ArtAujourdhui.Hebdo
N° 87 - du 17 avril 2008 au 23 avril 2008
L'AIR DU TEMPS
La question animale
SAN FRANCISCO - Dans la ville californienne, à la pointe des mouvements de protection de l’environnement, les activistes peuvent faire des victimes collatérales. Adel Abdessemed est la dernière en date. L’artiste a vu son exposition au San Francisco Art Institute (SFAI) annulée à la fin du mois de mars sous la pression de défenseurs de la cause animale. La raison ? L’une des œuvres exposées montre la mise à mort, au Mexique, d'animaux d’élevage (vache, cochon, chèvre). On se souvient de l’émoi provoqué, il y a quelques années, par une installation au Danemark : les visiteurs avaient le pouvoir de décréter, en appuyant sur le bouton d’un mixer, l’exécution d’un poisson rouge. D’autres créateurs, comme Damien Hirst, connu pour avoir mis dans du formol des agneaux et des requins, et qui a composé un tableau avec des milliers de cadavres de mouches, pourraient se retrouver sur la sellette. Comme le disait avec ironie un commentateur du San Francisco Chronicle, l’affaire promet d’être longuement discutée devant les bons T-bone steaks de Market Street ou les poissons grillés de Fisherman’s Wharf. Tuez, mais, par pitié, loin des yeux !
EXPOSITIONS
Fattori sonne deux fois
LIVOURNE – C’est l’un des grands peintres du XIXe siècle italien mais sa réputation n’a guère passé les frontières. Giovanni Fattori, dont on fête cette année le centenaire de la mort, est un peu l’équivalent des réalistes français. Il a combattu l’académisme et cherché à donner à ses tableaux – gardiens de buffles de la Maremme toscane ou militaires bourrés d’ennui – l’apparence du vrai. Ave Silvestro Lega ou Signorini, il est l’un des grands représentants du courant des Macchiaioli, qui fut très préoccupé par la naissance d’un art national italien et qui joua un rôle non négligeable dans le Risorgimento. Les 250 objets rassemblés dans sa ville natale sont des tableauxs de bataille, des images de chevaux et de paysans, des routes de campagne, mais aussi des dessins et des gravures, domaine dans lequel il excella avec une production très minimaliste. Cette exposition s’ajoute à celle ouverte depuis le 19 mars à Villa Bardini, à Florence, sur « Fattori et le naturalisme ». D’autres événements sont prévus à l’automne.
La bande à Erro
PARIS – C’est le grand moment de réhabilitation des mouvements artistiques des années 60 et 70 : après le Nouveau Réalisme en 2007, le Grand Palais s’attaque cette année à la Figuration narrative. Alors qu’Erro vient de signer un record spectaculaire chez Christie’s, multipliant sa cote par cinq (l’un de ses Comicscapes a atteint 700 000 € en décembre 2007) et que Télémaque suit la même pente, le moment est bien venu de célébrer ces créateurs. Réunis pour la première fois en 1964 par le critique Gérald Gassiot-Talabot, les peintres de la Figuration narrative s’inspirent de la photo, de la bande dessinée, des logos et de la publicité, dont ils s’approprient le langage. Le plus souvent, tout en faisant naître une nouvelle « mythologie du quotidien », il s’agit de dénoncer les processus d’aliénation de la société moderne. Parmi les Adami, Aillaud, Arnal, Arroyo, Klasen, Rancillac et Velickovic, un certain nombre seront impliqués de près dans les mouvements de mai 68.
Dix ans d’architecture nippone
PARIS – On connaît assez bien ce que les stars font à l’étranger : le centre Pompidou à Metz par Shigeru Ban, le Louvre-Lens par le cabinet Sanaa ou le MoMA de New York par Taniguchi. On connaît moins ce que les architectes japonais créent chez eux. La Maison de la culture du Japon propose un panorama des dix dernières années, incluant le volet domestique de leur activité. Au moyen de plans et maquettes, on découvre des réalisations monumentales : un centre de congrès de Fumihiko Maki ou l’aéroport de Kuala Lumpur par Kisho Kurokawa. Mais également de petites interventions – une chambre, une tombe, une maison de thé dans les arbres par Terunobu Fujimori - auxquelles les praticiens nippons accordent sans doute plus d’attention que leurs collègues. Au-delà des musées, qui assurent l’essentiel de la notoriété internationale, l’exposition s’attache aussi à d’autres « cycles » : la ville (bureaux, boutiques), la vie (écoles, hôpitaux, stades) et l’habitat.
