ArtAujourdhui.Hebdo
N° 69 - du 29 novembre 2007 au 5 décembre 2007
L'AIR DU TEMPS
Un tramway nommé politique ?
NICE – Construire un tramway ou un métro et ne pas l’encadrer d’œuvres d’art, voilà qui semble désormais impensable. Après Paris, après Toulouse, la Communauté d’agglomération Nice Côte d’Azur vient de sacrifier à cette nouvelle tradition. Sur un parcours de 8,7 km, treize œuvres, dues à quatorze artistes, ont été inaugurées en même temps que le tramway lui-même, le 24 novembre. Menée sous la houlette de François Barré, ancien président du Centre Pompidou, la sélection inclut aussi bien des artistes locaux, dont l’emblématique Ben, que des étrangers comme Michael Craig-Martin, et ses fresques murales d’objets de la vie quotidienne, ou le Catalan Jaume Plensa, avec ses « bouddhas » translucides et colorés assis sur leurs colonnes, place Masséna. Elle est également variée dans sa forme, mêlant créations conceptuelles (le filet d’eau Emmanuel Saulnier), sons (les jingles de Michel Redolfi aux arrêts), mises en lumière (Yann Kersalé), interventions architecturales (un décor au marbre et à la feuille d’or par Sarkis) ou sculptures monumentales (le « confessional » de Jean-Michel Othoniel). A quelques mois des municipales, ce chantier d’art deviendra-t-il un argument électoral du maire sortant, Jacques Peyrat, menacé par l’arrivée de Christian Estrosi ? Il vient en tout cas de faire le ménage parmi les adjoints qui se sont déclarés pour son rival, dont ceux de la Culture et des Transports…
MUSÉES
Le New Museum fait peau neuve
NEW YORK - Il ouvre le 1er décembre dans un immeuble conçu par l’agence japonaise Sanaa - celle qui est en charge du Louvre Lens - ressemblant à un empilement de boîtes blanches. Ces six boîtes cachent huit étages où la lumière est dispensée généreusement, et une surface de 5000 m2, abritant des galeries d’exposition et un théâtre de 182 places. Le New Museum, qui se veut un « incubateur » de l’art contemporain, n’est en réalité pas si neuf que ça puisque cette inauguration coïncide avec son 30e anniversaire. Sa fondatrice, Marcia Tucker, qui avait associé son nom à des rétrospectives précoces sur John Baldessari, Keith Haring ou Tony Oursler, est décédée l’an dernier et n’aura donc pas eu le temps de connaître cette nouvelle adresse, dans le bas de Manhattan. La première exposition, sous le titre « Unmonumental », s’attache à une discipline peu en vogue, la sculpture, en présentant le travail de 30 artistes du monde entier, dont Jim Lambie ou Sarah Lucas.
EXPOSITIONS
Toutankhamon est revenu
LONDRES – C’est un marronnier, le plus puissant de tous : quelle exposition, avec un pharaon pour vedette, pourrait bien faire un flop ? Dans le Millennium Dome de Greenwich, dû à Richard Rogers et qui a connu bien des vicissitudes, le nouveau centre d’expositions O2 a décidé de frapper fort pour se faire connaître. Il réédite l’exposition de 1972 sur les trésors de Toutankhamon, qui avait attiré près de 2 millions de visiteurs, record absolu dans la capitale anglaise. C’est du moins son ambition. Les 130 objets proviennent de diverses tombes royales, dont celles d’Amenhotep Ier et de Thoutmosis IV, mais surtout celle du célèbre Toutankhamon, mise au jour par Howard Carter en 1922 : son diadème d’or, les vases contenant ses organes embaumés, son épée d’or, des bijoux, etc. Des objets superbes mais à peine 1% du contenu de la tombe, et pas le célèbre masque mortuaire. Peu importe, la malédiction des pharaons n’est pas à craindre : programmée pour près d’un an, l’exposition devrait avoir pour seul rival, en termes d’affluence, le florilège de guerriers chinois montré au British Museum. Et l’armée des produits dérivés, dont une boîte de kleenex où les mouchoirs sont distribués par la narine du souverain, promet des profils records.
