ArtAujourdhui.Hebdo
N° 82 - du 13 mars 2008 au 19 mars 2008
L'AIR DU TEMPS
Un métro nommé archéologie
ROME – On se souvient de cette image emblématique du film Roma de Fellini : les ouvriers qui travaillent au chantier du métro découvrent une fresque de l’Antiquité. A peine ont-ils eu le temps de s’enthousiasmer de leur trouvaille que celle-ci, sous l’effet de l’air, s’efface inexorablement sous leurs yeux. Soucieux d’éviter que cette scène imaginaire - ou d’autres plus réalistes – se produisent, les archéologues romains veillent. La troisième ligne du métro, dont l’ouverture est prévue pour 2015, donne déjà lieu à des fouilles préventives. Le surintendant Angelo Bottini a récemment énuméré les vestiges mis au jour, tavernes antiques et échoppe d’un verrier du Moyen Age. Les résultats à venir promettent d’être remarquables : on spécule sur l’exhumation du cénotaphe d’Agrippa. Des excavations de grande ampleur se préparent Piazza Venezia. Les travaux sont imposants - une fosse de 30 mètres de diamètre – et délicats. En effet, il ne faut pas menacer la stabilité du monument à Victor-Emmanuel II : que serait Rome sans sa gigantesque « machine à écrire » ? Le métro peut bien attendre.
EXPOSITIONS
Chine : la preuve par trois
LONDRES – Au-delà des jouets en plastique, des montagnes de pulls en acrylique et des dentifrices à base d’antigel, il existe une Chine à la pointe de la création internationale. On l’a vu en matière d’art contemporain avec les prix surprenants atteints par les plasticiens chinois. Le Victoria & Albert Museum propose d’explorer d’autres domaines en segmentant le pays en trois régions symboliques. Au sud, c’est Shenzen, l’ancienne zone économique spéciale, dont le boom (villages de pêcheurs en 1975, métropole de 10 millions d’habitants aujourd’hui) est emblématique de la croissance chinoise : on y élabore les motifs textiles de demain. Viennent ensuite Shanghai, capitale du design, du cinéma et de la mode, puis Pékin, que les Jeux olympiques prochains ont transformée en vitrine de l’architecture mondiale avec le stade de Herzog et de Meuron, le siège de la télévision par Rem Koolhaas, l’aéroport par Norman Foster. Heureusement, loin de ce gigantisme de matrice européenne, on voit aussi ce que la jeune génération locale produit : maisons en galets de Ma Qingyun ou hôtels transparents de Zhu Pei et Wu Tong
Une Egypte en bronze
MARTIGNY – On associe immédiatement la civilisation pharaonique aux pyramides, aux temples et statues colossalles de pierre, aux fresques murales, voire aux oushebtis, petits vademecums pour l’au-delà, beaucoup plus rarement à sa sculpture métallique. En collaboration avec le Metropolitan Museum, la fondation Gianadda fait la lumière sur ce pan peu connu de l’art égyptien par l’intermédiaire de quelque 70 pièces. Les plus anciennes remontent au Moyen Empire (v. 2575-2100 av. J-C), séries de rois agenouillés ou de divinités qui étaient conservées dans les temples et que les prêtres sortaient lors des processions. L’exposition se concentre sur les alliages de cuivre et notamment sur le bronze, dont les créations les plus spectaculaires datent de la Troisième Période Intermédiaire (v. 1070-664 av. J-C) : grandes dames, rois, choristes, inscrustés et décorés de métaux précieux. Jusqu’à la période ptolémaïque, d’innombrables statues ont ainsi été produites et « soignées » : elles étaient habillées et nourries, et protégées pendant la nuit.
Marie-Antoinette : après le film, l’expo
PARIS – Elle a été à l’honneur d’un récent long-métrage de Sofia Coppola. La voici à l’affiche du Grand Palais. L’épouse de Louis XVI (1755-1793) y est présentée dans ses habits de mécène en chef de la monarchie finissante. On la voit évidemment représentée sous tous les angles (en grand costume, « à la rose », en musicienne, avec ses enfants), par Elisabeth Vigée-Lebrun et Louis Ducreux, ou, en sculpture, par Louis-Simon Boizot. Le républicain David l’a même croquée sur le chemin du supplice. Mais son influence va bien au-delà de l’iconographie : la fille de Marie-Thérèse a donné le « la » à la cour de Versailles en bien des domaines, de la mode à la scène, du mobilier aux objets d’art. Pour en témoigner, sont réunis des centaines d’objets représentatifs de ce style « Marie-Antoinette » : sa harpe, les chaises du Petit-Trianon, une table à écrire d’Adam Weisweler, des boîtes en laque du Japon en forme de coq ou d’éventail, jusqu’au fameux bol en forme de sein de la Laiterie de Rambouillet.
