ArtAujourdhui.Hebdo
N° 50 - du 31 mai 2007 au 6 juin 2007
L'AIR DU TEMPS
Liz garde son Van Gogh
Dans le tourbillon de restitutions d’œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, ni musées ni particuliers n’ont été épargnés, quelque bonne raison qu’ils aient pu alléguer pour leur défense. Les Klimt du musée du Belvédère ou le Schiele d’un habitant de l’Est de la France ont été pareillement rendus à leurs propriétaires légitimes avant de finir aux enchères. Une simple suspicion a suffi à entacher le Portrait d’Angel Fernandez de Soto, un tableau de Picasso que le wonderboy des comédies musicales, Andrew Lloyd Weber, a dû retirer d’une vente en novembre dernier, où on en attendait jusqu’à 60 millions de dollars. Le vent tournerait-il ? Dame Elizabeth Taylor, l’inoubliable Cléopâtre de celluloïd, a réussi a conserver son Van Gogh, Vue de l’asile et de la chapelle de Saint-Remy, acquis en 1963 pour 92 000 £. Bien que les descendants aient démontré qu’il appartenait à leur aïeule, Margarethe Mautner, avant que les nazis ne saisissent ses biens, ils n’ont pas convaincu la 9e cour d’appel de San Francisco, qui a estimé qu’ils avaient trop attendu pour entamer leur procédure judiciaire. Selon la BBC, Dame Taylor, âgée de 75 ans, s’est bornée à commenter : « C’est merveilleux d’avoir M. Vincent dans mon salon ».
EXPOSITIONS
Dali et le septième art
LONDRES – Dali et le cinéma ? Ses deux plus célèbres réussites viennent immédiatement à l’esprit : les collaborations avec Buñuel pour Un chien andalou et L’Age d’or. Le second causera un tel scandale qu’il mettra en difficulté son principal mécène, le vicomte de Noailles… Un âne dans un piano, un rasoir tranchant un œil : les images inspirées du monde des rêves sont devenues des icônes du surréalisme. Mais, comme le montre l’exposition de la Tate Modern qui présente une centaine d’œuvres dont soixante tableaux, les rapports de Dali avec le cinéma ne se sont pas limitées à ces deux films expérimentaux. Son univers lui vaudra des offres de collaboration de la part de Hitchcock (la scène du rêve dans La maison du docteur Edwards de 1945 avec Gregory Peck et Ingrid Bergman) et même de Walt Disney (le court-métrage Destino ne sera achevé que bien après la mort des deux protagonistes, en 2003). A rebours, Dali emploie une écriture ou une ambiance que l’on peut qualifier de « cinématographique » dans certaines de ses peintures comme Ossification matinale du cyprès.
Pour quelques Serra de plus
NEW YORK – Lorsque, dans une rétrospective de Richard Serra, on découvre trois œuvres nouvelles, on peut s’estimer heureux ! L’artiste américain s’est fait une spécialité de créations si monumentales, segments métalliques aux ondulations douces, qu’elles demandent chacune des mois de travail. Les trois pièces en question, exposées au MoMA (Museum of Modern Art), Band, Sequence et Torqued Torus Inversion, ont été réalisées pèsent la bagatelle de 200 tonnes. Les accompagnent 21 autres sculptures, dont certaines remontent aux débuts de l’artiste, il y a 40 ans, lorsqu’il utilisait d’autres matériaux comme le caoutchouc ou le néon. Leur installation au deuxième étage du musée a pris un bon mois. Deux autres sculptures sont placées dans le jardin, un environnement bien plus naturel pour ces colossales formes d’acier rouillé.
