ArtAujourdhui.Hebdo
N° 76 - du 31 janvier 2008 au 6 février 2008
L'AIR DU TEMPS
Objectif Chine
La Chine, dernièrement, c’est un peu le Graal et sur le marché de l’art peut-être davantage encore que dans d’autres secteurs. Les artistes contemporains chinois, qui étaient d’illustres inconnus il y a quelques années, ont aujourd’hui des cotes qui ne peuvent se comparer qu’à celles de Damien Hirst et autres superstars, reléguant loin derrière leurs homologues français. Parmi des maisons françaises qui ont, elles aussi, plutôt perdu la main face aux multinationales anglo-saxonnes, Artcurial vient de se distinguer en tenant la première vente d’un auctioneer étranger en Chine continentale (Christie’s et Sotheby’s sont solidement établies à Hong Kong). Le 20 décembre dernier, à Shanghai, Artcurial China a vendu la quasi totalité des lots de sa première vacation (71 lots sur 72) pour 5,7 millions d’euros, au-delà de l’estimation haute. Le record est allé à Artist with beauties, un autoportrait de Chen Yifei (1946-2005), parti à 2,2 millions d’euros. Si Eric Besson devait, outre les ministres, noter les commissaires-priseurs, Artcurial aurait un très bon point : pour le prestige d’une grande première internationale et pour sa contribution à la réduction du déficit commercial pharaonique de la France avec la Chine, qui a atteint près de 20 milliards d’euros en 2007.
MUSÉES
La donation faite à Matisse
LE CATEAU-CAMBRÉSIS – Le musée Matisse, ouvert en 1952, s’est largement enrichi grâce aux dispositions testamentaires d’Alice Tériade (1917-2007). Veuve du grand éditeur Tériade, à qui l’on doit notamment la célèbre revue « Verve », elle a en effet légué au musée la collection que possédait le couple. De décennies de rapports avec les plus grands créateurs du XXe siècle, il devait nécessairement rester un témoigagne substantiel. A la réouverture du musée, en 2002, ce fut un ensemble de livres d’artistes qui intégra les collections. Aujourd’hui, avec la seconde partie de la donation, ce sont 39 œuvres fortes de l’art moderne, dont des sculptures : la Grande Femme III de Giacometti, la Lune de Laurens, Ubu de Miró. Mais aussi et surtout les éléments conçus par Matisse lui-même pour la villa méditerranéenne de son ami : un vitrail, les Poissons chinois, et une composition en céramique, le Platane. Le Cateau-Cambrésis redevient un point fondamental de tout pèlerinage Matisse, et pas seulement pour avoir été la ville natale de l’artiste.
EXPOSITIONS
Paulin, 80
PARIS – L’obsolescence sied bien au design et l’on devient vite un dinosaure : beaucoup de fanatiques de Starck et des frères Bouroullec ne doivent même plus réagir à la mention des noms de Paulin ou Tallon. Il s’agit pourtant de leurs alter ego des générations précédentes. Si Tallon est sauvé de l’oubli par son escalier en pales d’avion et par le TGV, qu’il a contribué à dessiner, la postérité est sans doute moins généreuse pour Pierre Paulin, aujourd’hui âgé de 80 ans. Ce dernier a pourtant aidé à définir le style des palais de la République, contribuant, par l’intermédiaire du Mobilier national, à l’équipement du Louvre et de l’Elysée en meubles colorés, aux formes souples. De la chaise Ribbon au bureau de François Mitterrand, du fauteuil Tulip aux tapisseries, c’est plus de 50 ans de carrière qui sont mis en scène par le designer lui-même, toujours actif : sa dernière création, qui est présentée dans l’exposition, date de 2007.
