ArtAujourdhui.Hebdo
N° 90 - du 8 mai 2008 au 14 mai 2008
L'AIR DU TEMPS
Corrège joue au foot
C’est la lutte finale en tête de la Ligue 1 italienne : le Milan AC a battu l’Inter et relance le suspense. L’AS Roma va-t-elle rejoindre les hommes de Berlusconi à la première place ? En bas de classement, le FC Parme semble avoir sauvé sa peau en battant le Genoa 1-0. Doit-on ce petit miracle au buteur Lucarelli, qui a marqué à la 13e minute ? Pas du tout, le héros de ce faste dimanche 4 mai est Corrège. Ce n’est pas l’allenatore (l’entraîneur) ni le portiere (le gardien de but) mais un peintre. Oui, Corrège, celui des nus vaporeux, des cous délicats des angelots pensifs ! Corrège a gagné un match de foot ! C’est en tout cas la conclusion des organisateurs de la rétrospective consacrée au peintre émilien qui ouvrira le 20 septembre. Pour diversifier les canaux publicitaires, ils ont imprimé l’affiche de l’exposition sur le maillot des joueurs. Ils affirment que c’est la première fois qu’un grand maître de la Renaissance descend de cette façon sur la pelouse. Ce n’est pas une mauvaise idée, au fond. Pourquoi pas une expo de Warhol dans les vestiaires ? Ou des photos de Bettina Rheims dans la tribune Kop du Parc des Princes ? Contre la violence dans les stades, exigeons de l’art !
MUSÉES
Lisbonne, nouvelle capitale d’Orient
LISBONNE – La fermeture du musée Kwok-On, il y a quelques années à Paris, avait fait quelque bruit. Où allait finir sa belle collection de mationnettes orientales ? On connaît la réponse depuis un moment et on peut maintenant vérifier sur pièces : elle a pris la direction du Museu do Oriente, nouvelle institution portugaise, qui ouvre le 9 mai dans un bâtiment rénové des docks de Lisbonne. A côté du fonds Kwok-On – les précitées marionnettes mais aussi des porcelaines, des têtes sculptées et des instruments de musique – le musée possède un fonds important sur la présence portugaise en Orient (une thématique qui a récemment nourri une exposition à Bozar, à Bruxelles). Il sera exposé par roulement, la première exposition étant consacrée aux masques d’Asie. La semaine d’ouverture propose un programme nourri de concerts, ballets et projections de films japonais.
EXPOSITIONS
Donner un visage à Michel-Ange
FLORENCE – C’est un peu le Salinger de la Renaissance : Michel-Ange n’aimait guère être représenté. On connaît fort peu d’autoportraits de lui, hormis quelques apparitions sous les traits d’autres personnages (le saint Barthélemy du Jugement dernier à la chapelle Sixtine ou le Nicodème de la Pietà du Museo dell’Opera del Duomo). Tout aussi rares sont les descriptions réalisées par d’autres artistes. Casa Buonarroti, la maison familiale construite par un de ses descendants dans la première moitié du XVIIe siècle, présente une exposition forcément concise sur ce thème difficile. A côté des quatre pièces qui font partie de la collection – une médaille de Leone Leoni, deux tableaux par Giuliano Bugiardini et Jacopino del Conte et un buste en bronze de Daniele da Volterra – on peut y voir le fougeux Michel-Ange de 23 ans d’une gravure romaine ou l’artiste sexagénaire sur une aquarelle de l’artiste portugais Francisco de Hollanda. Federico Zuccari l’a représenté observant son propre frère au travail et Van Dyck l’a recréé de mémoire, un demi-siècle après sa mort. Pour retrouver cette star qui a soigneusement évité les feux de la rampe, il reste aussi les portraits de groupe, à voir ailleurs, notamment les fresques de Vasari ou de Raphaël dans la Chambre de la Signature au Vatican.
Loth, caravagesque allemand
MUNICH – On connaît assez bien ses émules français, de Georges de La Tour à Valentin de Boulogne, ou ses compagnons de route italiens, comme Battistello. On connaît moins, en revanche, l’influence que Caravage a pu avoir en Allemagne. L’Alte Pinakothek met en avant un artiste largement oublié, Ulrich Loth (1599-1662). Surtout actif à Munich, où il a contribué à la décoration de nombreuses églises, il a été marqué par un voyage d’études de quatre ans en Italie et a ensuite répondu à de nombreuses commandes de Maximilien Ier de Bavière, notamment pour des scènes historiques. Les retables et portraits rassemblés montrent comment les leçons de Caravage sur la lumière ou le réalisme des personnages se mêlent à une sensibilité baroque héritée de Rubens pour produire une peinture « militante » en faveur de la Contre-Réforme catholique.
Saul Steinberg, dessinateur-orchestre
PARIS – Saul Steinberg (1914-1999), c’est une institution : six décennies de bons et loyaux services comme dessinateur vedette dans une autre institution, la revue la plus chic d’Amérique, The New Yorker. L’exposition de la fondation Cartier-Bresson (Steinberg était ami du photographe, qu’il a fréquenté de 1947 à sa mort) donne à voir une partie de cette formidable production, toujours spirituelle – des dessins pour gens intelligents selon le mot bien choisi d’un commentateur. Elle illustre aussi sa vie nomade – la naissance en Roumanie, les années d’études d’architecture en Italie (et les premiers dessins publiés dans la presse antifasciste), l’installation à New York en 1941 après avoir attendu un visa à Saint-Domingue – et son activité artistique en dehors de l’illustration. Steinberg a fait des masques à partir de sac en papier kraft, des collages (dont un célèbre sur les murs de la galerie Maeght en 1966), des portraits à partir d’empreintes digitales, a été scénographe… La multiplicité de ses intérêts en faisait, comme il le disait lui-même, davantage un chef d’orchestre qu’un « peintre peignant ».