Un pont sur l’expressionnisme
VIENNE – A l’origine de l’expressionnisme, un groupe fondé à Dresde en 1905, va jouer un rôle de première importance. Réunis sous l’appellation Die Brücke (Le Pont), Ernst Ludwig Kirchner, Fritz Bleyl, Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff s’insurgent contre la peinture académique. Ils veulent de la couleur à outrance et des formes simplifiées (il n’est pas anodin qu’ils soient en réalité tous étudiants d’architecture). Comme tout groupe expérimental, sa durée de vie sera courte mais il aura le temps, avant de se dissoudre en 1913, d’amalgamer des talents comme Max Pechstein, Otto Mueller ou le Norvégien Emil Nolde. Pour montrer son influence, l’exposition de l’Albertina présente environ 250 œuvres, produites jusqu’à la fin des années vingt. Elles proviennent de plusieurs collections mais avant tout de celle d’Hermann Gerlinger. Entamée dans les années cinquante, elle s’est attachée faire connaître les représentants méconnus du mouvement.
ART NUMÉRIQUE
Vidéastes du monde entier…
BARCELONE – Le festival Loop s’est imposé en quelques années comme le rendez-vous le plus complet dans le domaine de l’art vidéo. Cette année, plus de 800 artistes sont exposés dans une centaine d’espaces différents de la capitale catalane : musées bien sûr, mais également bars, centres culturels, gymnases, universités, etc. Les trois derniers jours du festival – du 31 mai au 2 juin – sont consacrés à une foire internationale. Dans les salons de l’hôtel Catalonia, les acheteurs du monde entier sont invités à se retrouver tandis que les chambres sont affectées à 45 galeries qui présentent leurs artistes. Trois panels de discussion aborderont des thèmes d’intérêt : les logiciels pour l’art vidéo, la politique d’exposition dans les espaces publics et les méthodes de conservation de l’art vidéo.
L'ARTISTE DE LA SEMAiNE
Erró : abondance ne nuit pas
C’est l’un des représentants les plus connus du courant de la Figuration narrative. L’Islandais Erró, né en 1932 à Olafsvik mais Français d’adoption (il vit dans l’Hexagone depuis 1958) pourrait presque être considéré comme baroque tant il souffre d’horror vacui. Ses tableaux fourmillent de personnages et la dimension de ses œuvres les apparente aux fresques du passé. Mais les couleurs excessives, criardes, le goût de la caricature, l’imbrication de personnages issus de mangas, de contes de fées ou de la publicité, et d’objets de la société de consommation sont bien de notre temps. Erró est moins connu pour ses vidéos ou ses installations réalisées avec des élèves des écoles de pays pauvres mais elles participent d’une même vitalité, qui ne semble pas se tarir… Erró se vend bien aux enchères : son record flirte avec les 100 000 € et sa cote, selon Artprice, a été multipliée par deux en 4 ans.
LIVRES
Barbier-Mueller, papes des arts premiers
Nul doute que la collection Barbier-Mueller est l’une des plus somptueuses dans le domaine des arts « premiers » et que ses animateurs, les époux Jean-Paul et Monique, sont des personnages hauts en couleurs, très éloignés de la réserve obligée des conservateurs de musées. L’idée était bonne de demander à des experts de tous horizons de commenter les plus belles pièces de l’ensemble. Le fort volume qui en résulte donne une image riche de ces arts lointains, des idoles à clous aux boucliers, des masques aux proues de pirogues, jusqu’aux manches de chasse-mouche et aux statues-pilons. En cette époque de polémique sur la convention Unidroit ou sur les acquisitions douteuses de certains grands musées, on aurait aimé en savoir plus sur les origines de la collection. Les quelques informations données en annexe demeurent très parcellaires (« acquis vers 1950 », « collecté au milieu des années 1930 ») et concernent plutôt le fonds Josef Mueller, le père de Monique, qui a donné le coup d’envoi de la fièvre collectionneuse en 1907 avec un joli portrait de Cuno Amiet. Le livre accompagne une exposition au musée Barbier-Mueller de Genève mais l’on ne manquera pas de rappeler que la générosité de ses propriétaires a permis de doter plusieurs musées publics de pièces d’exception – notamment celui du quai Branly, où l’on pourra partir à la recherche d’un panier pomo ou d‘une sculpture anthropomorphe en ivoire de morse.
