ArtAujourdhui.Hebdo
N° 73 - du 10 janvier 2008 au 16 janvier 2008
L'AIR DU TEMPS
Extension du domaine de la tache noire
LASCAUX – Qui volera au secours de Lascaux? C’est la question que posent en pointillé des experts étrangers, dont certains, comme le Comité international pour la préservation de Lascaux, demandent que la gestion des célèbres grottes soient retirées au gouvernement français. Après avoir victorieusement lutté contre une moisissure blanche au début de ce millénaire, un nouveau système de ventilation semble avoir eu l’effet inverse de celui qui était attendu et avoir favorisé le développement de nouveaux champignons noirs. Les grottes, découvertes en 1940, ne sont plus ouvertes au public depuis 1963 et seuls quelques scientifiques triés sur le volet peuvent y accéder. Depuis le 1er janvier 2008, elles sont totalement fermées pour une durée de trois mois. Une mauvaise nouvelle pour Christine Albanel : le cabinet d’audit chargé d’évaluer les performances des ministres risque de la pénaliser pour cette baisse de fréquentation.
EXPOSITIONS
Beau fixe sur la cote de l'ivoire
LONDRES - Kenneth Thomson (1923-2006), qui n'était pas major mais lord, baron de la presse anglo-saxonne, fut aussi l'un des plus grands bienfaiteurs de la culture canadienne. La galerie nationale de l'Ontario qui dévoilera son nouveau bâtiment en fin d'année 2008, abritera sa collection, estimée à plusieurs centaines de millions de dollars (elle contient notamment le Massacre des innocents, de Rubens, dont l'achat aux enchères avait fait grand bruit il y a quelques années). L'un des volets les plus éclatants de son fonds est exposé à Londres : il s'agit des ivoires médiévaux - chefs-d'œuvre de sculpture qui vont des scènes bibliques aux memento mori (têtes de morts grouillant de vers). Le clou de l'exposition était visible à Paris il y a deux mois. Il s'agit d'un diptyque sur la Passion du Christ provenant de la collection Dormeuil. Lors de sa dispersion, il avait battu un nouveau record pour un objet en ivoire en s'envolant à 4 millions d'euros. On sait désormais qui était l'acheteur...
Retour au bercail
ROME - L’image choisie pour l’affiche est toute symbolique : une statue de marbre du IIe siècle représentant la belle Vibia Sabina. Nièce de Trajan, celle-ci était aussi l’épouse d’Hadrien, un empereur « qui choisit de mettre fin aux conquêtes territoriales de Rome pour se dédier à la gestion de son patrimoine culturel ». C’est ainsi que Louis Godart, conseiller de la présidence de la République italienne, interprète l’œuvre d’art récemment rapatriée au pays. Elle en côtoie 66 autres dans une exposition, ouverte juste avant Noël, qui rassemble les restitutions récemment obtenues de quatre grands musées américains (le Metropolitan de New York, le Getty, les musées des Beaux-Arts de Boston et de l’université de Princeton). Y figurent des chefs-d’œuvre – bustes en marbre, cratères attiques, vases étrusques - que les institutions du Nouveau Monde ont fini par céder en échange d’autres objets prêtés à long terme. Le ministre de la Culture, Francesco Rutelli, se félicite de ces retours et annonce que son pays a de son côté restitué un masque d’or au Pérou et d’autres objets illégalement importés au Pakistan et à l’Iran.
Steichen, côté mode
ZURICH – Ceux qui ont été marqués par l'exposition qui vient de fermer au Jeu de paume, où l’on découvrait la richesse créative d’un photographe trop souvent résumé au pictorialisme de ses débuts, ont droit à une belle prolongation suisse. Le musée de l’Elysée à Lausanne accueille la seconde étape européenne de la rétrospective tandis que le Kunsthaus de Zurich revient sur l’un des pans les plus lucratifs de l’activité d’Edward Steichen (1879-1973), la mode. Après plusieurs allées et venues entre l’Europe et l’Amérique, après avoir aussi bien fait le portrait de Balzac que dirigé des services militaires de photographie aérienne, Steichen répond en 1923 aux sirènes de Condé Nast, qui lui propose de diriger le service photo de Vanity Fair et Vogue. Insoucieux des critiques de ses confrères comme Paul Strand, il n’y voit aucun avilissement de son art et met en scène, dans un style très léché, à l’éclairage savant, aux antipodes de sa première époque, les modèles des grands couturiers. Les 180 tirages exposés sont tous des originaux et permettent de rendre hommage à un autre art, celui du développement.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Daniel Buren, Hors les Murs Courtesy galerie Kamel Mennour
La bande à Buren
PARIS – Dans l’esprit du grand public, voilà un artiste qui a réussi à faire corps avec son motif obsessionnel, la bande. D’une largeur constante – 8,7 cm – il l’a apposée sur des palissades urbaines (dans les années 60), dans des happenings restés célèbres (comme celui de 1967 à Paris avec ses collègues Mosset, Parmentier et Toroni), au cœur du Guggenheim (suscitant un beau scandale en 1971), jusqu’au Palais-Royal où son installation Deux Plateaux, connue comme les « colonnes de Buren »,
a diffusé son nom dans toutes les couches de la population (1986). Lion d’or à la Biennale de Venise la même année, Buren a admis dans sa pratique artistique d’autres couleurs que le noir et blanc, d’autres formats que la bande verticale. L’exposition de Beaubourg en 2002 a fait mieux connaître son concept de « cabane éclatée », où des éléments d’un cube de base – une fenêtre carrée par exemple – se trouvent projetés sur une paroi adjacente. Ce jeu d’expansion dans l’espace trouve une nouvelle expression à la galerie Kamel Mennour, qui inaugure à cette occasion un nouvel espace dans un hôtel particulier de la rue Saint-André-des-Arts.