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Richard Serra sous la voûte du Grand Palais Courtesy Ministère de la Culture / Heymann Renoult
Serra en fait des tonnes
PARIS – La première édition de la manifestation Monumenta, consacrée en 2007 à Anselm Kiefer, s’était soldée par une bonne fréquentation – 135 000 visiteurs en 5 semaines. On en attend donc autant pour la seconde livraison. C’est Richard Serra, le sculpteur épris de monumental, qui a dessiné une « Promenade » sous les voûtes du Grand Palais, constituée de grands volumes d’acier. L’artiste californien, qui a bénéficié l’an dernier d’une rétrospective au MoMA de New York, est également à la une en Espagne : le
musée Reina Sofía, qui avait perdu – un exploit surréaliste puisqu’elle pesait la bagatelle de 38 tonnes - une de ses pièces, Equal-Parallel / Guernica-Bengasi, s’est mis d’accord pour une réédition. A l’occasion de Monumenta, la sculpture en forme de parenthèses que Serra avait réalisée pour son exposition au Centre Pompidou en 1983, Clara-Clara, est réinstallée dans le Jardin des Tuileries.
LIVRES
Un monde à Parr
Dans les années 60, c’était le titre d’une collection pionnière de petits volumes de voyage, originaux et bien écrits, aux éditions du Seuil. Martin Parr l’a repris, probablement sans être conscient de cette filiation. Selon la préface, c’est Cartier-Bresson qui aurait employé le terme, un jour qu’il visitait une exposition du photographe anglais. Quoi qu’il en soit, c’est évidemment un monde réduit, comme en miniature, qui transparaît de ces images : il montre un effacement des signes distinctifs locaux dans tous les lieux touchés par le tourisme de masse. Partout le même habillement, les mêmes T-shirts aux imprimés stupides, les mêmes publicités. Le pire est peut-être autre : le visiteur – on n’ose pas dire le voyageur – est généralement un animal de groupe, le regard vide (ou effrayé lorsqu’un indigène le serre de trop près), les bras ballants (ou occupés à produire le milliardième cliché insipide). Même si on les a souvent vues, ces images font toujours sourire de notre propre ridicule. On regrette, en revanche, que l’appareil critique soit aussi réduit : hormis la préface subjective de Geoff Dyer et les légendes sibyllines, on ne trouve aucun texte ni biographie.
BRÈVES
BÂLE – Alors que Samuel Keller, directeur de la foire de Bâle, prépare sa sortie de scène (il va présider aux destinées de la fondation Beyeler), sa succession semble plus difficile que prévu. Cay Sophie Rabinowitz, qui avait été nommée directrice artistique au début de l’année, vient de démissionner abruptement, à un mois de l’ouverture de la prochaine édition.
BARCELONE – La foire Loop, consacrée à l’art vidéo contemporain, se tient du 8 au 10 mai dans l’hôtel Ramblas Catalonia. Une quarantaine de galeries internationales seront présentes.
FONTENAY – Le marteau hydraulique de la forge de l’abbaye de Fontenay, datant du XIIIe siècle, a été reconstitué par les élèves de plusieurs lycées tehniques européens. Il est inauguré le 9 mai.
JOUY-EN-JOSAS – Les Environnementales, une biennale d’art contemporain consacrée au paysage, tient sa 5e édition du 13 mai au 21 juillet dans le parc Tecomah de la chambre de commerce et d’industrie.
NEW YORK – Le record pour une œuvre de Monet a été battu le 6 mai avec l’adjudication du Pont de chemin de fer à Argenteuil pour 37 millions $ chez Christie’s.
NEW YORK – L’International Fine Art Fair, réunissant une cinquantaine de galeries de peinture, sculpture et dessin (dont les Parisiens Aaron, Bérès, Boulakia et Taménaga), se tient du 9 au 14 mai à l’Armory.
NIORT – La mutuelle d’assurances MAIF lance un prix de sculpture contemporaine, consacré à la technique du bronze. Le lauréat verra la fonte de son œuvre financée par la société.
VILLANDRY – Le château de Villandry s’enrichit d’une nouvelle composition, le jardin du Soleil. Dessiné par le paysagiste Louis Benech et la botaniste Alix de Saint Vernant, il s’inspire des plans publiés en 1924 par Joachim Carvallo, le créateur des jardins.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
AUTOUR DU MANIFESTE DU SURRÉALISME
PARIS - Avant la mise aux enchères à Paris, du 21 mai au 3 juillet, de documents exceptionnels du surréalisme, dont le manuscrit fondateur d'André Breton, le Manifeste du surréalisme, des tableaux, des dessins et des œuvres d'art tribal, Sotheby's expose ces pièces uniques du 15 au 20 mai, à la galerie Charpentier.
SALON DE MAI
PARIS - Fondé comme mouvement d'insoumission à l'occupant au printemps 1941, le Salon de Mai est demeuré un événement majeur pour les artistes indépendants. Il est en effet un lieu de la confrontation (cette année, à l'espace Commines) de toutes les formes de création, sans préoccupation commerciale.