ArtAujourdhui.Hebdo
N° 91 - du 15 mai 2008 au 21 mai 2008
L'AIR DU TEMPS
Egypte = pyramides ?
L'Egypte va se retrouver sous les feux des projecteurs du 18 au 20 mai avec un sommet economique mondial à Charm-el-Cheikh, auquel assisteront de nombreux chefs d'Etat. S'il reste un peu de temps sur l'agenda culturel, il y a fort à parier qu'il aura une coloration pharaonique. Lorsque le colossal musée des Pyramides sera achevé (il est annoncé pour 2011), on risque de voir s'aggraver encore cette concentration des flux de visiteurs vers une poignée de têtes d'affiche. C'est le même phénomène qui prévaut en Occident avec la médiatisation des grandes expositions mais il pourrait avoir ailleurs des conséquences plus dommageables. Le Caire, pour ne prendre que cet exemple, compte des dizaines de musées passionnants et plus ou moins méconnus (Gayer-Anderson, Mahmoud Khalil, Copte, d'Art islamique, sans parler de ceux de la Poste ou d'Art moderne). Lorsque les touristes seront entièrement redirigés vers Gizeh (l'actuel musée Egyptien de la place Tahrir devant fermer, au moins pour rénovation), que deviendront-ils ? Auront-ils les reins assez solides pour survivre ? Doit-on se résigner, dans un monde aux tendances toujours plus simplificatrices, à résumer l'Egypte à ses seules pyramides et pharaons ?
EXPOSITIONS
Les Flamands passent la Manche
BRUXELLES – Aller en Belgique pour une collection anglaise de tableaux flamands ? La proposition, qui peut sembler incongrue, est pourtant annoncée à grand renfort de publicité. Pour une raison simple : cette collection est de premier ordre et rarement montrée - c’est celle de la reine Elizabeth. Ceux qui n’ont pas fait le voyage d’Edimbourg où elle était précédemment exposée pourront donc se rattraper avec un programme copieux : une cinquantaine d’œuvres de Metsys, Bruegel, Teniers, Rubens, Van Dyck et leurs pairs. L’intérêt est de pouvoir mettre en regard ces pièces exceptionnelles avec d’autres tableaux conservés aux musées royaux des Beaux-Arts. Ainsi le Massacre des Innocents de Bruegel l’Ancien est rapproché du Dénombrement de Bethléem et l’esquisse de l’Assomption de la Vierge de Rubens poussera les visiteurs à aller voir le retable lui-même, conservé dans une autre salle.
Villeglé, première
EPINAL - Il a attendu longtemps mais, enfin, il l’a eue… On veut parler de la première exposition monographique dédiée à Jacques Villeglé dans un musée d’art contemporain en France : une injustice enfin réparée en province, dans les Vosges. L’un des derniers survivants du groupe des Nouveaux Réalistes (avec Spoerri et Raysse), remis à l’honneur par la rétrospective du Grand Palais au printemps 2007, présente l’ensemble de son œuvre, des premières affiches décollées jusqu’à ses créations récentes, statues, bannières ou tapisseries. Au total, ce sont une centaine d’œuvres, de la fin des années quarante jusqu’à nos jours, provenant de sept collections publiques et privées, dont un grand « lacéré » de 22 mètres de long. Une sculpture, intitulée Mémorial socio-politique, sera installée à titre permanent dans le jardin.
Olivetti, bouillon de culture
TURIN – Pour les Français, Olivetti, c’est une machine à écrire. De préférence rouge, à touches noires. Pour les Italiens, c’est un mythe : une entreprise dirigée par un visionnaire, Adriano Olivetti (1901-1960), ami de Giò Ponti, de Moravia ou du président de la République Luigi Einaudi, qui a su fusionner industrie, design, art, protection sociale dans une utopie menée à terme. De faillite en restructuration, le mythe Olivetti a aujourrd’hui pâli mais méritait bien que l’on célèbre son centenaire en grande pompe. L’exposition rappelle le parcours de la société, ses produits d’avant-garde (dont la MP1, première machine à écrire portable en 1932, la Lettera 22 élue en 1959 objet du siècle, la calculatrice Divisumma 24) et la cité-jardin ouvrière d’Ivrea. Les rapports quasi consanguins avec le design (Sottsass, Nizzoli et d’autres) ou l’architecture (Figini, Gardella, Aulenti) sont au cœur du propos et illustrent une belle histoire d’amour entre création et production.