BRÈVES
LISBONNE – La première triennale d’architecture de Lisbonne ouvre le 31 mai et se prolonge jusqu’au 31 juillet. Elle permettra d’établir un panorama des jeunes praticiens portugais, de les confronter aux stars Nouvel, Hadid et Mayne, et s’intéressera de près aux « vides urbains ».
LONDRES - Photo London, petit frère de Paris Photo davantage centré sur la production contemporaine (après 1970), se tient du 31 mai au 3 juin à Old Billingsgate, un ancien marché couvert près de la Tour de Londres.
NICE - Le musée Matisse rouvre le 1er juin après des travaux de rénovation. L'entrée est gratuite les 2 et 3 juin et une représentation théâtrale, "Fenêtre sur Matisse" est proposée aux visiteurs.
PARIS - La 5e édition de "Rendez-vous aux jardins", ouvrant au public 1700 jardins de France autour du thème de l'eau, se tient du 1er au 3 juin.
PARIS - Femme nue se coiffant (1878) d’Edouard Manet est devenu le tableau le plus cher vendu en France depuis 14 ans en étant emporté pour 5,6 millions € chez Christie’s le 25 mai.
PARIS - Art Saint-Germain-des Prés réunit de nouveau une centaine de galeries du quartier pour un vernissage commun le soir du jeudi 31 mai et une ouverture exceptionnelle le dimanche 3 juin.
PARIS – La Carré rive gauche, association d’antiquaires et de galeristes du VIIe arrondissement, fête ses 30 ans. Du 1er au 3 juin, la centaine de marchands qui le composent mettent chacun en avant un objet extraordinaire. Guéridon d’époque Consulat, enseigne de chapelier, gouache sur velin ou banc en acier perforé : toutes les époques sont représentées.
PARIS – La galerie Bailly (25 quai Voltaire) se consacre désormais à l’art contemporain, sous la direction d’Hélène Bailly. L’exposition inaugurale, intitulée « Premiers Choix », ouvre le 31 mai. Elle réunit plusieurs artistes dont Laurent Del, Pierre-Edouard Dumora, Chloé Tallot et Yvs Clerc.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Moscow World Fine art Fair
MOSCOU - du 1er mai au 4 juin, 80 marchands d'Europe mais aussi du Japon et des Etats-Unis proposent une sélection très large de mobilier de d'objets d'art, de la Renaissance à nos jours. Tableaux, sculptures, livres anciens et pièces de haute joaillerie sont présentés dans le cadre magnifique et récemment rénové du Manège.
François BOUCHER (Paris, 1703 – Paris, 1770) Etude pour « La critique de l’École des femmes » de Molière . Sanguine sur papier
La collection Oulmont
EPINAL - Le legs fait au début du XXe siècle au Musée départemental par le docteur Paul Oulmont (1849-1917) peut de nouveau être vu dans son intégralité, à l'issue d'une campagne de restauration. Composé de vingt tableaux et de 80 dessins de maîtres du XVIIIe siècle (Guardi, Tiepolo, Greuze, Boucher), il présente un regard personnel sur une époque qui symbolise la grâce et l'art de vivre.
SAAKOVA ADELINA LE POETE
SM'art, 2e salon méditerranéen d'art concret et abstrait
AIX-EN-PROVENCE - Du 8 au 11 juin, le SM'art se tient pour la deuxième fois dans une propriété d'exception. Après le domaine de Tournon en 2006 (avec près de 7000 visiteurs), les tentes individuelles accueillant une dizaine de galeries et 150 artistes de toutes tendances sont montées cette année au domaine de La Baume, parc arboré de 12 hectares. Pierre Cardin et le sculpteur russe Zourab Tsereteli inaugureront la manifestation.
L'APOLOGIE DE LA NATURE ou l'exemple de Courbet
ORNANS - Avant sa fermeture pour travaux, le musée Courbet propose une exposition rétrospective sur l'image de la nature dans l'œuvre du peintre. Nature-paysage qui s'incarne dans la vallée de la Loue, où il passa son enfance, ou dans le littoral normand. Mais aussi nature humaine, où domine l'image de la femme que Courbet à décrite jusque dans sa nudité la plus crue.