS
L’intégrale de Piano
MILAN – La Triennale se lance dans l’entreprise notoirement difficile d’une exposition sur l’architecture et la consacre à l’une des stars italiennes dans le monde : Renzo Piano, auteur avec Richard Rogers du Centre Pompidou. Découpée en sections, avec dessins et maquettes, l’exposition étudie des thématiques : la cité des arts, la cité de la musique, la cité des eaux, et laisse une large place aux métropoles d’adoption du maître génois : Milan, Paris, New York (où il finit actuellement le nouveau siège du New York Times). Le Lingotto de Turin, le travail sur le port de Gênes, les projets urbains à Lyon, Berlin et Sesto San Giovanni (banlieue de Milan) montrent l’intérêt de Piano à accompagner la transition des grandes villes de fonctions industrielles vers une nouvelle économie des loisirs et des services. Adepte des prouesses techniques et de la lumière, Renzo Piano a bien voulu se mettre sous le patronage d’Italo Calvino dont un livre a fourni le titre de l’exposition.
L’électricité et le design
PARIS – L’automobile, le mobilier, la cuisine sont depuis longtemps des cibles privilégiées du design. Son utilisation dans la conception d’objets moins visibles et encore plus « bassement » utilitaires est moins évidente : les appareils électriques par exemple. L’espace Electra, financé par la fondation EDF, s’intéresse comme il se doit au sujet et en propose un panorama. Des multiprises extrudées de Gilles Belley aux stores Static ! qui changent d’opacité en fonction du niveau de consommation d’énergie dans la maison, les innovations sont nombreuses. Radi, Design Council, 5.5 Designers, Solarlab sont quelques-uns des 40 cabinets de designers qui ont été invités à présenter leurs projets, déjà réalisés ou simplement utopiques, sous-tendus par une idée simple : rendre l’invisible électricité enfin tangible, par le jeu des couleurs et des bruits, pour pouvoir maîtriser sa consommation.
Moser, homme à tout faire
VIENNE – Il personnifie la vitalité de la scène artistique viennoise, de cette Vienne fin de siècle dont le raffinement extrême est devenu un symbole de la civilisation européenne. D’un éclectisme remarquable, Koloman Moser (1868-1918) a dessiné des meubles aussi bien que des cafetières, des vitraux pour des églises aussi bien que des tissus, des couvertures de magazine aussi bien que des billets de banque. L’exposition montre son rôle dans la genèse du mouvement de la Sécession viennoise (en reconstituant notamment son atelier, meublé par son ami Josef Hoffmann). Moser s’éloignera de cette version de l’Art nouveau et mettra toute son énergie dans l’animation des Wiener Werkstätte, ateliers d’arts appliqués fondés en 1903 avec Hoffman, tandis que, parallèlement, son travail deviendra de plus en plus géométrique. Aspect moins connu de son œuvre, ses tableaux et dessins, marqués par l’influence de Hodler et Klimt, sont exposés en grand nombre.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
AKI KURODA Banc Fleur, aluminium peint, 150 x 68 x 156 cm, 2007 © Galerie Maeght, Paris et Galerie Rabih Hage, Londres, 2007
Aki Kuroda : tous azimuths
Japonais installé en France depuis 30 ans, Aki Kuroda (né en 1944) ne se laisse pas facilement cerner. Son œuvre est très variée, aussi bien dans ses matériaux que dans ses expressions : décors de théâtre ou de ballet, fresques monumentales, affiches (pour le festival d’Avignon), photographie, scupture, dessin et peinture. Confluent en lui des influences hétérogènes, des compositions en papier collé de Matisse avec personnages stylisés à la furia gestuelle des Gutai. Cette diversité un peu déroutante explique sa présence discrète aux ventes aux enchères, où ne passent que de rares pièces à des prix contenus. Dans sa dernière exposition, Kuroda s’amuse un peu plus à brouiller les pistes. Il propose chez Maeght à Paris et Rabih Hage à Londres des tableaux quasiment expressionnistes et des sculptures-mobilier aux contours, couleurs et matières très ludiques (banc bicolore avec fleur, paravent en mousse). On attend la suite avec curiosité…
PHOTOGRAPHIE
Photo España, dixième
MADRID – Dix ans que le rendez-vous espagnol est installé dans le paysage : il est le plus visité des festivals de photographie dans le monde. Il joue de l’effet de masse : 60 expositions présentées dans des lieux de premier ordre (le musée Reina Sofía, le Círculo de Bellas Artes, la salle Canal et, cette année, les Abattoirs ou l’historique Cirque Price ressuscité). De Depardon au néo-réalisme italien, de Bruce Davidson à Lynn Davies, de Salgado aux héros de la lucha libre mexicaine (par Lourdes Grobet, à la Casa de América), l’éclectisme est de rigueur. Comme Avignon, PhotoEspaña est désormais riche d’un festival off : des dizaines de galeries madrilènes, de Aele-Evelyn Botella (où Javier Romero tente de faire revivre la maison de sa jeunesse) à Vacío 9 (où Miguel Calderón s’intéresse aux enfants aux cheveux gris) complètent la programmation. Et comme le Tour de France, PhotoEspaña a décidé de se délocaliser. Ce n’est pas le prologue mais le sprint final qui aura lieu sur les Champs-Elysées avec une nuit PhotoEspaña, le 25 juin, appelée à coïncider avec l’ouverture de l’exposition Pierre et Gilles au Jeu de Paume.
