ArtAujourdhui.Hebdo
N° 105 - du 9 octobre 2008 au 15 octobre 2008
L'AIR DU TEMPS
Interdit de ne pas toucher !
ROME - Dans les musées, qui ose, aujourd’hui, s’approcher des œuvres ? Des fils maintiennent à distance, des alarmes sonnent et des gardiens revêches sont prêts à parachever le travail si l’on n’a pas obtempéré devant cet arsenal. Des artistes ont bien tenté de rompre cet isolement comme Robert Rauschenberg, qui souhaitait que le public participe à ses « Combines ». En vain… C’est donc un véritable bain de jouvence que de se replonger dans le parcours créatif de Bruno Munari, qui a chahuté au cours de sa vie (1907-1998) l’idée qu’e l’on se fait de l’œuvre d’art et de la distance intimidante qu’elle impose. L’une des expositions montées à Rome pour le célébrer invite d’ailleurs les enfants à toucher pour mieux comprendre, fondement de sa méthode didactique. Iconoclaste, Munari a inventé, à côté de cendriers et de lampes toujours en production, des « sculptures de voyage », des « machines inutiles », une montre où les heures sont placées dans le désordre (projet pour Swatch) ou une « chaise pour les visites très brèves », dont le dossier est incliné à 45°. A propos, ne pourrait-on l’installer dans les musées, pour accélérer le roulement des visiteurs ?
EXPOSITIONS
Etre artiste en 14-18
MADRID - C’est une sculpture de Derain, récemment découverte. Sa particularité : elle a été réalisée à partir d’une tête d’obus. Elle symbolise le propos de l’énorme exposition du musée Thyssen et de Caja Madrid : comment les artistes européens – dont la plupart étaient « bellicistes », nous disent les commissaires – ont-ils continué à produire pendant le premier conflit mondial ? Lors de permissions, de convalescences ou même au front : Braque, Léger, Franz Marc ou Boccioni sont quelques-unes des personnalités majeures qui ont été tuées ou blessées entre 1914 et 1918. Plus de 220 œuvres, de 68 artistes, provenant de 80 prêteurs : l’exposition a des prétentions à être exhaustive sinon définitive. On y découvre les cavaliers de Severini et Man Ray, les rassemblements patriotiques de Gleizes et Sironi, les autoportraits en soldat de Beckmann ou Kirchner (à la main coupée). Un déploiement qui amène à une conclusion amère : la guerre est aussi une explosion unique de créativité.
Van Dyck, peintre des rois
PARIS – C’est un peintre cosmopolite et la provenance des tableaux rassemblés au musée Jacquemart-André le prouve : l’Ermitage, la fondation Calouste Gulbenkian à Lisbonne, le Getty Museum, la Pinacoteca Capitolina, les musées de Dresde, Bruxelles, Vienne, Edimbourg… Né à Anvers, formé dans l’atelier de Rubens, Van Dyck a travaillé à Rome, Gênes et Londres (pour le roi Charles Ier), et répondu à des « appels d’offres » à Paris (pour la Grande Galerie du Louvre, où il est devancé par Poussin). Mort jeune (à 42 ans en 1641), il a réussi à s’imposer comme le portraitiste le plus brillant du XVIIe siècle, rendant aussi bien la puissance terrienne des bourgeois flamands que le raffinement décadent des princes d’église romains. L’exposition se clôt sur un petit cabinet de dessins, rappelant l’importance du travail sur papier - études préparatoires aux tableaux ou modèles pour les graveurs, qui furent les principaux diffuseurs de la célébrité de Van Dyck.
La Pompadour, ambassadrice du goût français
TOURS – Après Marie-Antoinette, la Pompadour ! Les égéries de l’Ancien Régime finissant sont à la mode. Après l’épouse légitime de Louis XVI, voici la Poisson, petite bourgeoise devenue la maîtresse de Louis XV. Le musée des beaux-arts de Tours a une autre ambition que de l’exposer, poudrée et perruquée, dans une infinité de postures. Il s’agit de montrer combien la courtisane a marqué de son empreinte l’esthétique française du XVIIIe siècle, époque où l’homme « d’esprit » de Molière est supplanté par l’homme « de goût », au libre-arbitre affirmé. Amatrice de chocolat et de champagne, la Pompadour a aussi été une grande mécène auprès des artistes, a soutenu la manufacture de Sèvres et défendu, par l’intermédiaire de son frère, le marquis de Marigny, Ordonnateur général des Bâtiments du roi, le retour à l’antique en architecture. Organisée dans le cadre de la coopération franco-américaine (FRAME), l’exposition réunit une soixantaine de tableaux de Boucher, Greuze, Chardin et Fragonard.
VENTES
Attribué à Filippo Bellini (Urbino vers 1550-Macerata 1603)
Portrait de Sixte Quint, 94 x 110 cm.
Estimation : 30 000 - 40 000 €.