Cai Guo Qiang sent la poudre
NEW YORK – Il faudra bien se faire à son nom imprononçable : Cai Guo Qiang (né en 1957) est désormais une valeur sûre de l’art contemporain : un ensemble de 14 dessins de sa main s’est vendu pour la bagatelle de 5,7 millions d’euros chez Christie’s Hong Kong le 25 novembre dernier ! Il est par ailleurs l’ordonnateur du volet artistique des Olympiades de Pékin l’été prochain. La rétrospective qui ouvre au Guggenheim vient donc à point nommé pour rappeler la trajectoire météoritique de l’ancien décorateur de théâtre de Shanghai, résident au Japon à partir de 1985, puis à New York depuis une décennie, Lion d’or à la biennale de Venise en 1999. On y verra ses installations monumentales dont Innoportune, Stage One, avec ses voitures suspendues au plafond dans des amas de bambous. Et les feux d’artifice, dont il s’est fait une spécialité ? Ils seront présents et potentiellement mortels sous la forme d’un livre d’artiste intitulé Danger Book. Suicide Fireworks, tiré à 9 exemplaires. Une version actualisée de Suicide mode d’emploi : il suffira de tirer sur une amorce pour faire exploser la poudre contenue dans le livre et disparaître dans une gerbe de feu. Les responsables du Guggenheim ont pris toutes les précautions pour éviter qu’un original réalise la performance sur place…
Sur les traces de Pintoricchio
PÉROUSE – Pour ceux qui lisent l’italien, son nom n’annonce rien de bon : Pintoricchio (1456-1513), c’est le « petit peintre ». Autrement dit, un tâcheron qui se serait essayé à imiter les plus grands, selon le jugement sans appel de Vasari. Avoir été le maître de Raphaël ne devrait-il pas suffire à sa gloire ? La Galleria nazionale dell’Umbria, dans son beau palais des Prieurs récemment restauré, veut montrer que le grand peintre local (avec Le Pérugin) mérite le déplacement, pour sa richesse chromatique, son talent de miniaturiste ou la fraîcheur de ses scènes religieuses. Des tableaux et dessins restés sur place – le retable de Santa Maria de’ Fossi - ou venus du monde entier – comme une Vierge à l’Enfant, récemment achetée par la Caisse d’Epargne de Pérouse - replacent le peintre dans l’art de son temps. Cependant, pour lui comme pour ses contemporains, une exposition en salle ne peut être que fragmentaire. Pintoricchio a en effet travaillé, a fresco, à la chapelle Sixtine, à la bibliothèque Piccolomini de Sienne et, en Ombrie même, dans l’église Sant’Andrea de Spello (avec le cycle Baglioni sur la vie de la Vierge), dans les cathédrales de Spolète et d’Orvieto, à Trevi, à Città di Castello… Un excellent fil rouge pour découvrir l’une des plus belles régions d’Italie.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Le cirque Gosselin, courtesy galerie Daniel Templon, Paris. Photo B. Huet/Tutti.
Gérard Garouste sur tous les tableaux
Une peinture résolument figurative, sorte de croisement entre Chagall, Delvaux et Baselitz. Des personnages dans des postures impossibles, les membres disjoints, dans des décors bourgeois (avec radiateurs, buffets et tapisseries) ou intemporels (un puits, un chemin avec un âne, un porche d’église). L’art de Gérard Garouste (né en 1946), par sa dimension allégorique, est un puissant stimulant aux commentaires et aux interprétations. L’artiste lui-même aime varier ses modes d’expression :
il peut construire de grandes toiles avec des personnages (à voir actuellement chez Templon ses souvenirs de famille), illustrer Don Quichotte ou se plonger dans la création théâtrale. Ce qu’il fait actuellement, au théâtre du Rond-Point, avec une pièce librement inspirée du Quart-Livre de Rabelais, où il tient la vedette à côté de Denis Lavant.
