ArtAujourdhui.Hebdo
N° 67 - du 15 novembre 2007 au 21 novembre 2007
L'AIR DU TEMPS
Rubens sans les flammes
ANVERS – Pour marquer le 30e anniversaire de l’ouverture du musée Rockox dans la maison de l’ancien bourgmestre d’Anvers et protecteur de Rubens, de nombreux prêts importants ont été consentis par de grands musées, pour reconstituer la collection de l’édile. Le Prado a cédé l’esquisse à l’huile de l’Adoration des Mages, le Nationalmuseum de Stockholm des bustes antiques achetés par Christine de Suède tandis que le Salon d’apparat de Frans II Francken, reflet de l’accrochage à l’époque de Rockox, arrive de Munich. Le tableau emblématique provient cependant de la National Gallery de Londres. Il s’agit de Samson et Dalila, qui sera installé à l’endroit exact où il se trouvait il y a trois siècles. Commandé par Rockox, ce tableau devait être mis en face de la cheminée. Rubens l’aurait peint en tenant compte de cette situation, prévoyant la lueur des flammes sur les visages des personnages. Les réévocations de collections anciennes ont le vent en poupe (on a vu récemment les Gonzague, les Farnèse, Vollard). Mais elles ont leurs limites : à la maison Rockox, on n’a pas rallumé le feu dans l’âtre…
EXPOSITIONS
Vélasquez, peintre d’histoire
MADRID – Pour les Espagnols, le grand événement, c’est le retour provisoire en Espagne de la Vénus au miroir, l’une des œuvres phares de la National Gallery de Londres, où elle est depuis 1905. Elle occupe une place particulière dans l’art hispanique : considérée comme le seul nu du XVIIe siècle, elle fut poignardée en 1914 par une sufragette, qui y voyait une image obscène et dégradante pour la femme. Plutôt que de reproposer, comme en 1990, une rétrospective Vélasquez, ardue à monter tant ses œuvres exigent des assurances exorbitantes, le Prado a donc choisi, pour fêter son agrandissement, de ne présenter qu’une facette du plus grand peintre espagnol. Il s’agit de ses tableaux d’histoire, entre fables mythologiques et récits bibliques (le Repas à Emmaüs provenant de Dublin ou Saint Jean l’Evangéliste, également de la National Gallery). Près de 30 tableaux de Vélasquez sont réunis et mis en rapport avec la production contemporaine, de Caravage à Rubens et Poussin, de Greco à Ribera, pour tirer le portrait de la peinture narrative au Siècle d’or.
Bonjour, Monsieur Fabre
MONTPELLIER – Il a laissé son nom à un musée, dont la rénovation est un succès à en juger d’après l’affluence : déjà 300 000 visiteurs depuis la réouverture le 4 février dernier. François-Xavier Fabre (1766-1837) méritait donc bien une rétrospective d’autant qu’au talent de collectionneur (en 1825, il lègue son important fonds à sa ville, et il constitue aujourd’hui le cœur du musée), il a ajouté celui de peintre. Dans ce dernier domaine, ce prix de Rome et élève de David a aussi bien rendu les paysages idéaux d’Italie qu’il a excellé dans le genre académique de la peinture d’histoire. Les titres de certaines de ses œuvres majeures épousent parfaitement l’esprit de l’époque, tel ce Nabuchodonosor faisant tuer les enfants de Sédécias sous les yeux de leur père… Moins connue est sa production de portraitiste, qui lui vaut les éloges de ses amis italiens, le poète Alfieri ou le sculpteur Canova. En une centaine de pièces venues du monde entier (Pologne, Lituanie, Etats-Unis, Italie, Ecosse, etc), l’exposition rend hommage à un ancien grand espoir de la peinture française, qui n’avait pas connu pareil traitement depuis 1937.