MARCHÉ
Le Manifeste à Breton
PARIS – C’est une telle icône de la culture du XXe siècle qu’on a du mal à croire aux estimations : 300 000 €, seulement, pour le Manifeste du surréalisme d’André Breton, dans son unique version manuscrite connue ? Peu d’écrits des avant-gardes de l’entre-deux-guerres ont acquis une telle résonance et, à ce prix-là, bien des musées américains seraient enclins à mettre la main au portefeuille. Ils seront sans doute freinés par une probable préemption de la part de l’Etat français, qui ne voudra pas voir cette pièce du patrimoine national quitter le territoire… Le manuscrit, rédigé en 1924 sur 19 pages de papier vélin crème, provient de la collection de Simone Collinet (1897-1980), première épouse d’André Breton, qui tint, après leur séparation en 1929 une galerie d’art à Saint-Germain-des-Prés, où elle fut notamment l’une des premières à redécouvrir Arcimboldo. Il est entouré dans cette vente d’autres manuscrits essentiels de Breton, dont Poisson soluble et quelques cahiers d’écriture automatique.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Lovers in Paradise, huile sur toile, 1980, courtesy galerie Dartha Speyer, Paris
Peter Dean : entre pierre et pinceau
Etre peintre et géologue en même temps, cela arrive rarement. Peter Dean (1934-1993) en est pourtant un exemple. On penserait que l’observation des couleurs et des formes du monde minéral a dû pousser l’artiste américain dans une direction abstraite. Il n’en est rien : foncièrement figuratif, Peter Dean a même milité avec Leon Golub et Peter Saul au sein du groupe Torque, qui se voulait un mouvement d’opposition à l’art minimaliste et conceptuel, qui dominait la scène artistique à la fin des années soixante. L’univers intensément coloré de Dean puise dans les arts traditionnels, la peinture naïve, le monde chamanique. Ses séjours en Amérique du Sud, notamment au Brésil, l’ont fortifié dans un style exubérant
qu’il a employé pour lutter contre un certain nombre d’injustices, des interventions militaires américaines à la vie des ghettos noirs. Il n’est guère facile de voir des œuvres de cet artiste « outsider ». L’Akron Museum, dans l’Ohio, en possède un noyau significatif.
LIVRES
La Comédie de Botticelli
A l’automne 2003, lors de l’exposition Botticelli au musée du Luxembourg, on avait été bien décu de n’y voir qu’un seul dessin de la Divine Comédie. Ce fut pourtant l’une des grandes entreprises de l’artiste florentin, qui y consacra dix années de sa vie. On ne sait toujours pas aujourd’hui s’il répondait à une commande ou obéissait à une impulsion propre. On connaît 92 de ces dessins, qui, après avoir disparu de Florence, ont réapparu sur le marché antiquaire parisien aux XVIIe et XIXe siècles. La plupart - 84 - sont désormais conservés au Cabinet des dessins et estampes de Berlin, le reste à la Biblothèque Vaticane. Cette édition de la Divine Comédie, ainsi illustrée, avait été proposée par Diane de Selliers il y a quelques années. Elle reparaît aujourd’hui dans une version plus économique mais soignée : les dessins sont sur des pages à rabats, ils ne sont ni coupés ni dissociés. On regrette de ne pas voir le texte italien à côté de la traduction de Jacqueline Risset. On dispose en revanche d’un commentaire iconographique détaillé pour chaque planche.
BRÈVES
CARDIFF – Le 3e prix biennal Artes Mundi d’art contemporain, l’un des mieux dotés au monde (40 000 £), a été attribué à l’artiste indien N S Harsha.
PARIS – La Nuit des musées, avec ouverture gratuite et prolongée d’un grand nombre d’établissements, parfois jusqu’à 1 heure du matin, est organisée cette année le 17 mai.
PARIS – Les Temps forts, présentation des plus belles ventes à venir, se tiennent à Drouot, du 20 au 25 mai 2008. On pourra y voir entre autres un portrait de Cocteau par Warhol (4 à 6 millions €, chez Aguttes le 25 juin) et le fauteuil de représentation de Napoléon (400 000 à 450 000 € chez Piasa le 18 juin).
PARIS – Fanny Rodwell, veuve d’Hergé, a fait don au Centre Pompidou, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du créateur de Tintin, d’une planche originale de L’Affaire Tournesol, de 1955.
PARIS – Lors de la manifestation « Le petit pan de mur jaune », le 21 mai, six écrivains lisent leurs créations devant les œuvres qui les ont inspirés.
REYKJAVIK – Le festival d’arts visuels de la capitale islandaise se tient du 15 mai au 5 juin et comprend notamment un « Marathon expérimental » dirigé par Hans Ulrich Obrist et Olafur Eliasson.
TURIN – Le Turin Photo Festival se tient du 15 mai au 15 juin dans plusieurs musées, galeries et lieux culturels de la ville.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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MUSÉE RÉATTU / CHRISTIAN LACROIX
ARLES - Le musée a invité l'un des plus célèbres créateurs de la ville, le couturier Christian Lacroix, à prendre possession de ses 2000 m2 pour en faire un grand atelier vivant où se mêlent artistes du passé et créateurs contemporains : une sorte d'autobiographie vagabonde et originale.
LES ATELIERS DE RENNES - BIENNALE D'ART CONTEMPORAIN
RENNES - C'est un nouveau rendez-vous ambitieux qui ouvre au Couvent des Jacobins et dans les principaux lieux culturels de la ville. Cette biennale a pour ambition de confronter l'art et le monde de l'entreprise. Les expositions présentées sous le titre de Valeurs croisées rassemblent une soixantaine d'artistes français et étrangers.