ArtAujourdhui.Hebdo
N° 99 - du 10 juillet 2008 au 3 septembre 2008
Notre prochain numéro paraîtra le 4 septembre 2008. Bonnes vacances !
L'AIR DU TEMPS
Une colonne à la une
Andy Warhol défendait le quart d’heure de célébrité pour tous. Un artiste contemporain l’assure d’une certaine façon pour des milliers d’anonymes, mais il faut pour cela se dévêtir : les congrégations de nus de Spencer Tunick ont fait le tour du monde. Voici qu’un autre créateur, parmi les plus estimés de Grande-Bretagne, va offrir une opportunité comparable. Anthony Gormley, connu pour ses statues (dont le colossal Angel of the North à Gateshead), a remporté le concours pour le quatrième piédestal de Trafalgar Square, qui accueille des installations d’art contemporain. Cette fois, Gormley laissera au repos le ciseau ou la fraiseuse. Il se fait conceptuel pour One and other, présenté cet automne : ce sont des gens de la rue, des John Smith ou des Paul Dupont, qui monteront sur la colonne pour une exposition d’une heure. Au total, plus de deux mille personnes pourront accéder à cette brève excitation médiatique. Bien peu de choses au regard de ce qu’avait enduré l’ermite Siméon le Stylite, cher à Buñuel, resté 37 ans sur un pilier, dans le désert syrien. Sans caméra et sans filets de sécurité…
MUSÉES
Surréalisme sauce berlinoise
BERLIN – La collection Scharf-Gerstenberg, qui possède quelque 250 œuvres importantes du mouvement surréaliste, ouvre le 11 juillet face au palais de Charlottenburg, dans l’édifice Stüler, qui a abrité le musée Egyptien jusqu’en 2005. La présentation, sous le titre « Mondes surréels », s’attache également aux racines du mouvement chez des prédécesseurs comme Piranèse, Goya, Redon ou Max Klinger. René Magritte, Max Ernst et Hans Bellmer sont représentés par des ensembles significatifs d’œuvres. Les films de Buñuel ou d’artistes contemporains inspirés par le surréalisme sont présentés dans un décor inattendu : sous les colonnes du temple égyptien de Sahuré, qui ne déménagera que lorsque son emplacement définitif, dans la quatrième aile du Pergamon Museum, sera achevé.
EXPOSITIONS
Meynier, roi des plafonds
DIJON – Les commissaires avancent deux explications à la faible notoriété actuelle de Charles Meynier (1763-1832) : il a peint très peu de portraits – efficace vecteur de célébrité - et il s’est spécialisé dans les grands décors in situ –- un genre dont on oublie facilement les auteurs. C’est donc une occasion rare qui est donnée de redécouvrir un peintre célèbre en son temps. Très occupé sous l’Empire et la Restauration, Meynier avait été auparavant premier prix de Rome, lors de la fatidique année 1789. Avec une cinquantaine d’œuvres – des scènes historiques commandées par des collectionneurs privés et par l’administration, des compositions mythologiques sur des sujets méconnus (Le philosophe Bias rachetant des esclaves), des dessins à la plume et au lavis – on réussit à faire le tour d’une œuvre néo-classique, que la popularité de David et de ses suivants ont occulté. Les plus consciencieux iront évidemment au Louvre pour découvrir, ou revoir avec des yeux neufs, les grandes compositions que sont Le Triomphe de la peinture française ou La France sous les traits de Minerve protégeant les arts.
