ArtAujourdhui.Hebdo
N° 55 - du 5 juillet 2007 au 11 juillet 2007
L'AIR DU TEMPS
Les monuments ont leur Star Ac
En initiant en 1978 sa liste du patrimoine mondial, l’Unesco était sans doute loin d’en imaginer le succès médiatique. Alors que le stock atteint maintenant 851 endroits symboliques de la beauté du monde, la liste est devenue une sorte de hit-parade, avec ses « nominés » annuels, motif de fierté patriotique pour les pays concernés. L’objectif initial de préservation du patrimoine est de plus en plus concurrencé, voire mis en péril par l’exploitation commerciale de ce « label », qui suffit à lui seul à drainer de forts flux touristiques. Sans doute conscient de ces dérives, l’Unesco a réagi avec une vigueur peu habituelle pour se démarquer de l’initiative privée visant à élire (par un vote sur internet) 7 nouvelles merveilles du monde. Parmi les concurrents retenus - qui ne sont que relativement « nouveaux » puisqu’on y trouve aussi bien Chichen Itza que Petra, la tour Eiffel ou l’opéra de Sidney - , un vainqueur sera désigné le 7 juillet à Lisbonne. Il ne s’agit au fond que d’un sondage, du même genre que ceux mis en scène pour choisir le personnage historique le plus important d’un pays. Fâcheuse dérive, inspirée des baromètres de la politique : le rôle des archéologues, architectes, historiens est réduit à celui de faire-valoir lors des transmissions télévisées, et la science invitée à céder la place à l’émotion irrationnelle ou aux pulsions nationalistes. Ce doit être ce que l’on appelle la société de l’information.
EXPOSITIONS
iPaysage avec la Tentation de St Antoine, détail Madrid, Museo Nacional del Prado
Patinir, l’inventeur du paysage
MADRID – Il n’est pas connu du grand public mais a un CV de tout respect. Ce peintre flamand actif dans le premier quart du XVIe siècle est en effet considéré comme le premier à avoir fait de la peinture de paysage un genre à part entière. Montagnes, collines et cours d’eau ne sont plus le décor dans lequel on place un épisode biblique mais deviennent les principaux protagonistes du tableau. Malheureusement, Patinir, installé dans la ville la plus animée de l’époque, Anvers, a laissé très peu de tableaux.
Son catalogue raisonné, publié à l’occasion de cette rétrospective, ne compte guère qu’une trentaine d’œuvres indiscutables, dont on pourra admirer les trois quarts avec, entre autres, le Saint Christophe de l’Escorial, Charon traversant le Styx du Prado ou le Martyre de sainte Catherine du Kunsthistoriches Museum de Vienne. Pour élargir le propos, les conservateurs ont décidé de les confronter avec celles de contemporains ou de ses disciples, comme Dürer, Bosch ou Dirk Bouts.
Richard Long, l’âge de pierre
EDIMBOURG – C’est l’un des exposants les plus connus du Land Art. Ses installations sont moins spectaculaires que celle de Robert Smithson ou de Christo, moins colorées que celles de Nuls-Udo, mais elles possèdent quelque chose de plus « primordial ». ce sont de simples cercles de pierre, qui rappellent les formes de Stonehenge ou d’autres constructions similaires dans les Orcades. Ce sont des sentiers piétinés. Ce sont des murs couverts de boue. Ce sont des chemins marqués par des blocs de granite. L’art de Richard Long (né en 1945) est d’abord un art de la déambulation, du regard posé sur le monde, à travers les cinq continents. Quatre décennies de travail, issu de promenades ritualisées, sont montrées en Ecosse (dont la Stone Line de 1980, qui appartient au musée). Des créations nouvelles sont aussi présentées : des grands dessins de murs en terre et une sculpture en forme de croix, à partir d’ardoise des Cornouailles, qui restera au musée après l’exposition.
Un diaporama de l'œuvre de Richard Long sur le site du Guardian
RESTAURATION
David sur le billard
FLORENCE – Il est considéré comme le premier nu de la statuaire de la Renaissance, qui était alors à la recherche de la perfection des maîtres antiques. Le frêle David de Donatello, livré à Côme l'Ancien au début des années 1440, subit actuellement une campagne de restauration. Il n’a pas été enfermé dans des laboratoires spécialisés, comme c’est généralement le cas, mais est resté là où il vit depuis 1865, au musée du Bargello, où se sont au contraire déplacés les restaurateurs. Utilisant la technique du laser, financée à hauteur de 200 000 € par la Présidence du conseil, la restauration, qui a débuté le 26 juin, durera 18 mois. Elle a pour objet d’enlever la patine qui a été appliquée au XVIIIe siècle pour donner une teinte sombre à la statue. Elle devrait ainsi permettre de retrouver les traces d’or que Donatello avait appliqué dans les cheveux du héros biblique.