MARCHÉ
Sotheby's rattrape Christie's
NEW YORK - Selon l'analyste financier George Sutton de Craig-Callum Capital Group, cité par l'agence Bloomberg, Sotheby's devrait cette année se hisser au niveau de sa rivale Christie's en termes de volume de vente, après avoir été devancée en 2005 et 2006. Malgré une soirée catastrophique en novembre, qui vit son action dévisser après qu'un paysage de Van Gogh eut été ravalé, l'auctioneer a réalisé un chiffre d'affaires de 6 milliards de dollars, comparable à celui que devrait prochainement annoncer Christie's. Une part significative - près de 10% - est désormais le fait de ventes privées (l'exemple le plus significatif étant l'achat en bloc, à l'automne dernier, de la collection Rostropovitch par l'oligarque russe Alisher Usmanov). Sur le marché français, Sotheby's marque une belle progression, dépassant pour la première fois la barre des 100 millions d'euros (119 millions). Elle reste cependant loin derrière sa concurrente, qui a vendu pour 185,9 millions d'euros, signant au passage 101 records du monde sur la place parisienne.
LIVRES
Somptueuse parenthèse moghole
Voilà un livre d’art ancien et qui peut pourtant être lu en prolongement de l’actualité : il décrit en effet les chefs-d’œuvre des Moghols, une dynastie venue d’Ouzbékistan, qui lia de 1526 à 1868 les destins de l’Inde et le Pakistan. Pour preuve, les principaux monuments de ces princes musulmans se trouvent aussi bien à Delhi et Agra qu’à Lahore. Après une brève introduction historique qui rappelle les hauts faits de Babur, Akbar, Aurangzeb et de leurs descendants, de la conquête du Deccan jusqu’à l’épilogue de la révolte des Cipayes, l’auteur a préféré une approche thématique. Plutôt que d’énumérer des sites, il aborde l’art moghol sous les angles de la géométrie, de la calligraphie, des fleurs, des animaux. L’octogone et le chevron (symboles du Paradis), les versets du Coran, la tulipe ou le chameau de Bactriane s’impriment aussi bien dans la forme des jardins que dans le poignées de dagues, dans les reliefs de grès rouge que dans les objets de jade blanc. Cet ouvrage, directement traduit de l’indien, rappelle que derrière le Taj Mahal et les enluminures, l’art moghol a pris de nombreuses autres formes, toutes caractérisées par une extraordinaire finesse décorative.
BRÈVES
ALBI - Dans le cadre de sa restructuration, le musée Toulouse-Lautrec a fermé pour trois mois, jusqu'à la fin mars.
MOSCOU - Le plus grand édifice du monde sera construit à Moscou : le projet de Norman Foster, intitulé "Ile de cristal", a été approuvé par les autorités. Ce bâtiment de 500 mètres de haut en forme de chapeau de clown, abritera, à son achèvement en 2012, des milliers d'appartements et de chambres d'hôtel, trois théâtres et des bureaux.
NEW YORK - Selon une information révélée par la journaliste Lee Rosenbaum, la statue antique en bronze d'Artémis et le cerf, provenant du musée Albright-Knox de Buffalo et vendue au prix record de 25 millions $ en juin dernier, a été très discrètement intégrée aux collections du Metropolitan Museum. Par ailleurs, le directeur du musée depuis trois décennies, Philippe de Montebello, a annoncé qu'il prendrait sa retraite à la fin de l'année.
PARIS - Depuis le 1er janvier et pour une période test de six mois, 14 musées nationaux français ont institué l'entrée gratuite.
La liste des musées et les objectifs fixés par la ministre de la Culture
PRAGUE - L'architecte Jan Kaplicky est le lauréat du concours pour le nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale tchèque. Son projet, intitulé "la Pieuvre" par ses opposants, est une forme biomorphique colorée.
ROUEN - La polémique qui oppose la mairie de Rouen, qui souhaite restituer à la Nouvelle-Zélande une tête maori momifiée, et le ministère de la Culture, a pris une nouvelle dimension. Devant le veto du tribunal administratif, l'adjointe à la Culture de la ville, par ailleurs sénatrice du Modem, Catherine Morin-Desailly, a annoncé qu'elle allait déposer une proposition de loi portant sur la restitution de restes humains.
STRASBOURG - Le dernier né des Zénith - salles de spectacles dans différentes villes de France - a été inauguré début janvier dans la capitale alsacienne. Il est dû à l'architecte italien Massimilano Fuksas.
Description détaillée du Zenith sur le site de Massimiliano Fuksas
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
AICHA HAMU ET STEPHANE STEINER
MOUGINS - Le musée de la Photographie André Villers poursuit son exploration de la jeune création avec son programme Signer sans voir, qui propose à des plasticiens de s'exprimer dans un medium qui n'est pas le leur. L'œuvre présentée, Requiem for Restless, est le fruit d'une collaboration entre Aïcha Hamu et Stéphane Steiner.