ArtAujourdhui.Hebdo
N° 51 - du 7 juin 2007 au 13 juin 2007
L'AIR DU TEMPS
Venise ? Bâle ? Kassel ?
Il y a le mois des soldes, la quinzaine du blanc, voici la semaine de l’art contemporain. En quelques jours vont s’ouvrir Art Basel, la biennale de Venise et la Documenta de Kassel. C’est un peu comme si le Tour de France, la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques se tenaient en même temps ! Autant dire que les spécialistes sont appelés à vivre un tourbillon infernal. Autant dire, également, que les autres événements du moment risquent d’être passés sous silence. Le seul trublion pourrait bien être Damien Hirst, dont la dernière initiative devrait faire jaser : une sculpture en forme de tête de mort, recouverte de 8601 diamants, intitulée For the Love of God, dont il demande la bagatelle de 50 millions de livres sterling. La galerie White Cube de Londres, où elle est exposée avec de grandes précautions de sécurité, pourrait être l’une des seules à ne pas voir sa fréquentation baisser en cette fatidique semaine. Et si elle baisse, cela importe peu car White Cube est aussi, évidemment, à Bâle…
ÉVÉNEMENTS
Comme chaque année, Art Basel
BALE - C’est la reine incontestée des foires commerciales, malgré les assauts de Frieze, Fiac, Arco ou Art Cologne. Certaines galeries y font la moitié de leur chiffre d’affaires annuel. Mais les élues sont peu nombreuses. Samuel Keller a réussi à conforter l’événement dans son statut d’étalon du marché. Le jeune wonderboy doit cependant quitter l’organisation à la fin de l’année pour diriger la fondation Beyeler. Les incertitudes sur l’avenir d’Art Basel seront bien évidemment au centre des discussions. Mais qu’est-ce qui pourrait bien griper cette machine ? L’édition de 2007, la 38e, accueille 300 galeries, 2000 artistes (et autant de journalistes) et on y attend près de 60 000 visiteurs, dont une bonne partie de collectionneurs et directeurs de musées. La comparaison avec la vie des grands magasins n’est pas gratuite. Comme chez le londonien Harrods, les émissaires d’Arnault, Pinault et de leurs pairs vont se précipiter dès l’ouverture des portes pour remplir leurs carnets d’achat dans la première demie-heure. Parmi les nouveautés de l’année, « Art Premiere » est consacré à des confrontations entre deux artistes et « Art on Stage » à des projets mêlant plasticiens et spectacle vivant. Cette dernière initiative sera inaugurée le 11 au soir au théâtre de Bâle par la performance An untitled concert de Rirkrit Tiravanija (qui a obtenu le prix Hugo Boss) avec la Sinfonietta de Bâle.
Comme tous les deux ans, la Biennale de Venise
VENISE – Il est de bon ton de se dire décu de chaque édition. Mais comment tirer un bilan lorsque l’offre est aussi variée ? La Biennale de Venise réunit des participations de nombreux pays et offre un panorama inégalée sur la création actuelle. C’est la doyenne des biennales, aujourd’hui foisonnantes de par le monde, et elle continue de donner le la. Que ce soit dans l’ancien pavillon italien, inauguré en 1895 pour la première édition, dans les pavillons nationaux, dus à d’insignes architectes (Josef Hoffman, Alvar Aalto, Carlo Scarpa) ou, depuis quelques années, dans d’autres lieux comme l’Arsenal, la Biennale est aussi l’occasion d’une promenade architecturale. Pour 2007, on notera la présence de Sophie Calle au pavillon de la France, d’Eric Duyckaert dans celui de la Belgique, deux parmi les 77 représentations nationales (un record). Le directeur de l’événement, Robert Storr, a choisi une centaine d’artistes pour la section internationale, à l’Arsenal. Au cœur de cette sélection, les Artiglierie montrent à un florilège d’art africain, autour de la collection angolaise de Sindika Dokolo. La remise, pour la première fois, du Lion d’or à un artiste africain (le photographe Malick Sidibé) a valeur de symbole.
EXPOSITIONS
Les messages d’Annette
PARIS – Elle fait partie de ces artistes qui aiment l’apesanteur, le balancement, comme Ernesto Neto par exemple : ses photos suspendues à des fils (dans Mes Vœux), ses objets égalements suspendus (dans Pénétration) ou placés sur des piques, sont la partie la plus connue de son œuvre et lui ont valu la consécration à la Biennale de Venise en 2005 (elle y a obtenu le Lion d’or avec l’installation Casino). Pourtant, Annette Messager n’est pas placée spontanément dans le groupe des « majors » français, où figurent Buren, Boltanski ou Sophie Calle, davantage médiatisés. L’exposition rétrospective que lui dédie le Centre Pompidou devrait y contribuer. On y retrouvera tous ses supports privilégiés – albums de photos et de coupures de presse, peluches, tissus, oiseaux empaillés, miroirs – alimentant une réflexion sur le genre, l’identité, l’enfance, la place de la femme dans la société. Souvent troublantes, dérangeantes (La Ballade des Pendus), mais jamais très éloignées de l’humour, les installations d’Annette Messager sont devenues de plus en plus imposantes et mouvantes avec le temps. Pour Beaubourg, elle a adapté à l’espace du Forum sa création vénitienne, qui devient La Ballade de Pinocchio à Beaubourg.
