ArtAujourdhui.Hebdo
N° 60 - du 27 septembre 2007 au 3 octobre 2007
L'AIR DU TEMPS
France, ton marché de l'art bouge encore…
C'est du moins ce que souhaite croire Christine Albanel, ministre de la Culture. En présentant une nouvelle acquisition du Musée national d'art moderne (L'Adoration du veau de Francis Picabia), obtenue avec l'apport du mécénat privé, elle a annoncé un ambitieux plan de revitalisation. Plusieurs mesures sont actuellement envisagées - et non programmées, ce qui induit immédiatement un principe de précaution… Parmi celles-ci : des dispositifs de crédit d'impôt ou de prêts sans intérêt pour les nouveaux collectionneurs, une croisade contre la TVA à l'importation (mais c'est un sujet communautaire), un statut fiscal spécifique pour l'installation de plasticiens étrangers en France (le modèle irlandais ?), l'allègement de contraintes administratives (dont le "livre de police" des ventes aux enchères). L'initiative est louable. Mais dans un marché de l’art qui ressemble de plus en plus au marché financier (voir les analyses dans le dernier Art & Auction, qui montrent une corrélation de plus en plus étroite des indices), délocalisé et mondialisé, l’avance prise par Londres et New York semble insurpassable. L’âge d’or de 1950 (Drouot pesant plus que Sotheby’s et Christie’s réunis !) est révolu. Ne serait-il pas plus sage d’engager des actions ciblées, sur les niches où la France a encore des positions honorables (livres anciens, arts « premiers », dessin) ?
EXPOSITIONS
Millais, préraphaélisme et gros sous
LONDRES – Pour le grand public français, il est l’auteur d’un seul tableau : Ophélie, où l’on voit l’héroïne shakespearienne flottant entre deux eaux dans une robe de fleurs. Pour les Anglais, John Everett Millais (18648-18il a longtemps été une gloire nationale comme fondateur du préraphaélisme puis comme portaitiste très recherché de l’aristocratie. En plus de cent œuvres, la National Gallery réévoque la carrière de ce dessinateur prodige, qui fut le plus jeune élève de l’histoire à la Royal Academy (il y entra à onze ans) et qui choqua ses contemporains en traitant de manière trop réaliste des scènes bibliques (Le Christ dans l’atelier de son père). Avec ses amis Hunt et Rossetti, il fait revivre un Moyen Age rêvé, peuplé de troubadours et d’héroïnes aux cheveux longs (Isabella, Mariana). Dans la seconde partie de sa carrière, il se déprend des principes qui l’animaient, multiplie les portraits d’enfants aux joues rondes et de filles à marier, et devient un richissime notable londonien.
Ferrare humanum est
FERRARE,– Centre majeur de la Renaissance, Ferrare, dans la plaine du Pô, connaît un âge d’or sous le règne de Borso d’Este, de 1450 à 1471. Dans le Palazzo dei Diamanti, qui fut commandé par Borso à l’architecte Biagio Rossetti, sont présentés les deux interprètes les plus connus de cet art de cour raffiné et profane : Cosmè Tura, au langage très décoratif, proche des miniaturistes, et Francesco del Cossa, à la ligne plus sèche, aux compositions plus rigoureuses et symétriques. Du premier, on pourra notamment voir la reconstitution du polyptyque de Saint-Jacques, démembré entre Paris, Caen et Florence, du second un du musée Thyssen-Bornemisza. Parmi les 150 œuvres présentées, certaines montrent la genèse de cette école ferraraise, influencée par la peinture flamande, par les séjours de Pisanello et de Jacopo Bellini. Son chef-d’œuvre collectif est à admirer ailleurs : c’est le Salon des mois, que l’on peut voir au palais Schifanoia, auquel participe un troisième mousquetaire, Ercole de’ Roberti.
Le design à travers les âges
PARIS – Le mot, il faut l’avouer, ne veut plus dire grand chose. « Design » qualifie aujourd’hui, de façon assez vague, les objets à la mode, l’association initiale de la beauté et de l’utilité ayant été un peu perdue de vue. Cette entrée impérieuse dans notre vocabulaire justifie une mise au point : c’est l’intention affichée de l’exposition du Grand Palais, qui passe en revue deux siècles de mobilier. Plutôt que d’obéir à une présentation chronologique « banale », les pièces choisies sont confrontées les unes aux autres, à des décennies, voire des siècles, de distance. Une table basse Arabesco de Carlo Mollino (1949) voisine avec une chaise longue Bubbles de Frank Gehry (1987), un plafonnier de Rietveld (1920) avec une étagère viennoise de 1810, une chaise africaine en bois de palmier de Pierre Legrain (1924) avec la chaise Barbare en fer martelé et peau de poulain de Garouste et Bonetti (1981). C’est un voyage dans les matières, les formes et les motifs d’inspiration qui montre certaines correspondances inattendues entre les générations.