Paul Strand revient par la mer
LA COROGNE (Espagne) – On aurait imaginé le voir exposé en France, où il est mort (à Orgeval, dans les Yvelines, en 1976) et où il a réalisé un travail célèbre en Charente, avec l’écrivain Claude Roy. Ou encore en Italie, où il a également cerné la vie d’un village (Luzzara) en compagnie d’un géant du scénario (Cesare Zavattini). Non : pour voir la première rétrospective européenne consacrée au photographe Paul Strand depuis sa mort, il faudra faire le voyage de Galice. C’est en effet la fondation Pedro Barrié de La Maza qui accueille une centaine de « vintages » provenant du musée des Beaux-Arts de Philadelphie et de la fondation Aperture de New York, qui conserve ses archives. Toute la carrière de Strand est passée en revue, des débuts new-yorkais, qui le voient fasciné par la ville et la machine, à ses amitiés avec Stieglitz et Cartier-Bresson, de son activité de réalisateur antifasciste, jusqu’aux reportages à travers le monde, du Mexique aux pays arabes. Cette exposition, qui aurait sans doute intéressé plus d’un musée, aura une itinérance au rayon très court : en octobre, elle se déplacera dans la ville voisine de Vigo.
Joue-nous España
PARIS - Quel instrument de musique a fasciné les avant-gardes du XXe siècle ? Le violon, le piano, la flûte ? Non, la guitare, que l’on retrouve dans les œuvres de Picasso, de Picabia, de Juan Gris, de Miró… Cette suprématie n’est pas un hasard, elle résulte de la fascination ressentie alors pour le flamenco, expression, depuis le Carmen de Bizet (1875), d’une Espagne mystérieuse, fière et sensuelle. Le Petit-Palais propose une seconde étape de l’exposition montrée cet hiver au musée Reina Sofía de Madrid. Elle montre comment s’est élaboré le modèle de l’Espagnole aux cheveux noués et fleuris, munie du châle, de la mantille et de l’éventail, qui en est venu à symboliser un pays autant que la pizza pour l’Italie. Des films d’Edison et des frères Lumière aux publicités pour l’anis du Singe, des toiles lumineuses de Sorolla ou de ses collègues moins célèbres Camarasa et González Iturrino jusqu’aux dessins à l’encre de García Lorca, la femme aux talons de feu – souvent gitane, parfois star absolue comme La Niña de los Peines ou La Argentina – a inspiré les plus grands. Même Hodler, Delaunay et Van Dongen ont succombé à son emprise. Pour être franc, l’homme n’est pas entièrement absent de cette mythologie : Vicente Escudero impressionnait Man Ray par son extrême modernisme, qui le poussait à danser sur tous les rythmes, même sur celui d’un moteur d’automobile…
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Hubert Duprat, courtesy Centre international d'art et du paysage, Vassivière
Hubert Duprat : le langage des pierres
Hubert Duprat est un artiste rare. Ses expositions sont fréquemment espacées de plusieurs années. L’une de ses créations les plus connues – que l’on a pu voir en 2005 à l’espace Electra, à Paris, lors de l’exposition hommage à Jean-Henri Fabre – sont les étuis de trichoptères. Il donne à ces insectes aquatiques des fragments d’or et de pierres précieuses avec lesquels, faute de leurs matériaux traditionnels (cailloux et brindilles de rivière) ils bâtissent leurs cocons. Au Centre du paysage de Vassivière, l’artiste a pris un virage nettement minéral. S’il reste fidèle à son goût pour l’assemblage, il a choisi cette fois le spath, le mica, la magnétite, la pyrite ou encore l’hématite comme matières premières, qu’il contraint à adopter la forme de cylindres, de sphères, d’amas polis. Pâte à modeler et tubes en pvc complètent le dispositif, qui prend parfois des dimensions monumentales, notamment dans le petit théâtre et le phare.
LIVRES
Malraux, bâtisseur et protecteur
C’est, avec Jack Lang, le ministre de la Culture qui a davantage marqué la Cinquième République. Avec un avantage évident : il a lui-même été le créateur du ministère de la rue de Valois. Son engagement pour le patrimoine (un nom que l’on n’employait guère dans cette acception) est connu, ainsi que son intérêt pour ses manifestations les plus récentes – il fonda le service de l’inventaire et imposa un changement de législation pour faciliter la protection des monuments du XXe siècle. L’ouvrage, qui est la mise en forme de journées de colloques (tenus en novembre 2006, pour célébrer le 30e anniversaire de sa mort), détaille la place de l’architecture dans la pensée et l’action de Malraux (sa fascination pour la Grèce, l’Egypte ou les grottes d’Elephanta, en Inde), son amitié avec Le Corbusier, Faugeron ou Niemeyer, les combats pour défendre la Villa Savoye, menacée par la construction du lycée de Poissy, la genèse de la loi sur les secteurs sauvegardés ou les balbutiements du ravalement de la capitale. « J’ai changé la couleur de Paris » disait Malraux. Son rôle dans la création architecturale est également abordé, qui s’est illustré par une réforme de l’enseignement et par la construction des maisons de la culture.
