ArtAujourdhui.Hebdo
N° 77 - du 7 février 2008 au 13 février 2008
L'AIR DU TEMPS
Le Louvre des années vingt
PARIS – Asphyxié par son succès : c’est la situation paradoxale du musée du Louvre. Conçu lors de sa grande mue de la décennie 1980 pour accueillir quelque 5 millions de visiteurs, il en reçoit actuellement plus de 8 millions. Le contrat du Louvre Abou Dhabi apparaît dans ce contexte comme une véritable manne. Les 400 millions d’euros qu’il va générer vont être largement utilisés dans le plan de développement « Louvre 2020 », tel qu’il a été exposé cette semaine par la ministre de la Culture, Christine Albanel. 2010 : inauguration du nouveau département des arts de l’Islam et ouverture du Louvre Lens. 2011 : nouveau centre de réserves et de restauration en Ile-de-France et nouvelles salles pour le mobilier du XVIIIe siècle. 2012 : rénovation du circuit des collections étrusques et romaines. 2015 : espace muséal « inédit » d’éducation populaire dans le pavillon de Flore. 2018 : nouvelles salles de peintures anglaises et françaises des XVIIe et XIXe siècles et achèvement de la rénovation du jardin des Tuileries. 2020 : nouveau circuit archéologique dans le pavillon Sully. Un calendrier chargé mais qui a le mérite d’une vision à moyen terme : à juger sur pièces.
EXPOSITIONS
Modigliani et ses montparnos
MADRID – Son existence brève et tourmentée lui a assuré une place dans le panthéon des artistes maudits. Mais Modigliani (1884-1920), à son époque, n’était pas le seul à vivre la bohème et pour évoquer son œuvre, le musée Thyssen-Bornemisza a jugé bon de la confronter à celle de ses compagnons : Kisling, Pascin, Soutine, qui ont tous eu, à des degrés divers, une fin tragique. Réunissant 130 œuvres, la rétrospective est distribuée en deux lieux : le musée Thyssen et la fondation Caja Madrid, selon des critères parfois ambigus. Le premier fait le point sur les influences qui l’ont marqué, sur ses sculptures, sur sa production de nus couchés et de portraits. A Caja Madrid, on trouve également ses nus (mais debout) et des portraits plus tardifs (1917-18) ainsi que des dessins. Des photographies y évoquent aussi l’ambiance de ce Montparnasse des années 1910, entre Belle Epoque, privations et Années folles.
En rire ou pas
LONDRES – L’art doit-il faire rire ? Le rire est-il un langage universel ? Les artistes contemporains ont-ils de l’humour ? On peut répondre partiellement à quelques-unes de ces questions en parcourant la nouvelle exposition de la Hayward Gallery. Sous l’intitulé « Rire dans une langue étrangère », elle réunit quelque 70 œuvres, dont une bonne proportion de vidéos et d’installations, d’une trentaine d’artistes du monde entier, de Makoto Aida (Japon) à Jun Yang (Chine). On retrouve dans le lot quelques spécialistes du gag ou de la dérision comme Doug Fishbone ou Ugo Rondinone, ou des spécialistes du déguisement comme Cao Fei. Certains critiques, comme Adrian Searle du Guardian – et ils avancent de bonnes raisons -, affirment avoir traversé l’exposition sans rire une seule fois. C’est peut-être le plus drôle…
Rassemblement de Bill
WINTERTHUR – Pour fêter le centenaire de la naissance de Max Bill, artiste abstrait, designer et architecte formé au Bauhaus, deux musées de sa ville natale ont uni leurs efforts. Au Kunstmuseum sont exposés les tableaux, dessins et sculptures. Parmi ces dernières, colonnes, sphères ou anneaux en granite ou métal, beaucoup n’ont jamais été vues car provenant des collections de la famille. Au Gewerbemuseum (musée des Arts décoratifs), c’est le volet architecture et design qui est mis en avant, avec de nombreux dessins et objets, notamment les productions réalisées dans le cadre de « l’Ecole d’Ulm », à qui l’on doit l’indémodable emblème de la Lufthansa. Tasses, assiettes, lampes, vases et meubles montrent l’imposante production d’un artiste qui fut aussi un professeur et un meneur d’équipe émérite.
