ArtAujourdhui.Hebdo
N° 101 - du 11 septembre 2008 au 17 septembre 2008
L'AIR DU TEMPS
La Biennale cherche ses marques
PARIS – Sa concurrente TEFAF de Maastricht est dans une forme éblouissante, avec un chiffre d’affaires en ascension constante et une image de marque bien calée. La Biennale parisienne a le bénéfice de l’antériorité - elle a été créée en 1956, TEFAF en 1975 – mais pâtit sans doute de sa moindre fréquence dans un marché qui cherche perpétuellement à se rassurer sur son état de santé. Le mobilier XVIIIe siècle, spécialité parisienne par excellence, étant au creux de la vague, le réservoir de l’Art déco ayant été largement ponctionné ces dernières années (pour preuve le show spécial des Vallois, qui présentent les plus belles passées entre leurs mains en un quart de siècle), c’est à d’autres spécialités qu’il incombera de prouver qu’il faut encore compter avec Paris : les arts premiers, les objets d’art, l’art moderne, le dessin ou le design de l’immédiat après-guerre. Parmi les 95 stands aux entrées uniformisées par le décorateur Patrick Bazanan – chacun se développant derrière une arche de 7 mètres – on note quelques retours, comme ceux du Néerlandais Vanderven & Vanderven (arts d’Asie) et d’Emmanuel Moatti (tableaux anciens), désormais installé à Londres, et la première participation du libraire Jean-Claude Vrain.
EXPOSITIONS
Tout Bacon moins l’atelier
LONDRES – Francis Bacon : on ne parle que de lui. Le peintre anglais disparu en 1992 accumule tous les records de ventes depuis deux ans. Le 14 mai dernier, chez Sotheby’s à New York, il a atteint 77 millions $ avec un Triptych de 1976, dépassant ainsi Rothko et Warhol. Le mauvais garçon déshérité par sa brute de père, marginal des Sixties – buveur, homosexuel et peintre figuratif – est donc adoubé post mortem. Pour ouvrir le centenaire de sa naissance (qui sera célébré en 2009), la Tate Britain a l’ambition de dresser son portrait définitif en convoquant une soixantaine d’œuvres, dont ses séries très connues inspirées par la Crucifixion ou par le pape Innocent X (d’après un portrait de Vélasquez qui le hantait) ainsi que ses divers triptyques de grande taille, dont celui consacré à la mort de son amant George Dyer. Cette rétrospective se nourrit évidemment des découvertes faites après sa mort dans son atelier. Pour découvrir cet espace fascinant, dont le désordre à été remonté avec une exactitude scrupuleuse, il faudra en revanche faire le voyage irlandais : il est visible à la Hugh Lane Gallery de Dublin.
Van Gogh, mon fils…
MARSEILLE – Tout le monde connaît Van Gogh. Qui connaît Monticelli ? Et pourtant, lorsque Van Gogh arrive à Paris en mars 1886, son désir est de continuer Monticelli, «comme si j’étais son frère ou son fils ». Et lorsqu’il fait des plans de vie commune avec Gauguin, sa « ferme intention » est d’aller se « promener sur la Canebière, habillé exactement comme Monticelli ». En mettant en regard une soixantaine d’œuvres de l’un et de l’autre, l’exposition de la Vieille-Charité permet de porter enfin le projecteur sur l’artiste marseillais (1824-1886). Celui-ci sut passer, dans ses dernières années, des fêtes galantes qui firent sa célébrité à une nouvelle peinture, à l’empâtement puissant, à la lumière intense. C’est cette époque qui influença profondément Van Gogh. Les deux hommes ne se rencontreront jamais : Monticelli meurt à Marseille le 30 juin 1886 alors que Van Gogh est encore chez son frère, à Paris.
ARCHITECTURE
Les chemins de l'utopie
VENISE – « Out there. Architecture beyond building ». Le titre est donné en anglais et a déjà suscité quelques grincements de dents : l’architecture au-delà du bâtiment, qu’est-ce que ça veut bien dire ? C’est en tout cas le thème de réflexion qu’a choisi le commissaire de la biennale d’architecture 2008, Aaron Betsky, 46 ans, ancien directeur du Netherlands Architecture Institute et actuel directeur du musée de Cincinnati. Et qui donne comme résultats des installations, des « visions », qui ont une forte charge utopique mais qui pourraient un jour trouver des applications concrètes. Cela va du vaisseau spatial ancré au-dessus de Rome par les Chinois de MAD (dans la section Uneternal City) à la yourte mongole dernier cri, des murs biomorphiques (blogwalls) de Greg Lynn, jusqu’à la version moderne du jardin de paradis. Les habitués de l’expérimentation sont là (MVRDV, Coop Himmelb(l)au, Zaha Hadid, Diller & Scofidio, Drooog Studio) ainsi que Frank Gehry, leur figure tutélaire. Betsky, qui a travaillé avec lui il y a vingt ans, n’a pas eu de mal à convaincre le conseil d’administration de la Biennale qu’il méritait le Lion d’or à la carrière.