LIVRES
Images d'un marché flottant
Le marché de l’art va mal, le marché de l’art est en crise, le marché de l’art se reprend. Les analyses portant sur ce corps insaisissable ne vont souvent guère plus loin. Il n’est donc pas inutile de se reposer, de temps en temps, la question : qu’est-ce que le marché de l’art, comment s’est-il formé, quels sont les facteurs qui influent sur son évolution ? C’est un peu l’exercice auquel s’est astreint Xavier Greffe – de l’art pariétal à nos jours - en montrant le passage de l’artiste à l’artisan, l’apparition de nouveaux consommateurs par le biais des Salons, la commande publique puis le désengagement progressif de l’Etat, l’utilisation de l’art pour d’autres fins qu’esthétiques (éducatives, médicales, etc), pour aboutir au développement récent du tourisme culturel, qui s’exprime dans une consommation effrénée de biens, d’images et d’émotions standardisés. La conclusion est plutôt sombre : à l’exception de quelques superstars planétaires, les bénéficiaires de l’explosion du marché sont les intermédiaires, voire les consommateurs, mais pas les artistes eux-mêmes. Dans leur corporation, la figure romantique du créateur bohème et désargenté est plus que jamais d’actualité.
BRÈVES
FRANCHEVILLE - Le Fort du Bruissin, construit entre 1878 et 1881 au sud-est de Lyon, a été transformé en centre d'art contemporain. Il est inauguré le 4 février avec les expositions consacrées à Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Veit Stratmann et Benjamin Hochart (ouverture au public à partir du 8 février).
GRENOBLE - La 3e édition de la foire Arténim se tient du 1er au 4 février avec 80 galeries de France et de l'étranger.
LONDRES - Francis Bacon, qui a pulvérisé ses records l'an dernier, revient sur le devant de la scène le 6 février chez Christie's, avec un grand Triptych de 1974-77 consacré à la mort de son compagnon George Dyer. Les 4 et 5, ce sont quinze œuvres d'Egon Schiele qui seront proposées, en provenance de la Neue Gallerie de New York, dont trois nus, estimés chacun à plus de 2 millions €.
NEW YORK - Le New York Times annonce que les mythiques valises contenant de nombreux négatifs, perdues en 1939 par le photographe Robert Capa, ont été retrouvées chez un général mexicain. Elles seraient aujourd'hui en possession de l'International Center for Photography.
PALM BEACH – La Palm Beach International Antique Fair accueille une centaine d’antiquaires et de galeries, dans les secteurs de la peinture, du mobilier et des arts décoratifs, du 1er au 10 février.
PARIS - Guy Cogeval, ancien directeur du musée des Beaux-Arts de Montréal, a été nommé président du musée d'Orsay, en remplacement de Serge Lemoine, atteint par la imite d'âge. Il prendra ses fonctions le 7 mars 2008.
PARIS - Sotheby's annonce la vente le 20 mai du manuscrit du Manifeste du surréalisme, un texte de 21 pages écrit par André Breton en 1924. Il est estimé entre 300 000 et 500 000 €.
PARIS - L'exposition Arcimboldo au musée du Luxembourg a reçu 430 000 visiteurs entre le 15 septembre 2007 et le 13 janvier 2008.
PARIS – La Cité de l’architecture présente, jusqu’au 10 février, « Les Lumières de la Cité », une illumination nocturne de la galerie des moulages.
PARIS - L'Admical (Carrefour pour le mécénat d'entreprise), a un nouveau président : Guillaume Pepy, directeur général de la SNCF, remplace Jacques Rigaud, fondateur de l'association en 1979.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
VOILES ANCIENNES DU BANGLADESH
PARIS - Le Musée national de la Marine présente une série de maquettes de bateaux traditionnels des grands fleuves du Bangladesh et du golfe du Bengale. Ces pièces ont été créées à l'initiative de l'association Friendship, qui a fondé sur place un musée pour sauver ce patrimoine en voie de disparition.
CHARLOTTE PERRIAND ET LA MONTAGNE
CHAMBERY - Grande figure de l'architecture et du design du XXe siècle, Charlotte Perriand (1903-1999) a notamment travaillé aux côtés de Le Corbusier et de Prouvé. Elle-même montagnarde, elle a joué un rôle de premier plan dans la genèse des stations de montagne des Arcs et de Méribel.