ArtAujourdhui.Hebdo
N° 104 - du 2 octobre 2008 au 8 octobre 2008
L'AIR DU TEMPS
Chérie, j’ai rétréci les Tuileries
L’incendie du château des Tuileries, qui était accolé au Louvre, a été l’un des grands faits de la Commune en 1871. Il en reste des bribes de fondations sous terre, des éléments sculptés dans des dépôts de banlieue et deux pavillons – Flore et Marsan, désormais intégrés au Louvre. Bien peu pour imaginer ressusciter le palais de 200 mètres de long… C’est pourtant l’objectif avoué d’un Comité national, qui vient de tenir un colloque suivi à la Sorbonne. On a bien reconstruit l’église de Dresde - et le palais royal de Berlin devrait suivre. Certains s’insurgent contre un pastiche moderne. Savent-ils que la tour Saint-Jacques et Notre-Dame de Paris, périodiquement restaurées, sont en grande partie des « faux » ? Les matériaux d’origine ont été quasiment tous remplacés. Les détails ont été mis au point : coût zéro pour l’Etat grâce à l’intervention de mécènes, un bail emphytéotique de 80 ans, un centre de congrès à l’intérieur, des espaces supplémentaires pour les musées du Louvre et des Arts décoratifs. Il n’y a guère qu’un souci : la reconstruction boucherait la célébrissime perspective qui s’étend de l’Arc de Triomphe jusqu’à la pyramide de Pei. Dans la ville la plus visitée au monde, le paysage urbain est un actif qui vaut de l’or. Le virtuel est à la mode : pourquoi ne pas s’en offrir une version bis, tronquée au milieu ?
Le site du Comité national pour la reconstruction des Tuileries
EXPOSITIONS
L’artiste, ce génie
BERLIN – Le culte de l’artiste est-il chose nouvelle ? Date-t-il de Duchamp et Picasso ? Certainement pas. On se souvient des anecdotes de Pline concernant le sculpteur Phidias, contemporain de Périclès, et le peintre Appelle : ils étaient des demi-dieux. A la Renaissance, Titien pouvait parler d’égal à égal avec Charles-Quint. Avec une série d’expositions monographiques, les musées de Berlin ont décidé de se pencher, d’octobre 2008 à février 2009, sur le « culte » rendu à des auteurs plus récents : Klee, Beuys, Warhol, Giacometti ou Koons. L’exploit artistique était autrefois le motif premier d’admiration. Avec le développement des mass-media, c’est l’aptitude de l’artiste à faire parler de lui, à choquer la morale dominante, à générer des royalties étourdissantes (dernier cas en date, celui de Damien Hirst, véritable gérant de fonds d’investissement) qui semble fonder le « mythe ». L’une des expositions les plus originales est celle qui met aux prises l’écrivain Clemens Brentano et le sculpteur Karl-Friedrich Schinkel. Les deux amis s’étaient fixés un défi : déterminer quelle est, de l’écriture ou des arts plastiques, la plus haute forme d’art. Une vraie recherche sur les racines de la gloire…
Pomodoro voit grand
MILAN - Ils sont deux frères et on les confond souvent : Giò (1930-2002) et Arnaldo Pomodoro (né en 1926) ont marqué la sculpture monumentale de la seconde moitié du XXe siècle avec de grandes compositions géométriques en métal. La fondation Arnaldo Pomodoro rassemble dans une exposition 35 ans de création d’Arnaldo, qui montrent, depuis Cono Tronco de 1972, sa progressive extension dans l’espace. Ses cercles de bronze doré et couvert d’entailles, ses gyroscopes, ses obélisques de marbre plantés à l’envers ont fait l’objet d’installations dans l’espace public. Le groupe dit de Pietrarubbia (1975-76) ressemble à de gigantesques tablettes d’inscriptions cunéiformes. Arnaldo Pomodoro, qui a voulu, à l’instar de Marino Marini ou Mark di Suvero, posséder un noyau de ses propres œuvres, les rassemble (parfois en les rachetant) depuis un quart de siècle. Il les a d’abord réunies à Rozzano, dans la banlieue de Milan. Depuis peu, sa fondation est installée dans le quartier Ansaldo, dans un bâtiment spectaculaire de 15 mètres de plafond, l’ancienne usine de turbines électriques Riva & Calzoni.
Picasso se penche sur le passé
PARIS - Il a tellement dynamité l’art du XXe siècle qu’on a du mal à concevoir qu’il ait pu éprouver de l’admiration pour les maîtres anciens. C’est pourtant le cas : marqué par une éducation très académique, où la copie et le dessin d’après nature occupaient une grande place, Picasso a toute sa vie produit des «variations» sur des œuvres célèbres. Il a ainsi sollicité le Greco (Portrait d’un artiste), Vélasquez (les Ménines) ou les femmes nues de Cézanne. Les originaux et les interprétations sont réunis au Grand-Palais pour montrer que l’inventeur du cubisme avait aussi son côté «classique». Parallèlement, le musée d’Orsay présente 14 des 26 tableaux que Picasso a réalisés à partir du Déjeuner sur l’herbe de Manet et le Louvre en fait autant autour des Femmes d’Alger de Delacroix.