SALONS
L’Italie s’accroche au meuble
Selon l'opinion générale, l’Italie va mal : l’économie est languissante, Alitalia est moribonde, Berlusconi et la Ligue du Nord font leur retour aux affaires. Heureusement, il reste le salon du meuble ! Dans ce domaine, la domination de l’Italie reste impitoyable. La manifestation milanaise a connu l’an dernier une fréquentation historique – 270 000 visiteurs – qui devrait encore croître en 2008. Plus de mille exposants montreront les dernières créations d’Hella Jongerius, des frères Bouroullec ou la ligne Meta, une opération originale puisqu’il s’agit d’une collection de mobilier contemporain lancée par un célèbre antiquaire, Mallett. A noter que les tout jeunes designers ne sont pas les bienvenus : l’entrée est interdite aux enfants de moins de 10 ans, même s’ils sont accompagnés… Parmi les événements « collatéraux », on retiendra des interventions, en ville, de Peter Greenaway et Michelangelo Pistoletto.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Affiche pour l'Armada 2003 à Rouen pour Voies navigables de France
Philippe Apeloig : l’esprit de la lettre
Il est rare que les graphistes typographes soient reconnus comme des artistes à part entière. Pourtant des créateurs comme Frutiger ou, bien avant lui, Garamond et Didot, ont davantage marqué notre univers visuel que bien des peintres. Sans oublier des personnages aux talents variés comme le sculpteur Eric Gill qui a laissé plusieurs caractères toujours en usage. Philippe Apeloig poursuit cette tradition. On doit au graphiste français la charte des musées de France, du MacVal de Vitry-sur-Seine, de la faculté d’architecture de Venise ou des Voies navigables de France. Il présente dans une exposition rétrospective le produit des deux dernières décennies, essentiellement des affiches aux caractères gras et aux couleurs contrastées, avec des empattements réduits, qui assurent une lisibilité confortable tout en laissant libre cours à l’imagination.
LIVRES
Retour aux primitifs
Historien de l’art et commissaire d’expositions - notamment celle consacrée à Botticelli au palais du Luxembourg en 2003 -, Daniel Arasse, décédé cette même année, était surtout un vulgarisateur doué. Trente ans après sa première publication, son petit volume d’introduction aux primitifs d’Italie est reproposé. Y défilent les grands interprètes de la peinture renaissante, de Rome, de Florence la « progressiste » et de Sienne la « réactionnaire ». Mais pas uniquement : au détour des pages, sont abordés des centres mineurs comme Camerino, dans les Marches. Le rôle des commanditaires, la symbolique des attitudes et des personnages, le pouvoir de la couleur, l‘importance de la fresque : par petites touches s’élabore le portrait-robot des peintres des XIVe et XVe siècle. Et si la démonstration n’était pas suffisamment appuyée, le dernier chapitre – « Qu’est-ce qu’un primitif ? » - arrive à point pour la synthétiser.
BRÈVES
BRUXELLES – La 26e édition de la foire d’art contemporain Art Brussels se tient du 18 au 21 avril. Elle accueille près de 180 galeries.
COLOGNE – La 42e édition d’Art Cologne, réunissant près de 400 marchands d’art moderne, se tient du 16 au 20 avril 2008.
LAS VEGAS – La joint venture entre les musées Guggenheim et de l’Ermitage, ouverte depuis 2001 au casino-hôtel The Venetian, fermera le mois prochain.
LONDRES – La London Original Print Fair tient son édition 2008 du 23 au 27 avril 2008 à la Royal Academy avec une cinquantaine de marchands d’estampes.
LONDRES - Une clef abbasside du XIIe siècle a été vendue 11,5 millions € chez Sotheby’s, soit 18 fois son estimation haute.
NANCY – La Biennale internationale de l’image se tient du 19 avril au 4 mai sur le site Alstom.
PARIS – Le Salon international du livre ancien (SLAM) se tient au Grand Palais du 18 au 20 avril 2008.
PARIS – Les quatre artistes sélectionnés pour la 8e édition du prix Marcel Duchamp 2008 sont Michel Blazy, Stéphane Calais, Laurent Grasso et Didier Marcel.
PARIS – L’artiste Jan Fabre réalise une performance au musée du Louvre le 22 avril.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
NUNC EST BIBENDUM !
CLERMONT-FERRAND - L'évolution du meilleur logo du siècle (selon une enquête du Financial Times) : c'est la tâche à laquelle s'attaque le Musée Roger-Quilliot en retraçant l'histoire du Bibendum de Michelin, depuis son premier dessin, par O'Galop en 1898, jusqu'à nos jours.
CHARLES LAPICQUE
PARIS - Se nourrissant de diverses influences, de Mondrian à Matisse, naviguant entre l'abstrait et le figuratif, grand apôtre de la couleur, Charles Lapicque a produit une œuvre très riche au cours de sa longue carrière. Le musée de la Poste lui rend hommage avec une rétrospective réunissant 85 tableaux et 60 dessins.