L’énigme Gino
TURIN - Le catalogue réunit une brochette de critiques et d’artistes réputés : Marina Abramovic, Joseph Kosuth, Hans Ulrich Obrist, Nicolas Bourriaud. En revanche, l’artiste exposé a toutes les chances d’être inconnu : qui est donc ce Gino De Dominicis, né en 1947 et disparu en 1998 ? Un météore, un personnage flamboyant et secret qui a fui le travail de groupe pour mener, seul, un parcours difficile à cerner, mêlant peinture, sculpture (un squelette géant sur des patins tenant en laisse un squelette de chien, Il tempo, lo sbaglio, lo spazio, 1970) et installations conceptuelles (le rire diabolique D’Io, de 1971, qui accueille les visiteurs à la fondation Merz, ou une auto-interview de 1995). Cette rétrospective, même si elle est enrichie par rapport à celle tenue récemment à la villa Arson, ne compte qu’une quarantaine d’œuvres : De Dominicis restera dans l’histoire un artiste mystérieux et intrinsèquement rare.
SALONS
Dix ans de Paris Photo
PARIS – La manifestation passe le cap de la décennie en se confortant comme la principale foire de photographie internationale. La part des exposants étrangers – 3/4 des quelque 100 galeries, dont quelques incontournables comme The Photographer’s Gallery de Londres ou Bruce Silverstein de New York - en est la preuve. Après les Pays-Bas en 2006, le pays invité est cette année l’Italie. Huit galeries de la péninsule présentent de jeunes créateurs, comme Lorenza Lucchi Basili (Oredaria, Rome), Maurizio Montagna (Bel Vedere, Milan) ou Raffaella Mariniello (Trisorio, Naples) tandis que l’une des principales banques italiennes, UniCredit, fidèle à la tradition de mécénat des instituts bancaires transalpins, présente sa collection de paysages des années 1970 à aujourd’hui. Une section spéciale est consacrée au fonds vidéo des musées d’art contemporains que sont le Mambo (Bologne), le Maxxxi (Rome) et le Mart (Trente).
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Lavera, 2007, tirage lambda sur aluminium, 7ex, 124 x 99 cm, Courtesy Galerie Guy Bärtschi
Fabrice Gygi : un monde cruel
GENÈVE – Sa production la plus connue, ce sont sans doute ces constructions-cages qu’il dispose dans des paysages inattendus, jardins publics, parvis de musées ou cours d’écoles en Inde : paraboles d’un monde où la liberté n’est qu’illusoire, et réduite à peu de chose si on tente de la soustraire de la tyrannie de la consommation ou aux croissantes inégalités sociales. Il y eut aussi les tentes, les palissades, les tribunes. Fabrice Gygi (né en 1965) utilise des matériaux en acier, inox, plastique - pylônes, grilles, bâches, qui ressortissent au monde du BTP mais aussi à celui de la guerre. Après avoir récemment étendu ses drapeaux et oriflammes dans Genève, Gygi a créé de nouvelles œuvres créées pour l’exposition, dont Lavera, tirage sur aluminium, qui évoque une ambiance au carrefour de Max Max et du raid Gitanes, assorti d’une sourde menace sur l’environnement.
LIVRES
Initiation à Courbet
La queue s’allonge devant le Grand Palais et les livres s’empilent à l’étal du libraire : à en juger sur ces seuls critères, la rétrospective Courbet est bien l’événement attendu. Difficile de s’y retrouver dans l’abondante production éditoriale. Parmi les initiations à Courbet, celle de Manuel Jover se lit aisément. Elle suit le cadre chronologique en scandant les grandes époques (la bohème des débuts, la maturité parisienne pour finir avec l’homme brisé de la Commune et de l’affaire de la colonne Vendôme, exilé en Suisse). Elle est richement illustrée (même si les agrandissements ne sont pas toujours convaincants) et met en avant certains épisodes significatifs : la présentation au Salon des Baigneuses de 1853, le scandale de l’Enterrement à Ornans, la commande de l’Origine du monde (qui se permettrait aujourd’hui de la passer sous silence ?), l’amitié avec Proudhon, le journaliste Castagnary ou le collectionneur Bruyas.