VENTES
Hirst parade
LONDRES – Il fait partie, avec son compatriote Lucian Freud et avec Jeff Koons des trois artistes vivants les plus chers au monde. Aidé par une armée d’assistants, Damien Hirst (né en 1965), produit indifféremment des toiles couvertes de petits points de couleur, des armoires à pharmacie, des accumulations de cadavres de mouches séchées, des animaux placés dans des bacs à formol (parfois découpés en tronçons) ou un crâne humain constellé de 8601 diamants. Dans sa recherche du management efficace, Hirst a décidé de ne plus attendre que ses œuvres soient lentement choisies en galerie par des amateurs fortunés. Pour une allocation idéale de sa production récente, l’artiste la propose en bloc, le 15 septembre, aux enchères. Le passage sous le marteau est une démarche inédite, que l’on connaît plutôt pour disperser le fonds d’artistes décédés ou souhaitant tourner une page (récemment, Jean-Pierre Raynaud ou Hirst lui-même, en 2004, pour la décoration de son restaurant Pharmacy). C’est un pari risqué car il peut « asphyxier » le marché. De son veau d’or (Golden Calf) estimé plus de 10 millions d’euros aux collages d’ailes de papillon (autour de 100 000 euros), les 223 lots proposés en deux journées représentent une estimation globale de 80 millions d’euros. Jackpot en vue…
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
River Raft Adventure, 2008 Collage sur impression jet d'encre, 152.4 x 122 cm Courtesy galerie Praz-Delavallade
Marnie Weber : la petite musique de la vie
Elle est musicienne, vidéaste, elle fait des collages et des installations multimédia : Marnie Weber est bien dans l’air du temps avec sa production à multiples facettes. Et l’artiste californienne, née en 1959, n’entend abandonner aucun de ses différents avatars. On l’a vu récemment donner des concerts avec son groupe et son dernier travail, Spirit Girls, commencé en 2005, est une sorte de fresque-installation mêlant différentes techniques. Dans ce dernier épisode, les cinq jeunes filles qui ont connu une mort tragique avant de se réincarner sous forme d’esprits, aboutissent dans un cirque aux clowns tristes. L’installation, centrée sur un film qui amalgame l’épopée western et le mouvement hippie, comprend aussi les collages et les costumes de poupées, qui ont été un temps sa marque de fabrique.
LIVRES
Restitutions, l’histoire infinie
En couverture, une accumulation de tableaux contre un mur : peut-être des œuvres de Van Gogh, Corot, Manet ? Prises aux Rothschild, à Jacques Seligmann ou à Paul Rosenberg, le marchand de Picasso ? Cet ouvrage bilingue - son intérêt dépasse évidemment le seul public français – tente de synthétiser la politique française de restitution des œuvres d’art spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. De l’action du sinistre ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg), chargé d’organiser les saisies dans les pays dominés par le Reich – entre avril 1941 et juillet 1944, il expédia de France en Allemagne 138 wagons de train contenant plus de 22 000 lots - au long processus d’identification des propriétaires légitimes (qui connut un endormissement entre 1960 et le milieu des années 1990), l’affaire n’est en fait pas terminée. Tous les tableaux n’ont pas encore retrouvé leur propriétaire. Après une introduction historique assez dense, une seconde partie présente le parcours de certaines de ces œuvres dites MNR (Musées nationaux Récupération), du Portrait d’Antonin Proust par Edouard Manet aux Baigneuses de Courbet. Jusqu’au 28 septembre, elles peuvent être vues au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.
BRÈVES
ANGERS – Le festival d’arts de la rue « Les Accroche-Cœurs », qui se tient du 11 au 14 septembre 2008, s’accompagne de l’intervention de plasticiens angevins, qui « sténographient » leur ville.
CHELLES – La commande publique passée à l’architecte Marc Barani et au designer Martin Szekely – l’aménagement en espace d’art visuel des églises jumelles de la ville de Seine-et-Marne - est inaugurée le 13 septembre.
MOSCOU – Le Garage, centre d’art contemporain financé par Dacha Joukova, la fiancée du milliardaire russe Roman Abramovitch, ouvre le 17 septembre 2008 dans une gare de bus dessiné au milieu des années 1920 par l’artiste constructiviste Constantin Melnikov. La première exposition est consacrée à Ilya et Emilia Kabakov.
NAPLES – Installé dans une ancienne centrale électrique, le Museo Nitsch est inauguré le 13 septembre 2008. Il est entièrement consacré à l’œuvre de l’artiste allemand Hermann Nitsch, célèbre pour ses performances, qui vient de fêter son 70e anniversaire.
NEW YORK – Thomas P. Campbell a été nommé directeur du Metropolitan Museum en remplacement de Philippe de Montebello, qui quitte ses fonctions le 1er janvier 2009 après un mandat-record de 31 ans. Formé à Cambridge, Campbell travaille depuis 1995 au « Met », où il est actuellement conservateur du département de la sculpture et des objets d’art européens.
PANAMA – La 8e Biennale de Panama, avec, entre autres Francis Alys, Sam Durant, Jonathan Monk, a ouvert le 9 septembre et se tient jusqu’au 21 octobre 2008.
SEOUL – La 5e Biennale internationale d’art médiatique (media art) se tient du 11 septembre au 5 novembre 2008. Parmi les 70 artistes présents, le Mexicain Carlos Amorales, la Belge Ann Veronica Janssens et le Sud-Africain William Kentridge.
VERSAILLES - Du 11 septembre au 14 décembre, Jeff Koons occupe, avec ses œuvres monumentales, différents espaces du château de Versailles.
YOKOHAMA – La Triennale de Yokohama se tient du 13 septembre au 30 novembre 2008. L’inauguration est marquée par plusieurs performances d’artistes.
ZURICH – La maison de ventes aux enchères Koller, autrefois galerie de gravures équestres, fête son cinquantenaire avec une série de vacations « jubilé », dont les premières se tiennent du 15 au 22 septembre 2008.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
ARTéNIM 2008
NÎMES - La 9e édition de la foire d'art contemporain du Sud de la France se tient du 25 au 29 septembre. La dimension internationale est soulignée par la présence de deux pays invités, l'Egypte et le Maroc, tandis que l'estampe fait l'objet d'une attention particulière. La traditionnelle Nuit de l'art se tient le 26 septembre.