MARCHÉ
Tous les cent ans, M. Gillot…
PARIS – Revoilà Charles Gillot. La vente de sa collection, le 6 mars, chez Christie’s, a établi une belle série de records. Avec 17,9 millions € de produit, elle signe le meilleur résultat pour une vente d’art islamique en France (11 millions € pour les 107 lots concernés). S’y ajoutent le 2e plus haut prix jamais atteint pour un objet d’art islamique en métal (3 millions € pour un chandelier Fars du sud de l’Iran, du XIVe siècle) et le record pour un objet en bois islamique (2,1 millions € pour un panneau en ébène et ivoire provenant du minbar de l’émir Qawsum au Caire, datant également du XIVe siècle). Né en 1853, Charles Gillot, imprimeur, était aussi un collectionneur éclairé d’antiquités orientales. Au lendemain de sa mort, en 1904, une vente d’exception avait déjà été tenue en deux volets, chez Durand-Ruel et à l’Hôtel-Drouot, provoquant l’enthousiasme d’Edmond de Goncourt pour la qualité de ses pièces japonaises.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Form, 2008 photographie numérique tirage Fine Art sur papier électrique 100 x 105 cm - édition 1/5 Courtesy galerie Patricia Dorfmann
Marcus Tomlinson : corps en couleur
Il a percé dans la photographie de mode pour des revues comme Arena, The Face ou Vogue. Puis sa collaboration avec des couturiers comme Issey Miyake ou Hussein Chalayan l’a amené à des recherches plus personnelles, qu’il a pris l’habitude de voir présentées en galeries ou dans des musées. On peut déceler chez Marcus Tomlinson des inspirations qui remontent à Man Ray ou Edward Steichen, deux grands pionniers de l’image de mode. Il privilégie une portion du corps plutôt que sa totalité et s’en sert comme d’un écran où il projette d’autres motifs, d’autres couleurs, faisant d’un bras ou d’un sein une pièce semi-abstraite. Egalement actif dans les registres du film et de l’installation, Marcus Tomlinson se prépare à un bon cru 2008 : on devrait le revoir au Mudam de Luxembourg et aux Rencontres photographiques d’Arles, dont Christian Lacroix est cette année le commissaire.
LIVRES
Le Bangladesh comme si vous y étiez
Ce fut l’une des déceptions de la fin d’année 2007 : la grande exposition du musée Guimet sur les trésors du Bangladesh, plusieurs fois repoussée, fut finalement annulée, à la suite d’un vol commis lors du transit à l’aéroport de Dacca. L’occasion de s’approcher de cet art peu connu repose donc sur le catalogue, qui a heureusement été publié. Des divinités sculptées au Xe siècle sur des stèles de pierre noire (Buddha, Siva ou Durga, la « tueuse du démon buffle ») voisinent avec des manuscrits sur feuille de palme. Des plaques décoratives en terre cuite, montrant une chasse à l’éléphant, succèdent à des bronzes et à des piliers sculptés du Ve siècle. Une palette à fards, un moule à bijoux, des monnaies, une meule et son pilon, permettent d’entrer dans deux millénaires de vie quotidienne. Avec ses essais sur la langue, l’histoire, la religion, l’architecture (du temple de Paharpur jusqu’au Parlement dessiné par Louis Kahn), le catalogue se veut une introduction générale à l’art du Bengale oriental. De quoi patienter jusqu’à la prochaine occasion de l’admirer pour de bon…
BRÈVES
BALE – La ville suisse a rejeté la demande des descendants du collectionneur berlinois Curt Glaser de leur restituer des œuvres spoliées sous le nazisme, dont des tableaux de Beckmann et Matisse. Le Kunsmuseum estime les avoir acquises de manière légale lors d’enchères en mai 1933.
Un exposé de l’affaire sur www.lootedart.com, le registre des biens spoliés.
BALTIMORE – Un accord a été conclu entre la National Gallery of Art de Washington et le collectionneur Robert E. Meyerhoff. A sa mort, sa collection de plusieurs centaines d’œuvres de l’après-guerre sera léguée au musée mais demeurera exposée dans sa propriété du Maryland.
CARDIFF – Le 3e prix Artes Mundi, l’un des plus richement dotés dans le domaine de l’art contemporain, présente les 9 artistes pré-sélectionnés au National Museum, à partir du 15 mars 2008. Le lauréat sera proclamé le 24 avril.
LONDRES – The Affordable Art Fair, qui ne propose que des œuvres à bas coût (entre 50 et 3000 £), tient son édition 2008 à Battersea Park avec la participation de 120 galeries, du 13 au 16 mars.
NEW YORK – La Whitney Biennial, consacrée à l’art américain contemporain, s’est ouverte le 6 mars. Présentant quelque 80 artistes au Whitney Museum et à Park Avenue Armory, elle se prolonge jusqu’au 1er juin.
NEW YORK – La semaine de l’art contemporain asiatique (Asian Contemporary Art Week) se tient du 15 au 24 mars.
STOCKHOLM – L’Académie royale suédoise des beaux-arts a annoncé qu’elle mettait en vente son tableau le plus célèbre pour faire face à son endettement. Elle est prête à céder la Conjuration des Bataves de Rembrandt pour 49 millions $ - soit un prix largement inférieur à sa valeur - à condition que l’acheteur le laisse en dépôt au Nationalmuseum.
STOCKHOLM - L'Abba Museum est un musée d'un genre particulier puisqu'il sera entièrement consacré à la gloire du groupe pop Abba. Il n'ouvrira qu'en mai 2009 mais les réservations sont déjà ouvertes.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
ART ANCIEN DU VIETNAM
GENÈVE - L'art du Vietnam est moins souvent mis en avant que ses homologues chinois ou japonais. L'exposition présentée aux Collections Baur permet de parcourir quinze siècles de production artistique, autour de l'ensemble exceptionnel de bronzes et de céramiques rassemblé par l'archéologue suédois Olov Janse.
GUIDETTE CARBONELL
ROUEN - La rétrospective du musée de la Céramique rend hommage à l'une des personnalités les plus inventives du XXe siècle dans ce domaine. Guidette Carbonell (née en 1910) a créé un monde marqué par l'univers animalier et la mythologie, où les petits objets émaillés voisinent avec les grandes compositions murales.