MARCHÉ
Christie’s et Sotheby’s font dans l’ancien
883,1 millions $ : c’est selon les calculs de Bloomberg, le montant des ventes d’art impressionniste et moderne réalisées en juin 2007 par Christie’s et Sotheby’s. Soit 51% de plus que l’an dernier. Le bon état du marché se reflète dans le chiffre d’affaires semestriel de Sotheby’s, en hausse de 41% (à 2,76 milliards $), ou dans l’excellente performance de Christie’s France qui, avec un semestre à plus de 100 millions €, distance largement ses concurrents hexagonaux. La question est : quand ce boom, alimenté par le nouvel argent chinois, russe ou américain, s’arrêtera-t-il ? Dès cette semaine, alors que les maîtres anciens entrent en scène ? Personne ne le pense réellement. Chez Christie’s, c’est un Raphaël qui fait la une : le Portrait de Lorenzo di Piero de’ Medici est estimé 10 à 15 millions £ (le 5 juillet). Chez Sotheby’s, le même jour, on a déniché, pour faire bonne mesure, un Turner évalué de la même façon (il s’agit en réalité d’un ensemble de 14 aquarelles). Le duel entre les deux super-puissances ne montre aucun signe d’essoufflement.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Felice Varini 8 cercles excentriques n°1 Galerie Jennifer Flay, Paris, Mai 1998
Felice Varini garde la ligne
Né en Suisse, à Locarno, en 1952, Felice Varini voit souvent son travail mis en parallèle avec celui de Georges Rousse. Les deux plasticiens ont la particularité de jouer avec les espaces, de les transformer légèrement pour faire naître des illusions d’optique. Felice Varini, après une analyse de l’architecture des lieux dans lesquels il est appelé à intervenir, définit un point de vue unique. C’est là, et seulement là, que le visiteur devra s’installer pour ressentir une modification de l’espace qui n’est pas apparente ailleurs.
Le principe est celui de l’anamorphose, que quelques grands peintres ont utilisée (le plus connu étant Holbein, qui a représenté une tête de mort dans le tableau des Ambassadeurs) : la figure dessinée n’est reconnaissable que d’un endroit précis. Autant dire que l’art de Varini, qui intervient en dessinant des formes géométriques colorées, est indissociable des installations temporaires. Après celle du musée Bourdelle, au printemps 2006, on peut en voir un nouvel exemple à la Maison Rouge.
LIVRES
Le Quai Branly, forum de réflexion
Si le musée du Quai Branly connaît un succès de fréquentation inattendu, il aimerait également être reconnu pour son rôle d’étude et de recherche. Les actes du colloque inaugural, tenu le 21 juin 2006, montrent ses ambitions en ce domaine. Les intervenants venaient de plusieurs continents et les débats ont porté sur des thématiques variées. Comment accueillir l’art contemporain dans ce type de musées ? Comment y faire figurer à leur juste mesure les patrimoines immatériels ? De quelle façon définir l’authenticité d’un objet ? Quels publics accueillir et pourquoi ? L’intérêt de la lecture vient des opinions tranchées de certain des participants (par exemple Maurice Godelier, qui a sans doute ses raisons…) ou de la qualité des exemples mis en avant, qui permettent de dépasser la simple conversation théorique entre professeurs. A titre d’exemple, le cas, présenté par James Clifford, du musée d’Oakland, en Californie, qui a réussi à intéresser les populations chicanos après leur avoir donné la possibilité d’y installer leurs autels pour le Jour des Morts, est parlant. Une initiative originale et plus efficace, pour toucher de nouveaux publics, que les visites mal préparées d’écoliers ennuyés et bruyants.
BRÈVES
BORDEAUX – Le port de la Lune a été inscrit sur la liste du patrimoine de l’Unesco, en compagnie de 21 autres sites culturels et naturels dont l’Opéra de Sydney, les forteresses parthes de Nisa (Turkménistan) ou le campus de l’université de Mexico.
GATESHEAD – Le Baltic Center lance un appel à projets vidéo pour la manifestation DE07 qui se tiendra du 11 au 28 octobre 2007 sur le thème « Comment voulons-nous vivre ? » A envoyer avant le 10 août.
LE CAIRE – Le directeur des Antiquités égyptiennes, Zawi Hawass, a officiellement annoncé la redécouvert e de la momie de la pharaonne Hatchepsout. Un test d’ADN sur une de ses dents, trouvée dans un reliquaire, concorde avec celui d’une momie conservée dans les sous-sols du musée du Caire.
NEW YORK – Le World Monuments Fund publie tous les deux ans une liste des monuments menacés. Dans la dernière édition de juin 2007 figurent notamment la Route 66, la mosquée de Chinguetti et la vieille ville de Famagouste.
PARIS – La directrice administrative et financière de la fondation Cartier, Sylvie Dumas, a été assassinée le 30 juin de plusieurs coups de couteau par un voisin chez qui elle était allée se plaindre d’odeurs de brûlé. Le meurtrier, étudiant à Sciences Po, s’est ensuite suicidé en se jetant dans le vide.
PARIS – Le projet lauréat pour la rénovation du Forum des Halles est la Canopée de Patrick Berger et Jacques Anziutti.
ROME – Du 12 juillet au 20 septembre, quatre monuments souterrains de la capitale italienne sont illuminés par six artistes contemporains, dont Vanessa Beecroft et Eva Marisaldi.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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