MUSÉES
Arp sur la colline
ROLANDSECK - Il a indubitablement un petit air de Getty Center… Ce nouveau musée dédié à Hans Arp est en effet signé par le même architecte, le new-yorkais Richard Meier. Même situation dominante sur la plaine alentour, même aspect de forteresse lumineuse. Il surplombe un bâtiment âgé de 150 ans, une gare néo-classique. Reliées par un ascenseur et par un tunnel, les deux structures ont des missions différentes : en bas, c’est un centre d’art contemporain consacré à des expositions temporaires, en haut le musée Arp proprement dit. Il contiendra des œuvres – sculptures, dessins, collages - de Hans Arp ainsi que de son épouse Sophie Tauber-Arp.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Mario García-Torres : à la recherche des petits riens
PARIS – MADRID – Le jeune artiste mexicain (né en 1975), remarqué cet été à la Biennale de Venise et à la Documenta de Kassel, est doublement à l’honneur. Cet épigone des courants conceptuels travaille avec la vidéo ou des mediums plus anachroniques, comme la diapositive ou le super-8. A Paris, où il a passé quelque temps en résidence à la Kadist Foundation, il présente une image énigmatique July 2007 : ce que donne la projection
d’une diapositive vierge qu’il a conservé pendant un mois dans sa poche. A Madrid, à la galerie Elba Benítez, ses vidéos interrogent sur le rôle conventionnel des musées ou donnent le statut d’œuvre d’art à des productions de l’homme, simplement en modifiant le regard que l’on peut porter sur elle, comme pour les pistes d’atterrissage abandonnées de Californie.
LIVRES
Paris sous X
Un livre inclassable mais rafraîchissant, qui invite à une redécouverte de la ville : pour reprendre un titre de Georges Pérec, celui-ci est une tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Rue par rue, l’auteur arpente son arrondissement, le dixième. Il en énumère, souvent sur un ton d’humour noir, les façades, qu’il s’agisse d’hôtels particuliers ou de vitrines crasseuses, le mobilier urbain, mais aussi le mouvement, les trafics – pédestre, automobile et en tous autres genres. Au fil des pages apparaissent des personnages vivants ou morts, connus ou pas, de l’abbé Chatel, devenu magnétiseur et épicier, à Guy Bedos. Antithèse des guides tourisitiques, ce vademecum très personnel, qui balance entre promenade architecturale et précis de sociologie urbaine est avant tout un pamphlet contre la banalisation de notre décor.
BRÈVES
BERLIN – La 12e édition d’Art Forum, foire internationale d’art contemporain, se tient du 29 septembre au 3 octobre avec quelque 120 galeries.
BRUXELLES – 150 artistes congolais, actifs dans tous les domaines de la création, sont invités du 30 septembre au 20 novembre, pour la manifestation "Yambi", qui se tient en plusieurs lieux, notamment au Botanique.
EVRY – Près de 20 ans après l'inauguration de la cathédrale d'Evry, dessinée par Mario Botta, le musée Paul-Delouvrier ouvre dans ses espaces. Il comprend quatre collections permanentes : art éthiopien, art sacré liturgique, boîtes à rêves de Madeleine Schlumberger, peintures contemporaines.
FLORENCE – La XXVe Biennale des antiquaires de Florence se tient au Palazzo Corsini du 29 septembre au 7 octobre 2007
HAMBOURG – La Hamburg Fine Art Fair accueille une vingtaine d’exposants spécialisés, du 26 au 29 septembre, au musée des Arts décoratifs.
NEW YORK – Le Joyce and Robert Menschel Hall, galerie entièrement dédiée à la photographie contemporaine, ouvre le 25 septembre au Metropolitan Museum of Art.
PHILADELPHIE – L’extension du musée des beaux arts de Philadelphie, installée dans un bâtiment Art déco de 1927, le Perelman Building (du nom du couple de mécènes qui a donné 15 millions $), a ouvert le 15 septembre au public.
REGGIO EMILIA (Italie) – La collection Maramotti, rassemblée par le créateur de la griffe Max Mara, est accessible au public sur réservation à partir du 29 septembre.
TALLINN – La Biennale des jeunes artistes, organisée dans la capitale estonienne, ouvre le 28 septembre. Jusqu’au 11 novembre, elle présente une quarantaine de créateurs, provenant pour l’essentiel de Scandinavie et d’Europe orientale.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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APARTHEID Le miroir Sud Africain
BARCELONE - Période douloureuse de l'histoire sud-africaine, l'apartheid peut aussi être lu comme une métaphore de l'ordre mondial actuel. En mettant en regard des œuvres d'artistes africains et d'autres parties du monde, le CCCB de Barcelone montre comment ce mécanisme d'exclusion se perpétue entre peuples, religions ou nations.
LA CHINE SOUS TOIT
BRUXELLES - Les modèles réduits trouvés dans les tombes du Henan sont des œuvres d'art fascinantes, qui permettent de retracer 2000 ans d'architecture chinoise. Les Musées royaux d'art et d'histoire en présentent une sélection qui inclut aussi bien des pagodes et des théâtres que des cuisines ou des latrines.
GEORG BASELITZ
LONDRES - La Royal Academy consacre une rétrospective au peintre allemand, connu pour ses représentations "tête en bas". Plus de 60 peintures sont exposées, ainsi que des dessins, gravures et sculptures, dont Model for a Sculpture, qui fit sensation à la Biennale de Venise 1980.
NI VERRE, NI SAGE
MOUGINS - Le verre fait partie de notre quotidien depuis son invention. Vingt-sept photographes proposent leur vision du verre, sous toutes ses formes et dans tous ses états. L''idée de départ est l'objet, le contenant. Ils la déclinent de diverses façons, l'image prenant le chemin de la multiplicité de sens attribués à ce terme, ainsi que les applications liées à sa matière..