ArtAujourdhui.Hebdo
N° 64 - du 25 octobre 2007 au 31 octobre 2007
L'AIR DU TEMPS
Décroissance douce ou brutale ?
Octobre a été le mois des foires de capitales (la FIAC à Paris et Frieze à Londres, comme un remake de match de rugby). Celui qui suit est traditionnellement marqué par de belles enchères impressionnistes et modernes. « En novembre, s’il tonne, l’année sera bonne » dit la sagesse populaire. On s’est tellement habitué à une ascension continue des prix des grands maîtres, qui ont définitivement pris pied au pays des 100 millions $ (Klimt, Pollock, Picasso), que l’on attend avec une certaine indifférence la moisson de l’année. Qui montera sur la première marche du podium ? Picasso avec sa Lampe de 1931 ou Gauguin avec son Te Poipoi, paysage tahitien de 1892 (tous deux chez Sotheby’s New York le 7 novembre) ? Pour le grand public, les nouvelles qui filtrent jusqu’au « 20 heures » ne vont guère au-delà de ce genre de hit-parade. Doit-on lire le résultat de ces enchères comme un indicateur quasi exclusif de la santé du secteur ? Au risque, s’il n’est pas bon, de pousser certains investisseurs à d’autres arbitrages ? Vers l’orge ? les biocarburants ? le pétrole ? Dans un marché mondialisé et de plus en plus volatile, où l’art est devenu une commodity (marchandise) comme une autre, des réactions en cascade, sur le modèle de la crise du subprime américain, ne sont peut-être plus à exclure.
EXPOSITIONS
Une autre Sienne
LONDRES - Parler de Sienne au XVIe siècle, c’est réparer une injustice. Pourquoi ? Parce que la ville toscane est systématiquement associée à la fin du Moyen Age, aux maîtres des XIIIe et XIVe siècles comme Duccio et Simone Martini plutôt qu’à la Renaissance épanouie. La National Gallery se pose donc en redresseur de torts, ce qu’elle peut faire d’autant plus facilement qu’elle possède un bon fonds en la matière. Au cœur de l’exposition est placé un retable reconstitué : les commissaires ont rassemblé les parties manquantes du polyptyque d’Asciano, consacré à l’Assomption de la Vierge. Des maîtres aux noms poétiques, experts tardifs en peinture à fond d’or, figurent parmi les artistes à découvrir tel Matteo di Giovanni. De Neroccio de’ Landi, on admirera une pièce très symbolique : la statue de sainte Catherine, la patronne de la ville, qui n’a jamais quitté Sienne en un demi-millénaire. La dernière section, en revanche, est dédiée à un maître reconnu, Domenico Beccafumi, l’une des stars du maniérisme à côté de Pontormo ou Parmesan. Il s’est, ici aussi, agi d’un jeu de piste puisque les tableaux réunis ornaient autrefois la demeure d’un riche marchand siennois.
Des Japonais fous de Paris
PARIS – On ne connaît à peu près que Foujita (1886-1968), ami de Man Ray, Kisling et Kiki, totalement incorporé dans l’aventure de Montparnos. Pourtant, à peu près en même temps que Gauguin et Van Gogh trouvaient l’inspiration du côté du Soleil Levant, bien d’autres Japonais vinrent chercher la leur à Paris. La Maison de la culture du Japon à Paris, qui fête son dixième anniversaire, nous les fait découvrir en une cinquantaine de tableaux. A côté de l’inimitable blanc crayeux de Foujita, voici les pionniers Seiki Kuroda et Chû Asai, chantres de l’académisme qui participent à l’Exposition universelle 1900, puis Sotaro Yasui, influencé par Cézanne et Picasso. Lorsqu’ils retournent au Japon, ces artistes tentent de concilier les motifs locaux avec une technique occidentale - c’est la peinture yôgâ – et atteignent parfois une célébrité enviable. D’autres, comme Yûzô Saeki, connaissent le destin des poètes maudits et meurent de tuberculose dans des dispensaires de banlieue…
Canova au rendez-vous de Vénus
ROME – Il y a quelque mois, une information sensationnelle a agité les cénacles culturels romains : Canova, le sévère, l’austère Canova, aurait sculpté sa Pauline Borghèse en faisant un moule direct sur sa poitrine…Les preuves de telle audace manquant à ce jour, on ne conclura pas. Mais l’on pourra, en visitant l’exposition de la Galerie Borghèse, reconnaître une fois de plus la froide sensualité qui émane de ses plâtres et de ses marbres. Dans le musée qu’il chérissait le plus, ont été en effet réunies une quinzaine de Vénus réalisées au cours de sa carrière par l’artiste néo-classique (1755-1822). Ce sont des Vénus au long cours : la Nymphe endormie vient du Victoria & Albert Museum, la Naïade du Metropolitan de New York et les Trois Grâces de l’Ermitage. Des esquisses, des plâtres, des peintures et la série complète de ses Amours montrent comment l’artiste a poursuivi sa quête d’une beauté idéale, impersonnelle, à laquelle il a aussi plié la famille impériale française. La cinquantaine de pièces exposées l’est dans les galeries permanentes, pour permettre un dialogue avec les Corrège ou les Bernin que Canova vénérait.