VENTES
Cadres moyens et supérieurs
PARIS – On a un peu perdu l’habitude de donner aux œuvres d’art un écrin qui leur convienne. La faute au minimalisme, à la vogue de l’installation, à la poussée de la vidéo ? Volonté de ne pas troubler le plaisir de la contemplation par des éléments annexes ? Toujours est-il que le cadre, qui était autrefois une partie essentielle du tableau, peine à retrouver ce rôle. C’est pourtant un élément décoratif remarquable qui peut, même lorsqu’il est classique, s’accommoder de compositions contemporaines. La sélection proposée à Drouot le 3 octobre est très complète. Il y a là toutes sortes d’essences : chêne bien sûr, mais aussi sapin, bois fruitiers, tilleul, hêtre ou, pour l’exotisme, amarante, acajou et ébène de Macassar. Ces cadres, dont les estimations s’étagent entre 70 € et 11 000 € (pour un décor à la Berain d’époque Louis XIV), possèdent tous les motifs envisageables : palmettes, rinceaux, têtes de chérubin, queues de cochon, feuilles d’olivier ou raies de cœur. Autant savoir ce que l’on veut car ils peuvent être teintés, incrustés, patinés, argentés ou dorés, très grands ou minuscules, comme ce cadre mouluré du XIXe siècle, conçu pour des échantillons de pierres. Il ne mesure que 5,5 x 9,8 cm mais est estimé 600 €. Sans doute le plus cher au centimètre carré…
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Sans titre Diamètre : 100 cm Technique mixte (hoollahop, capsules) Courtesy galerie Baronian Francey
Ry Rocklen : une seconde vie pour les déchets
Son approche n’a rien de révolutionnaire : plutôt que de sculpter ou peindre, Rocklen est un « assembleur ». Il réutilise des objets déjà existants pour leur donner un nouveau sens en les combinant avec d’autres. Né en Californie en 1978, Rocklen est plus sensible que d’autres aux thématiques de développement durable, de pollution, de recyclage. Ce qui explique qu’il privilégie les rejets de la société de consommation – ballons troués, capsules de boissons gazeuses, jouets, emballages, vieilles bottes en plastique – pour ses installations. La référence à Duchamp ou à Rauschenberg est inévitable mais ne disqualifie pas sa démarche, ne serait-ce que parce que le jeune Américain, qui a été sélectionné pour la Biennale du Whitney Museum en 2008, utilise des déchets tout à fait contemporains…
LIVRES
Sarrabezolles, poète du béton
Il est mort comme Molière, dans l’exercice de son art : en février 1971, il tombe alors qu’il sculpte un buste dans son atelier et décède des suites de sa chute. Il a 82 ans. Le nom de Carlo Sarrabezolles, toulousain d’origine, n’éveille guère d’écho aujourd’hui. Il est pourtant l’inventeur d’une méthode nouvelle : la sculpture directe sur le béton en prise, qu’il expérimente pour la première fois à l’automne 1928 sur l’église d’Elisabethville, dans les Yvelines. Pour réaliser de grands groupes en relief, Sarrabezolles s’attaque au béton à peine décoffré et encore suffisamment tendre. Il peut ainsi produire plusieurs personnages en une seule journée, achever la façade de l’église en quelques mois et mettre en application son objectif : la sculpture doit faire corps avec l’architecture. Ce catalogue, qui accompagne une exposition itinérante (elle sera à Reims, au musée des Beaux-Arts à partir du 16 octobre), retrace les époques de sa carrière, des monuments aux morts des années vingt aux grandes expositions de l’entre-deux-guerres (des Arts décoratifs en 1925, coloniale en 1937), en passant par les bustes d’amis et les programmes d'envergure, du paquebot Normandie ou du Palais de Chaillot.
BRÈVES
COLOGNE – Art Fair.21, rassemblant une soixantaine de galeries d’art contemporain, dont une dizaine d’origine asiatique, se tient du 2 au 5 octobre 2008.
NEW YORK – L’International Art+Design Fair, consacrée au design du XXe siècle, accueille une quarantaine de galeries au Park Avenue Armory, du 3 au 8 octobre 2008.
PARIS – La 7e Nuit blanche parisienne, avec expositions et performances variées, débute le 4 octobre 2008 en fin d'après-midi et s’achève au matin du 5 octobre. La programmation artistique est assurée par Hervé Chandès et Ronald Chammah.
PARIS – La collection Léon Lévy, de mobilier et d’objets d’art du XVIIIe siècle, est mise en vente par Sotheby’s le 2 octobre.
POZNAN (Pologne) – La biennale d’art contemporain « Médiations » se tient du 3 au 30 octobre 2008. Elle rassemble 200 artistes en une quinzaine d’expositions.
ROME - Femme nue, un tableau de Renoir volé il y a 33 ans à une famille milanaise, a été retrouvé par la police italienne chez un galeriste de Riccione.
SAN FRANCISCO - L'Académie des sciences de Californie a inauguré le 27 septembre son nouveau musée. Avec son toit végétalisé et son air conditionné naturellement, le bâtiment dessiné par Renzo Piano se veut à l'avant-garde de la pensée écologique.
SEVILLE – La 3e Biennale internationale d’art contemporain de Séville, qui se tient du 2 octobre au 11 janvier 2009 sous l’intitulé « Œyouniverse », réunit plus de 150 artistes.
TORONTO – La foire d’art contemporain Art Toronto se tient du 2 au 6 octobre 2008.
VERSAILLES – Le Petit Trianon de Marie-Antoinette, restauré avec le mécénat de Montres Bréguet, rouvre au public le 2 octobre 2008.