Comme tous les cinq ans, la Documenta de Kassel
KASSEL – Installée dans une petite ville allemande, c’est la pointe la moins connue de la trilogie. C’est pourtant là, grâce à la longue période de réflexion et de préparation, que se décèlent mieux les mouvements de fond qui travaillent l’art contemporain. Chaque édition est confiée à une nouvelle équipe (Roger Buergel et Ruth Noack en 2007) et l’art est présenté sous forme de projets. Pour mieux marquer sa différence, la Documenta n’organise pas un cocktail d’inauguration pour « happy few » mais une grande fête dans le parc de la ville (Bergpark Wilhelmshöhe) où sont invités tous les habitants. La Documenta, fondée en 1955, tire son originalité de ses limites (une ville peu touristique, des espaces d’exposition trop petits, un budget de 19 millions d’euros dont 10% seulement sont consacrés aux expositions), qui lui donnent véritablement l’aspect d’une grand-messe de l’art, d’une réunion de passionnés plutôt que d’un rendez-vous mondain. Et combien sont nombreux ces passionnés : ils étaient 650 000 à Documenta 11 !
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Martial Raysse : ex-fan du Nouveau Réalisme
C’est, avec Spoerri, l’un des derniers survivants du groupe des Nouveaux Réalistes, fédéré au début des années 1960 par Pierre Restany autour de Klein, Arman et César. Raysse est l’un des moins connus et l’un des plus ironiques dans le jeu avec les objets de la société de consommation : dans la rétrospective actuellement consacrée au Nouveau Réalisme au Grand Palais, c’est sa plage artificielle avec juke box qui remporte le plus grand succès. Dans la production de l’ancien champion d’athlétisme niçois, on retiendra aussi les Oiseaux de parados, accrochages de tuyaux de caoutchouc ou les compositions à partir d’achats faits chez Prisunic. Même si Raysse s’est éloigné rapidement du Nouveau Réalisme, la reconnaissance peut arriver tardivement sous la forme de records aux enchères. Le 31 mai, chez Sotheby’s à Paris, Tableau cassé de 1964 a plus que doublé son estimation haute à 816 000 €.
LIVRES
Le Big Bang de Courbet
C’est probablement le tableau le plus sulfureux de l’histoire. Peint en 1866, il n’a été offert au regard du public qu’en 1988 (au musée de Brooklyn), puis, durablement, à partir de 1995, date de son entrée par dation au musée d’Orsay. Il s’agit bien évidemment de L’Origine du monde de Gustave Courbet. Il n’y a pas que la dimension maudite du tableau à appeler un abondant commentaire. Son parcours, d’un collectionneur à l’autre, à travers l’Europe, est une épopée à part entière. Alors que se prépare pour l’automne une rétrospective Courbet au Grand-Palais, Bernard Teyssèdre donne une version augmentée de son enquête, qui l’a mené du diplomate turc Khalil-Bey, qui cachait en 1867 cette toison pubienne derrière un petit rideau vert, jusqu’à la maison de campagne de Jacques Lacan. Mais ce sont là les propriétaires les plus connus. La lumière est faite sur les autres, comme ce comte hongrois, François de Hatvany, qui l’a possédé le plus longtemps (40 ans). De rares indices – vu par Edmond de Goncourt en 1889, mentionné dans un coffre de banque à Budapest en 1942, négocié à Zurich en 1948 – et la présence de personnages inattendus (Gambetta, René Magritte, auteur d’une fausse Origine du Monde, André Masson qui réalise un dessin-cache pour Lacan) rendent l’histoire très croustillante. A lire comme un roman policier.
BRÈVES
BRUXELLES – La foire belge d’art tribal, Bruneaf, se tient du 6 au 10 juin, avec quelque cinquante exposants.
LOS ANGELES – Le musée d’Art latino-américain (MOLAA) rouvre le 10 juin après des travaux d’agrandissement, qui ont comporté la création d'une nouvelle façade par l'architecte mexicain Manuel Rosen.
PARIS – Les records d’enchères, habituellement enregistrés à Londres ou New York commencent à toucher Paris. Est-ce un signe ? Un tableau de la Canadienne Joan Mitchell, Sans titre (1971) est parti à 5,2 millions € chez Christie’s le 31 mai. La veille, un tableau de Francis Bacon, < i>Untitled, à 6,9 millions €, avait battu le record pour une œuvre contemporaine en France.
PARIS – Ouverture simultanée de nouvelles galeries sur la scène parisienne : la Fat Galerie (1, rue Dupetit-Thouars, 3e arrdt), une extension de la galerie Templon (1 impasse Beaubourg, 3e arrdt), la galerie Paul Frèches (12 rue André-Barsacq, 18e arrdt, avec une première exposition consacrée au photographe Guillaume Herbaut) et Espace Carte Blanche (151 rue du Chevaleret, 13e arrdt).
TURIN - Le palais de Venaria Reale, l'une des plus imposantes résidences de la dynastie des Savoie, est aussi l'un des plus importants projets de restauration en cours en Europe. Les jardins rouvrent au public à partir du 10 juin.
VERSAILLES – La galerie Michel Dermigny, consacrée à l’art orientaliste des XIXe et XXe siècles, a ouvert dans le quartier de la Geôle (16 bis passage de la Geôle).
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Cette semaine, ne manquez pas
AILLEURS, ICI Rétrospective de l'œuvre peinte de François Hilsum
LA ROCHE GUYON - Peintre de la lumière et de la couleur, marqué par l'Abstraction lyrique et l'Ecole de Paris, François Hilsum est amoureux du Vexin, où il vit et travaille. Le musée de la Roche Guyon lui consacre une abondante rétrospective avec quelque 150 toiles, accompagnées d'un livre d'artiste sur un texte de Jean-Pierre Leonardini.