ArtAujourdhui.Hebdo
N° 81 - du 6 mars 2008 au 12 mars 2008
L'AIR DU TEMPS
Musée d’Offay
Nous reconnaissons avoir bassement plagié The Guardian pour le titre. Le jeu de mot était trop beau… et explicite. Grand marchand d’art moderne et contemporain, ayant pignon sur rue à Londres jusqu’au début des années 2000, Anthony d’Offay a accumulé une gigantesque collection de plus de 700 œuvres. A 68 ans, il vient d’accorder un legs qui rentre dans l’histoire : ces pièces vont être cédées conjointement à la Tate Gallery (Londres) et à la National Gallery of Scotland (Edimbourg). Non pour la valeur qu’elles ont acquise, qui flirte avec les 200 millions d’euros, mais pour le prix que d’Offay a déboursé au moment de leur acquisition, soit à peine 20% du total. Un geste spectaculaire que le président de la Tate, Nicholas Serota, compare à rien moins qu’à celui du fondateur de l’institution, Sir Henry Tate. Vont ainsi entrer des ensembles complets de Mapplethorpe, Diane Arbus, Andy Warhol, Damien Hirst, Anselm Kiefer, le stock le plus spectaculaire étant composé d’une centaine de Beuys. Il faudra patienter jusqu’à 2009 pour accéder à ces œuvres qui ne seront pas toutes laissées en résidence à Londres et Edimbourg mais amenées à traverser le pays pour des escales dans des musées régionaux.
La description du legs sur le site de la National Gallery of Scotland
MARCHÉ
TEFAF à tout prix
MAASTRICHT – Plus de 2% du montant annuel des transactions d’œuvres d’art se feraient en 10 jours au salon hollandais TEFAF. Autant dire qu’être accepté dans ce saint des saints, pourtant installé dans un palais des congrès sans âme, est la ligne d’horizon d’innombrables antiquaires et galeristes internationaux. Cette année, quelques places vacantes dont celle de la New-Yorkaise Salander O’Reilly, aux prises avec des ennuis judiciaires, ont vite été attribuées. On note l’arrivée de Haunch of Venison, désormais membre du groupe Pinault, ou du Parisien Boulakia. Pour donner de l’espoir aux jeunes pousses, une section spéciale a été instituée, le Showcase, qui en accueille sept, dont le spécialiste de la photographie Serge Plantureux. Pour les visiteurs, TEFAF reste une incomparable vitrine des merveilles, présentées en 227 stands, des figurines yéménites en pierre d’Axel Vervoordt aux maîtres expressionnistes de Krugier. A condition de s’acquitter d’un tarif d’entrée conçu pour éloigner les badauds sans fièvre acheteuse : 55 €.
EXPOSITIONS
Elégies romanes
BARCELONE – Qui s’en souvient du côté de chez nous ? En 1907, une mission curieusement intitulée « archéologique-juridique » passait au peigne fin l’arrière-pays catalan, à la frontière de l’Aragon. De cette année est généralement datée la prise de conscience de la richesse de l’art roman de Catalogne. Parmi les manifestations organisées pour le centenaire de cet événement, une exposition comparative met en regard les productions sculptées de cet âge d’or, au milieu du XIIe siècle (sous le règne de Ramon Berenguer IV, comte de Barcelone) avec ce qui se créait dans deux autres régions de pointe : le Languedoc toulousain et la Toscane pisane. Une centaine de bas-reliefs, d’autels, de sarcophages, de chapiteaux, provenant de collections françaises, italiennes, américaines ou anglaises, sont réunis avec, pour point d’orgue, le tympan du maître de Cabestany. On passe sans transition du très ancien à l’ultra-moderne : les prouesses de l’imagerie virtuelle servent à reconstituer le portail du monastère de Ripoll.
Un avant-goût de Bacon
MILAN – Le centenaire de sa naissance, en 2009, donnera lieu à plusieurs grandes expositions à New York, Londres et Madrid. Le Palazzo Reale les prend de vitesse en organisant une rétrospective dédiée à Francis Bacon (1909-1992), qui parcourt l’ensemble de sa carrière, des dessins des années 1930 jusqu’aux grands triptyques des années 1970. Sont présents les Têtes de l’après-guerre et les portraits des amis Henrietta Moraes, Isabel Rawthorne et de son amant George Dyer, qui se suicida à Paris à la veille d’une autre grande rétrospective. Sur leur terre, les papes sont bien évidemment à l’honneur : il s’agit des célèbres variations sur l’Innocent X de Vélasquez, que Bacon tenait pour l’un des plus extraordinaires tableaux de l’histoire. Les 80 œuvres présentées proviennent de musées du monde entier – d’Aberdeen à Canberra, de Zurich à Dublin ou Denver - ce qui constitue un petit tour de force : Bacon est devenu le plus cher de l’après-guerre et les assurances représentent un investissement très lourd.