BRÈVES
CLEVELAND – Le Cleveland Museum of Art a rouvert le 29 juin après une rénovation de trois ans menée par l’architecte Rafael Viñoly. Il compte parmi ses chefs-d’œuvre d’importantes pièces égyptiennes, la Sainte Famille de Filippino Lippi, la Vie, un grand Picasso de la période bleue ou les Peupliers à Saint-Rémy de Van Gogh.
LONDRES - La Surprise, un tableau de Watteau, que l’on avait cru perdu pendant deux siècles, a pulvérisé son estimation de 3 millions £ lors de la vente du 8 juillet chez Christie’s. Il a été adjugé 12,3 millions £ (soit 15,5 millions €), établissant un nouveau record pour les maîtres anciens français.
LONDRES – L’exposition sur les guerriers chinois en terre cuite du Premier Empereur a attiré 850 000 visiteurs au British Museum, une fréquentation qui n’avait pas été atteinte depuis la grande exposition sur Toutankhamon en 1972.
MADRID – L’annonce par la conservatrice des peintures du XVIIIe siècle du Prado, Manuela Mena, que Le Colosse, l’un des plus célèbres tableaux du Prado, n’était plus attribué à Goya mais à un peintre mineur, continue d’alimenter la controverse.
MONTPELLIER – La toile de Poussin Vénus et Adonis, démembrée depuis deux siècles, est exceptionnellement reconstituée au musée Fabre, la partie manquante, Paysage avec dieu fleuve , appartenant au Patti Birch Trust, étant prêtée dans le cadre d’une exposition.
NEW YORK – L’Archange Saint Michel, une sculpture en terre cuite d’Andrea della Robbia, appartenant au Metropolitan Museum, a été endommagée lorsqu’elle s’est décrochée de son attache murale le 1er juillet dernier. Le musée a ordonné une révision complète de tous les systèmes de fixation.
PARIS – La Fondation d’entreprise Ricard inaugure le 10 juillet un nouvel espace « lounge » créé par les architectes Jakob+MacFarlane
POMPÉI - Le gouvernement italien a déclaré le 5 juillet l'état d'urgence sur le site de Pompéi. Cette décision lui permettra de nommer un commissaire extraordinaire qui aura pour mission de prendre les mesures exigées par la dégradation de la zone archéologique, provoquée par le manque d'investissements et de gardiens, les visites clandestines, les chiens errants…
QUÉBEC – L’Unesco a accordé un sursis à Dresde en maintenant la ville sur la liste du patrimoine mondial jusqu’en 2009 pour laisser le temps d’une action en justice contre la construction d’un pont à quatre voies sur l’Elbe. Parmi les nouveaux sites inscrits lors de la réunion annuelle, qui se tient du 2 au 10 juillet : l'œuvre de Vauban en France, les villes de Mantoue et Sabbioneta en Italie, les églises en bois slovaques, des monastères arméniens en Iran.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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GRÉGOIRE SOLOTAREFF ET SON IMAGIER
MOULINS - Ses origines cosmopolites (d'ascendance russe et libanaise, il est né à Alexandrie), son goût pour l'image sous toutes ses formes (il a dessiné, photographié, créé des films) donnent à l'univers de Grégoire Solotareff une richesse particulière. Le Centre de l'Illustration tente d'en déterminer les contours.
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LACOSTE - Le Savannah College of Art propose sur son campus provençal la première diffusion européenne de Construction de l'histoire, le nouveau film de l'artiste Carrie Mae Weems, évoquant le mouvement des droits de l'homme aux Etats-Unis et dans le monde.