MUSÉES
Louvre : Kiefer dans la roue de Braque
PARIS – Le décor commandé par le musée du Louvre à Anselm Kiefer, pour un escalier du département des Antiquités égyptiennes, est dévoilé cette semaine. C’est la première intervention d’un artiste contemporain depuis celle de Georges Braque il y a plus d’un demi-siècle (en 1953 avec le plafond de la salle étrusque). Elle se veut symbolique de l’ouverture du musée sur la création actuelle, ce qui en choque certains mais n’a rien de très révolutionnaire puisque Poussin ou Ingres, en leur temps, avaient déjà été convoqués. Le thème choisi par l’artiste, « Frontières », qui épouse le vécu de l’artiste (la guerre, l’expansion et la chute du nazisme, la réunification allemande) est traité sous la forme d’une grande peinture représentant des constellations et des pratiques funéraires. Il sert de fil conducteur au programme culturel qui accompagne cette inauguration avec, notamment, une création chorégraphique de Bill T. Jones.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Promenade irrationnelle, 2003, photographie couleur, 150 x 120 cm, courtesy galerie Xippas, © Marc Domage, © ADAGP, 2007
Philippe Ramette : sens dessus dessous
Cocteau disait spirituellement qu’à Venise les pigeons marchent et les lions volent. C’est un peu au même renversement de valeurs qu’invite Philippe Ramette, né en 1961. Chez lui, les lois de la pesanteur, de la gravité ou de la perspective sont allègrement enfreintes. Sa série des Balcons est la plus connue, où le garde-fou plutôt que d’être vertical, est horizontal. Mais il peut aussi s’agir de chaises qui volent ou de miroirs dans les lesquels on peut entrer (pour passer au travers). On pense évidemment au monde d’Alice…Au domaine de Chamarande, Ramette montre une palette de ses créations. Il y a aussi créé six œuvres inédites dont une immense échelle en aluminium. Posée contre le château, elle lui donne l’apparence d’un manoir de poupée. Plus loin, c’est un théâtre de marionnettes très agrandi où il manque les pantins : le visiteur se rendra vite compte qu’il peut jouer ce
rôle. Les installations de Ramette autorisent ainsi plusieurs lectures - celle de l’absurde mais pas uniquement - ce qui fait leur richesse. * Philippe Ramette au Domaine départemental de Chamarande (Essonne), du 21 octobre 2007 au 3 fév
LIVRES
Esprit de groupe
Dans la lignée des mémentos d’histoire de l’art, lancés avec succès par l’éditeur italien Electa, Hervé Gauville, ancien chroniqueur de Libération, dresse un portrait-robot de l’art d’après-guerre. Il le décortique en suivant une clé de lecture « communautaire » : ce dont il est ici question, c’est tout cet art qui s’est écrit en mouvements, associations, fraternités. Dans l’histoire d’Equipo Crónica, de la Transavanguardia, de la figuration narrative ou de Supports-Surfaces, on retrouve l’ivresse de la création en groupe qui fait revivre (un peu) l’atmosphère des ateliers de la Renaissance, à la différence près que la hiérarchie rigide d’autrefois entre maître et élèves a volé en éclats. De tentatives poétiques dont le nom fait encore rêver comme le nuagisme au Pop Art, du bordelais Présence Panchounette au nippon Gutaï, l’inventaire mélange l’Est et l’Ouest, le célèbre et l’oublié, réservant quelques intéressantes (re)découvertes au fil des pages.
BRÈVES
COLOGNE – La foire Cologne Fine Art se tient pour la première fois en automne, du 31 octobre au 4 novembre. Elle possède notamment une section très développée en Art brut.
LA ROCHELLE – Le Muséum d’histoire naturelle rouvre le 27 octobre, après 10 ans de travaux et un investissement de 10 millions €.
PARIS – La Fondation du Patrimoine célèbre son 10e anniversaire avec une exposition photographique sur 150 actions menées dans la décennie. TORONTO – La Toronto International Art Faire se tient du 26 au 29 octobre. http://www.tiafair.com
PARIS - Dans le cadre insolite des Galeries Royales de l'église de la Madeleine, une brève exposition (jusqu'au 10 Novembre), quasi confidentielle, fait revivre deux publications qui ont marqué la vie intellectuelle au tournant du siècle: la Revue blancheet le Cri de Paris ,à travers numéros, photographies, affiches,, correspondances souvent inédites conservées dans la famille des Natanson. Capiello, Hermann Paul,, Vallotton, les Nabis et tous les grands illustrateurs de l'époque.sont là...
PARIS - Le Prix Marcel Duchamp 2007 a été attribué à Tatiana Trouvé, artiste née en 1968 à Cozenza (Italie) qui vit et travaille à Pari
TORONTO – La Toronto International Art Faire se tient du 26 au 29 octobre.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
NICOLAS II ESTERHÀZY, 1765-1833 Un Prince hongrois collectionneur
CMPIEGNE - Les aristocrates hongrois Esterházy ont occupé les plus hautes fonctions dans l'administration de l'Empire autrichien. Ils ont commencé à collectionner des objets d'art dès le début du XVIIe siècle. Le prince Nicolas II Esterházy (1765- 1833) a constitué l'une des collections majeures de l'Empire austro-hongrois au tournant du XVIIIe et au début du XIXe siècles
ANIMAL
PARIS - En Afrique, les animaux tiennent le premier rôle dans les mythes, les légendes, les proverbes, les devinettes et les contes. Ils servent de modèles aux femmes et aux hommes. À travers cent cinquante œuvres d'art venues de toute l'Europe, le Musée Dapper propose une nouvelle lecture de la présence animale dans les arts de l'Afrique subsaharienne
RODIN SCULPTURES
PARIS - Pour la toute première fois, les 455 sculptures en bronze conservées au musée Rodin sont rassemblées dans un catalogue raisonné. Le travail du bronze est une part essentielle du travail d'Auguste Rodin, l'un des plus grand maître de la sculpture moderne