BRÈVES
MADRID – La 31e édition de Feriarte, foire spécialisée dans l’art ancien, rassemble 180 marchands du 17 au 25 novembre au Parc des expositions (Feria de Madrid).
MILAN – Milano International Art Exhibition ou MINT est un salon mêlant antiquaires et galeristes. Il tient sa 2e édition au Castello Sforzesco du 21 au 25 novembre avec une cinquantaine de stands, parmi lesquels De Jonckheere ou Voena.
NEW YORK – Les ventes des 6 et 7 novembre ont apporté leur lot d’enchères spectaculaires. Te Poipoi, un paysage de Gauguin a été adjugé 39,2 millions $ chez Sotheby’s (où plus d’un quart des lots sont cependant restés invendus, dont un paysage de Van Gogh, estimé 35 millions $). Chez Christie’s, L’Odalisque, harmonie bleue a permis à Matisse de battre son record personnel, à 33,6 millions $.
PARIS – Diva, la foire consacrée à la vidéo d’art contemporain et à la création numérique tient sa 3e édition parisienne, du 15 au 18 novembre, dans un lieu inédit, le Louvre des antiquaires, où 15 marchands accueillent des galeries étrangères.
PARIS – Un nouveau magazine de photo-reportage, Polka, est publié sous la direction d’Alain Genestar (ex-directeur de la rédaction de Paris Match). Il est consacré à Périer, Rancinan, Réza, Riboud et Salgado, et couplé à une exposition à l’espace W (44 rue Lepic, 75078).
PARIS – Ancienne fabrique d’instruments de musique puis siège d’un syndicat de travailleurs, la Maison des métallos (94, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011) a été restaurée pour devenir un établissement culturel de la Ville de Paris. Elle a été inaugurée le 7 novembre.
PARIS – La galerie Historismus présente à partir du 15 novembre une partie jamais exposée du corpus d’Eileen Gray : 60 œuvres sur papier (gouaches, collages, photographies).
RENNES – A l’occasion du 20e Goncourt des lycéens, une sculpture monumentale de livres par la plasticienne Alicia Martin a été installée sur la place du Parlement.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
JÜRGEN NEFZGER - DUNKERQUE
DUNKERQUE - Comme elle l'avait déjà fait avec William Eggleston, la ville de Dunkerque a invité un créateur contemporain à donner sa vision de la réalité urbaine. Le photographe allemand Jürgen Nefzger, né en 1968, s'intéresse de près aux paysages des périphéries, qu'il sait humaniser.
ART NOUVEAU - ART DECO - DESIGN
PARIS - Sotheby's propose une vente très diversifiée d'arts décoratifs du XXe siècle. Une section fournie d'Art nouveau fait apparaître les noms de Mucha, Mattes et Carriès tandis que l'Art déco repose sur les valeurs sûres que sont Dupré-Lafon, Chareau, Printz. Une vingtaine de lots de design contemporain serviront à clôre la vente.
FERDINAND HODLER (1853-1918)
PARIS - Le Musée d'Orsay présente la première rétrospective consacrée au peintre suisse depuis celle du Petit Palais en 1983. A côté des paysages de lacs et de montagnes qui ont fait la réputation de ce symboliste aux sources de l'abstraction figurent aussi des portraits et des tableaux d'histoire.
RODIN ET LA PHOTOGRAPHIE
PARIS - Deux cents images tirées du fonds du musée Rodin montrent l'importance de la photographie dans le processus créateur de Rodin. Des photographes de quartier à la star que fut Steichen, nombreux sont les praticiens qui ont suivi son travail, du moulage à l'œuvre achevée.
ST’ART 12e FOIRE EUROPÉENNE D’ART CONTEMPORAIN
STRASBOURG - Principale foire d'art contemporain en France hors de Paris, St'art accueille une centaine de galeries, dont 40% viennent de l'étranger. Espagne et Bénélux sont à l'honneur tandis que la section New Profile est consacrée aux talents émergents.