Sous le panache d’Henri IV
PAU – Pourquoi les expositions temporaires n’iraient-elles pas chercher leur matériau dans les réserves mêmes des musées ? Cette proposition est dans l’air du temps, le débat sur l’aliénabilité des collections publiques s’articulant en grande part autour de ces souterrains réputés emplis de trésors. Le château de Pau l’a intelligemment fait, à son échelle, pour faire découvrir une bonne part de sa collection de dessins : 80 feuilles sur les 300 qui ont été assemblées, par don ou par achat, depuis 1945. Penchant local oblige, on y trouve, de la main d’auteurs souvent peu connus (avec quelques exceptions comme Meissonnier ou Fragonard) des paysages avec le château en toile de fond ou des épisodes de la vie du Vert-Galant. L’assassinat d’Henri IV, la signature de la paix avec l’Eglise ou : une autre façon de réviser l’histoire et la biographie du plus populaire des rois de France
Mulas, l’œil des artistes
ROME-MILAN – C’est une « maxi-exposition » que propose le MAXXI, allié avec le Pavillon d’art contemporain de Milan. A eux deux, ils présentent 600 images de Ugo Mulas (1928-1973), un photographe essentiel de l’après-guerre, célèbre en Italie mais qui ne bénéficie pas à l’étranger de la notoriété qu’il mérite. Ami de peintres et sculpteurs, qu’il fréquente dans l’antre de la bohême milanaise, le bar Jamaica, Ugo Mulas les suivra pendant un quart de siècle dans leur travail. Portraits, reportages ou événements comme les Biennales de Venise : de Chirico à Fontana, de Morandi à Manzoni, en passant par Duchamp, Warhol ou Calder, il croquera comme nul autre une tranche d’histoire de l’art, et pas la moindre. Dans le même temps, Mulas renouvellera constamment son approche, s’alimentant des recherches de Robert Frank ou de Lee Friedlander, utilisant la solarisation, les formats géants ou faisant de la planche-contact un outil primordial. A la fin de sa vie, il se lance dans les Verifiche, recherche originale sur la matière même de la photographie, qu’il décline par thématiques - le temps de pose, l’autoportrait, l’agrandissement…
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Tatiana Trouvé : un drôle de bureau
NICE – Elle vient de recevoir le prix Duchamp. Son œuvre, qui est un vrai remue-méninges, à mi-chemin entre la sculpture monumentale et le conceptuel, aurait certainement plu à Marcel… Parmi les influences qui ont marqué Tatiana Trouvé, née en 1968 en Calabre, vivant aujourd’hui à Paris après une enfance à Dakar, figurent aussi bien Georges Pérec que l’artiste italien « dédoublé » Alighiero e Boetti. Autant dire qu’il n’est pas facile
de démêler les fils qui ont donné naissance à son Bureau d’activités implicites, appellation sous laquelle elle reconstruit ou imagine, en idées et en sculptures, sa propre vie - de ses lointains entretiens de recherche d’emploi jusqu’à ses réflexions actuelles sur le statut de l’artiste. Des dessins aux cages et aux récents « polders » – objets volumineux qui envahissent l’espace – l’œuvre de Tatiana Trouvé semble interdire toute tentative de classification…
LIVRES
L’artiste face au paysage
On l’avait déjà connu au temps de l’école de Fontainebleau, ou avec les impressionnistes et l’invention du tube de peinture, mais le mouvement de « sortie des ateliers » prend une tout autre dimension dans les années 1960. Les artistes se confrontent à la nature, pour magnifier ou révéler un site. Par une lecture transversale en thématiques (Formes de l’eau, L’arbre, Serres, théâtres, labyrinthes et fabriques, etc), les auteurs montrent que cet engagement a aussi bien pris des dimensions colossales, héroïques (les Peignes du vent, sculptures en acier rouillé de Chillida, les nids humains de Marina Abramovic, les arbres de granite de Fernando Casás dans le désert de Monegros, les réaménagements de sites miniers par Bruni et Babarit) que minimalistes et conceptuelles (les pavillons de Dan Graham ou les stèles de verre d’Emmanuel Saulnier au cimetière de Vassieux-en-Vercors). L’ouvrage se limite à l’Europe – cela fait déjà beaucoup - et s’achève par des fiches sur les principaux parcs de sculpture, incluant le pionnier Yorkshire Sculpture Park, Kerguéhennec ou la Fattoria di Celle près de Pistoie, en Italie.
BRÈVES
BRUXELLES – Les IMCA (International Museum Communication Awards), qui entendent récompenser les meilleures initiatives en matière de communication des musées, sont décernés le 29 novembre. 83 projets ont été sélectionnés dans 20 pays différents.
GAND – La 26e édition de Lineart, salon de l’art ethnographique, moderne et contemporain, se tient du 29 novembre au 4 décembre 2007.
ROME – La découverte, sous la maison d’Auguste, du Lupercale, la grotte où la louve aurait allaité Romulus et Remus, a été annoncée le 21 novembre.
VENISE – Le 11e Salon des biens culturels se tient du 29 novembre au 1er décembre avec un programme de débats centrés sur la formation. Il accueille la 3e édition de Restaura, le salon de la restauration.
VENISE – La 52e Biennale, qui a fermé le 21 novembre, a reçu 319 322 visiteurs, sa fréquentation la plus élevée du dernier quart de siècle.
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LA PARURE, DE L'ART AU SYMBOLE
CLERMONT-FERRAND - Se fondant sur sa riche collection archéologique, le musée Bargoin étudie la parure des temps préhistoriques jusqu'aux Gallo-Romains. Des pendeloques en os à la fibule en métal et aux chatons de bague en pierres dures multicolores, il s'agit d'un véritable marqueur de l'évolution des sociétés.
TRÉSORS DE SLOVAQUIE ORIENTALE - DU MOYEN ÂGE AU BAROQUE
TOULOUSE - Née de la collaboration avec le musée de Caen et celui de Kosice, qui contient une collection très riche, cette rétrospective entend faire découvrir un art sacré aux marges de l'Europe : celui de la Slovaquie orientale, abondant en retables et sculptures polychromes de saints.