Courtesy Beaussant-Lefèvre
Petits prix sur le Grand Siècle
PARIS – Dans leur longue et riche carrière de galeristes, Guy et Christiane de Aldecoa ont contribué à identifier des tableaux de maîtres français du XVIIe siècle comme Lubin Baugin ou Simon Vouet. Ils comptaient parmi leurs proches une des sommités de l’histoire de l’art de la seconde moitié du XXe siècle, Federico Zeri. Un accord n’ayant pu être trouvé pour une cession à un grand musée française, une partie de leur collection est dispersée. Il y a là de quoi s’approcher de grandes signatures pour des estimations très sages : un Bassano à 20 000 €, un Sofonisbe Anguissola à 10 000 €, un portrait hiératique de femme espagnole portant la fraise par Juan Pantoja de la Cruz à 4 000 € ! Inutile de préciser que ces estimations ont toutes chances d’être contredites… Parmi les cent toiles proposées, réalisées entre le XVIe et le début du XIXe siècle, les stars seront probablement un Christ en croix attribué à Mathieu Le Nain (45 000 €) ou L’Education de Bacchus par Antoine Coypel (50 000 €)
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Christiane Pooley : pour la peinture
Elle est Chilienne, jeune et jolie, et bénéficie pour sa première exposition parisienne d’un lieu prestigieux, la New Galerie de France, longtemps animée par Catherine Thieck. Celle-ci a été rejointe par Catherine Dana, autrefois chez Sotheby’s, pour donner un coup de jeune à son espace. Christiane Pooley, 25 ans, s’y inscrit dans la programmation à côté de d’autres espoirs comme Florian Schmitt ou Jonathan Delachaux ou de valeurs sûres comme Martial Raysse. Formée à Santiago puis au Chelsea College of Art and Design, elle est foncièrement figurative. De grands personnages colorés qui sont parfois, dit-on, les visiteurs de ses expositions, peuplent ses toiles. Dans des attitudes passives, assis, déambulant, accoudés, la veste sur l’épaule, ils sont nos exacts contemporains. Exécutés à l’huile, ces tableaux semblent illustrer le retour en grâce de la peinture et de la représentation humaine.
LIVRES
Sous le verre, la couleur
Eglomisés, fixés sous verre, peinture à frais avec ajout de feuilles d’or, peinture putoisée ? Un vocabulaire technique minimal est nécessaire pour pénétrer le monde de la peinture sous verre. L’auteur est bien placée pour l’exposer : la moitié des œuvres reproduites proviennent de sa collection. On associe généralement cette technique à des images pieuses un peu naïves, aux couleurs vives – saints de Bohême et d’Italie du Sud, scènes paysannes de Bavière, ex-voto marins de Flandre. En réalité, la variété de la peinture sous verre est bien plus grande qu’on ne l’imagine, des bols « sandwich or » des Pouilles au IIIe siècle av. J-C (la feuille d’or étant exactement intercalée entre deux bols s’emboîtant) aux décors des restaurants de la Belle Epoque (le Grand Véfour par exemple) jusqu’aux créations des naïfs croates du XXe siècle… Avec une prime au XVIIIe siècle : il voit se cotoyer les natures mortes de Franche-Comté, dans le goût de Chardin, les portraits lorrains, les peintures savantes d’Augsbourg et de Suisse centrale (scènes mythologiques, vues d’architecture).
BRÈVES
BERLIN – Le festival des lumières, comportant l’illumination de nombreux bâtiments publics, se tient du 14 au 26 octobre 2008.
BOURBOURG – La commande passé à Anthony Caro pour l’église Saint-Jean-Baptiste de Bourbourg (département du Nord) est inaugurée le 11 octobre 2008. Parallèlement, une rétrospective consacrée à l’artiste britannique se tient dans trois musées de la région, à Calais, Dunkerque et Gravelines.
COLOMBEY-LES-DEUX-EGLISES – Le Mémorial Charles de Gaulle, conçu par les architectes Jacques Millet et Jean-Côme Chilou, avec une scénographie de l’agence Le Conte-Noirot, est inauguré le 10 octobre 2008 en présidence de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
PARIS – Le Centquatre, « lieu de renouveau culturel et de vitalité créatrice », ouvre le 11 octobre 2008 au 104 rue d’Aubervilliers (19e arrdt). Il offrira une programmation pluri-culturelle et des résidences d’artistes.
PARIS – Julien Anfruns, ancien directeur financier du musée du Louvre est depuis le 1er octobre 2008 directeur général de l’ICOM (Conseil international des musées).
PARIS – Olivier Tcherniak, secrétaire général de la Fondation Orange, a été élu président d’Admical (Carrefour du mécénat d’entreprise), en remplacement de Jacques Rigaud, l’un des fondateurs de l’association.
PARIS – Cassandre/Horschamp, association qui alimente une importante base documentaire sur le monde de l’art et édite la revue homonyme de qualité, est en difficulté du fait de la baisse des subventions des pouvoirs publics.
PARIS – Place aux artistes, salon d’art contemporain en plein air, se tient place Jacques-Demy dans le 14e arrondissement les 11 et 12 octobre 2008, de 10h à 19h.
PARIS - La vente dédiée à Jacques Brel les 6 et 7 octobre chez Sotheby's a rapporté 1,05 million €. Le lot le plus cher a été le manuscrit de la chanson Amsterdam, adjugé à 108 750 €.
ROME – Lors du Roma Art Weekend, les galeries d’art contemporain sont ouvertes jusqu’à minuit vendredi 10 et samedi 11 octobre 2008.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
REMBRANDT, PEINTRE DES HISTOIRES
MADRID - Pour sa première exposition en Espagne, le génie hollandais est présenté au Prado sous son profil de narrateur d'histoires : Saint Paul, Samson et Dalila, Bethsabée au bain sont quelques-uns des 35 tableaux prêtés pour l'occasion par les grands musées du monde.
MONET, L'ŒIL IMPRESSIONNISTE
PARIS - Décrypter le regard de Monet à travers une soixantaine de tableaux qui permettent de mesurer sa science des contrastes, des ombres colorées, des couchers de soleil : tel est le propos de l'exposition au musée Marmottan Monet, qui rappelle que le fait de souffrir de la cataracte a dû contribuer à la créativité de l'artiste…