LIVRES
Esprit de largesse
Nous sommes tant habitués à voir les livres d’art formatés sur quelques modèles – catalogue d’exposition, monographie d’artiste, étude d’une période historique – que l’on est toujours agréablement surpris de découvrir des ouvrages qui s’en démarquent. C’est le cas avec ce texte (ardu, il faut le signaler) de Jean Starobinski, qui étudie la représentation en art du concept de largitio (largesse, générosité), auquel les siècles passés accordaient une haute importance. Les références littéraires bondissent de Pline à Rousseau, de Valère Maxime à la Comtesse de Ségur. L’illustration est tout aussi éclectique, passant d’attendues allégories de l’Abondance ou de la Pluie d’or de Danaé à des images plus curieuses, comme ce Satan semant l’ivraie de Félicien Rops ou cette autre pluie d’or, lâchée par Eisenstein sur son Ivan le Terrible. A dire vrai, la première version de ce livre accompagnait une exposition thématique au Louvre. Mais 14 ans ont passé et l’auteur a eu le temps de prolonger sa réflexion.
BRÈVES
BUFFALO – Deux autochromes de 1908 d’Edward Steichen, l’un des photographes les plus chers de l’histoire (son Etang au clair de lune a été vendu 3 millions $ en 2006), ont été découverts à Buffalo. Ils seront exposés à l’Eastman House de Rochester.
GAND – Le musée des Beaux-Arts rouvre le 26 mai, après 4 ans de travaux et une restauration complète du bâtiment (dû à Charles Van Rysselberghe, le frère du peintre Théo). Parmi les chefs-d’œuvre du musée, des Magritte, Permeke, Ensor et le Portement de Croix de Jérôme Bosch.
NEW YORK - Après les excellents résultats de Sotheby's, Christie's a fait encore mieux dans ses ventes d'art moderne et contemporain en totalisant 477 millions $ de ventes dans la semaine du 17 mai. La pièce la plus disputée a été un Andy Warhol, Green Car Crash, parti à 71 millions $, trois fois son estimation.
PARIS – Le Forum Ptolémée, qui se tient chaque annéee à Paris, à la Cité des Sciences, est consacré les 29 et 30 mai à la thématique suivante : l’immatériel permet-il de développer de nouvelle ressources pour les institutions culturelles et scientifiques ?
PRAGUE – La 3e biennale de Prague, dirigée par Giancarlo Politi (éditeur de Flash Art) se tient du 24 mai au 16 septembre. Elle met en avant l’actionnisme slovaque, le minimalisme tchèque et l’actuelle école de Cluj.
ROTTERDAM - La 3e biennale d’architecture de Rotterdam ouvre le 24 mai et se donne pour thème « la maison de demain ».
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Edward Burtynsky détail, 1996 Photo © Edward Burtynsky
Edward Burtynsky, Manufactured Landscapes
PARIS - Le Centre culturel canadien offre sa première exposition parisienne à l'un des photographes canadiens les plus en vue. Sans avoir de visée écologique, Burtynsky capture des images de paysages modifiés par l'industrie minière, chimique ou automobile et montre l'empreinte saisissante que l'homme peut laisser sur son environnement.