MARCHÉ
Arco passe la barre des 300
MADRID - Elle est en passe de devenir la foire la plus fournie du monde : pour sa 27e édition, ARCO accueille près de 300 galeries du monde entier (34 pays représentés, avec le Brésil en invité d'honneur). Un nouveau département est consacré au plus jeune art contemporain (ARCO40) tandis que les organisateurs confirment la mainmise espagnole sur la performance : après le festival récemment tenu au musée Reina Sofía, on trouvera ici une section spécifique pour voir l'art qui se fait (PerformingARCO). Il sera en l'occurrence un quasi-monopole des Brésiliens (galeries Vermelho, Razuk) et des amphitryons (galeries Horrach Moya ou Luis Adelantado). Alors que le marché de l'art s'interroge dans le monde, en Espagne l'ambiance est plutôt au beau fixe : Artprice place désormais l'Espagne parmi les dix premières places mondiales. Par ailleurs, une enquête du Banco de Espana sur les ménages montre que l'achat d'oeuvres d'art est devenu le troisième investissement privilégié des Espagnols après la pierre et les produits financiers : 19,3 % de la population le pratique.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Misbah (détail), 2006-2007, lampe en cuivre, chaîne métallique, ampoule et système électrique de rotation. 60 x 30 x30 cm Courtesy de l1artiste & galerie Chantal Crousel Crédit photo: Graham Waite
Mona Hatoum : le noir pays de mon enfance
Les souvenirs d’enfance entremêlés aux grands événements qui secouent l’univers dans lequel on vit : ce pourrait être un résumé de Persépolis, le film autobiographique de Marjane Satrapi. C’est aussi ce qui sous-tend l’œuvre de Mona Hatoum. L’exil et la guerre ont marqué de l’œuvre de l’artiste, Palestinienne née au Liban en 1952, où le recours à des matériaux très variés et parfois éternellement mouvants, comme le sable, aident à souligner la futilité de toute chose. D’un mobil-home, où les fils à étendre le linge se heurtent aux barricades, aux lanternes
magiques, où les découpages géométriques sont remplacés par des profils de soldats armés, ses six installations à la galerie Chantal Crousel sont lourdement chargées de géopolitique.
LIVRES
Un architecte se penche sur Vauban
Le volume part avec de très grandes ambitions : porter « au milieu de la multitude d’articles et de livres, d’expositions et de rétrospectives » motivées par le tricentenaire du grand fortificateur, un « regard différent ». L’iconographie (les sites mais aussi une carte des voyages de Vauban ou des planimétries d’ouvrages mises à la même échelle) est intéressante. On apprend beaucoup, de l’angle des talus (40°) au choix par Vauban d’une véritable charte graphique (les projets de couleur jaune, les éléments réalisés en rouge). Mais l’on ne peut parler de relecture révolutionnaire même si la partie finale est originale, qui traite de l’influence de Vauban sur l’architecture actuelle, une réflexion menée dans le cadre de l’agence AAPP de l’auteur. Et un obstacle rend la lecture aussi ardue que la prise du bastion de Neuf-Brisach : un caractère d’imprimerie tellement clair que l’on a du mal à le distinguer du blanc de la page. Vauban aurait apprécié cet exemple réussi de mimétisme défensif.
BRÈVES
BARCELONE - Le Gouvernement catalan, la Municipalité de Barcelone et la Fondation MACBA unissent leurs efforts pour donner un nouvel élan au MACBA, Museu d'Art Contemporani de Barcelone. Un concours international est lancé pour le recrutement de son directeur. Les dossiers de candidature sont reçus jusqu'au 15 mars prochain.
COPENHAGUE - La Bibliothèque nationale du Danemark a fait savoir qu'elle était intéressée par l'acquisition des dessins humoristiques sur Mahomet, dont la parution dans la presse avait fait scandale il y a deux ans.
ISSOUDUN - Le musée de l'Hospice Saint-Roch a reconstitué le salon de l'appartement parisien de l'artiste Leonor Fini (1908-1996), avec son mobilier Art nouveau. Il est exposé à partir du 8 février.
LONDRES - Norman Rosenthal, directeur des expositions de la Royal Academy, à qui l'on doit des rétrospectives à grand succès depuis trois décennies, a décidé de quitter l'institution pour devenir commissaire indépendant.
PARIS – Le Museum d’histoire naturelle a ouvert au public le 1er février l’hôtel particulier de Magny. Situé rue Buffon, il abrite une histoire du jardin et des expositions tournantes des célèbres vélins.
PARIS – L’Arc de Triomphe propose à partir du 12 février une nouvelle scénographie de ses espaces intérieurs, confiée à Maurice Benayoun et Christophe Girault.
PARIS – Le Goethe Institut présente du 7 février au 29 mars une exposition de 50 photographies originales d’August Sander, la première organisée à Paris depuis 1980.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
Eros et Thanatos dans l'œuvre symboliste de Gustav Adolf Mossa
EVIAN - Peintre symboliste très marqué par la littérature, Gustav Adolf Mossa (1883-1971), qui fut aussi conservateur du musée des Beaux-Arts de Nice, mérite d'être redécouvert. Son univers étrange, onirique et chargé d'humour, mêlant monstres, femmes tentatrices et saints personnages, est présenté au palais Lumière.