Tous les chemins mènent à Babylone
PARIS – Sémiramis, la tour de Babel, Nabuchodonosor, les douze mois de l’année, les jardins suspendus, l’épopée de Gilgamesh : elle a donné naissance à tout cela. Il ne reste aujourd’hui plus grand chose de Babylone (le site de fouilles de Tell Babil, dans l’Irak actuel) mais son poids dans l’histoire a peu d’équivalents. Du haut de ses 50 siècles, elle continue de fasciner et l’exposition que le Louvre lui consacre, avec plus de 400 objets provenant de grands musées du monde, a toutes les chances d’être très fréquentée. Qu’y voit-on ? En trois sections – la ville historique, sa fortune critique, sa redécouverte – défilent des stèles de pierre, des bas-reliefs en terre cuite, des statuettes en cuivre et or, des panneaux de briques glaçurées, des livres bibliques, un tableau de Bruegel sur la tour de Babel ou des gravures de John Martin. Pour se persuader de la persistance du mythe, on pourra visionner à l’auditorium Intolerance, le grand film muet de D. H. Griffith.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Denis Roche, 20 juillet 1994, Sant'Alessio, courtesy Le Réverbère
Denis Roche : autobiographie en photo
Personnage aux intérêts multiples, Denis Roche (né en 1937) a participé à la revue Tel Quel dans les années soixante puis a dirigé des collections aux éditions du Seuil. Il a fondé en 1980 les Cahiers de la photographie et largement écrit sur ce medium : c’est un excellent regardeur de photographies. Mais Denis Roche est également faiseur de photographies : il a pris son temps pour le faire savoir, n’exposant ses clichés qu’à l’abord de la quarantaine. L’exposition qu’il présente au Réverbère s’intitule simplement « Quarante photographies inédites » : images d’une chaise dans une pièce, d’une chambre à l’Atlantic hôtel de La Rochelle, d’un corps nu sous
les papiers peints, d’une sieste à Mérida. Moments volés, ou sauvés, d’une vie, qui, alignés, composent comme une autobiographie en pointillés.
LIVRES
Alechinsky à la lettre
C’est le catalogue qui accompagne la belle exposition aux Musées royaux des beaux-arts, à Bruxelles. C’est aussi un testament spirituel : la première partie de l’ouvrage est une chronologie rédigée par l’artiste lui-même. Dans cet « egochrono », Pierre Alechinsky, qui préfère se nommer P. A., détaille ses 80 années de vie et de création, depuis sa naissance le 19 octobre 1927 à 21h30. Défilent les amitiés, des membres de Cobra à Walasse Ting, les voyages et les différentes phases artistiques. On est frappé par la continuité de certaines pratiques comme le travail sur des imprimés anciens – cartes ou devoirs d’écoliers du XVIIIe siècle – qu’il commence en 1948 et n’a visiblement pas clos, ou l’approche calligraphique. Dans la seconde partie, Michel Draguet analyse les constantes de l’œuvre de P. A. : l’influence de l’Orient, l’eau, le cercle, les remarques marginales (ces bordures qui ressemblent à des prédelles de la Renaissance). On s’arrêtera au milieu de la lecture pour une excellente récréation : le « Test du titre » y est reproposé en version intégrale. A la demande de P. A., 61 « titreurs d’élite » avaient accepté de donner un nom à l’une de ses œuvres. De Karel Appel à Jan Voss, en passant par Italo Calvino et François Truffaut, c’est un monumental et cocasse cadavre exquis. «
BRÈVES
AMSTERDAM – Selon une information transmise par Bloomberg, le Rijksmuseum, fermé depuis décembre 2003 pour des travaux qui devaient durer sept ans, ne rouvrira pas avant 2013. L’Etat néerlandais va organiser un nouvel appel d’offres pour l’une des tranches du chantier.
COPENHAGUE - La fondation Henning Larsen organise un concours de dessins d'architecture, ouvert à tous.
DUBAI - La première vente organisée à Dubai par Bonhams a plus que doublé l'estimation de départ avec 13 millions $ de produit vendu. Le tableau Love, du peintre iranien Farhat Moshiri, a dépassé la barre symbolique du million de dollars.
LE MANS – Le festival de l’image « Les Photographiques » fête son 30e anniversaire lors de son édition 2008, du 8 au 30 mars, avec des expositions dans 8 lieux de la ville, du palais des congrès à l’hôpital.
LONDRES – La vente Sotheby’s d’art contemporain du 27 février a rassuré les observateurs. Elle a en effet établi un nouveau record en Europe avec un produit de 95 millions £. Elle a été marquée par de nombreux records, dont le plus spectaculaire est à mettre au crédit de Lucio Fontana pour la Fine di Dio, emporté à 10,3 millions £ (13,7 millions €).
MADRID – Le dallage des nouvelles salles du musée du Prado, inaugurées à la fin 2007, présente des malfaçons. La direction a annoncé qu’elles allaient être progressivement substituées.
NEW YORK – Thomas Krens, à la tête de la galaxie Guggenheim depuis vingt ans et à qui a été l’inspirateur du Guggenheim Bilbao, a annoncé qu’il quittait son poste de directeur. Il continuera à conseiller l’institution pour un autre projet de grande envergure, le Guggenheim Abu Dhabi.
PEKIN - Jérôme Sans, ancien co-directeur du Palais de Tokyo, a été nommé directeur de l'Ullens Center for Contemporary Art, inauguré il y a quelques mois dans la capitale chinoise.
TOULOUSE - Les Abattoirs organisent une journée d'hommage à l'artiste Edouard Levé, décédé le 15 octobre dernier, avec la lecture de son Autoportrait, le 7 mars, la veille du décrochage de ses œuvres de l'exposition "Rugby".
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
4e FESTIVAL MONDIAL D'ART NAIF
VERNEUIL-SUR-AVRE - Le festival d'art naïf tient sa 4e édition dans l'ancienne église Saint-Laurent en réunissant 900 œuvres de 120 artistes, venus de près de 30 pays. Des artistes en résidence créeront des sculptures monumentales tandis que des stages seront ouverts au public.