ArtAujourdhui.Hebdo
N° 110 - du 13 novembre 2008 au 19 novembre 2008
L'AIR DU TEMPS
Paris, capitale de la photo
Comme chaque année, la grand-messe revient : pour Paris Photo, plus d’une centaine de galeries internationales – dont un fort contingent nippon - se retrouvent dans les souterrains du Louvre. Mais 2008 est une année « forte » : elle se double, comme toutes les années paires, du Mois de la photo, qui investit musées et galeries dans toute la ville depuis 1980. Le festival s’est internationalisé : des petits frères sont nés à Rome, Berlin ou Bratislava. La Maison européenne de la photographie en est un peu le pivot : on pourra y voir des expositions consacrées à la jeune photographie européenne, à Sabine Weiss ou au duo dandy McDermott & McGough. Leur démarche est originale : à l’heure où tout le monde a fait le virage numérique, ils ont accumulé des stocks de collodion, de sels d’argent et de plaques de métal pour refaire des photos à l’ancienne. Quand le démodé redevient l’extrême avant-garde…
Le programme du Mois de la photo sur le site de la Maison européenne de la photographie
EXPOSITIONS
Costakis, passeur de l’art russe
PARIS - On peut bien sûr faire le voyage de Thessalonique pour la découvrir au musée d’Art moderne (tout comme on peut faire le voyage de Lisbonne pour voir la collection Berardo, actuellement présentée au musée du Luxembourg). Mais Thessalonique s’inscrit moins souvent sur les itinéraires que Lisbonne et la collection Costakis est si « immanquable » que l’on se doit de mentionner sa venue en France. Attaché pendant deux décennies à l’ambassade du Canada en Union soviétique, Georges Costakis, fils d’émigrés grecs, s’est passionné pour l’avant-gardes des années vingt. Il a eu une facilité particulière à obtenir des œuvres de grand format, que les collectionneurs ne pouvaient plus conserver dans les appartements communautaires, trop exigus. Mais il a aussi accumulé des chefs-d’œuvre absolus, de Malévitch, Rodtchenko, Kliun, Tatline ou Popova. On découvre un sixième de cette collection qui compte près de 1300 œuvres : une excellente mise en bouche et une invitation à aller enfin à Thessalonique, aux vacances prochaines, plutôt que dans les sempiternelles îles…
Le regard de Salomon
On l’appelait « le roi des indiscrets » : un sobriquet qui fait sourire si l’on pense à ce que faisait à la même époque Weegee dans les rues de New York ou aux outrances des paparazzi des années 1970. Mais une photo célèbre d’Erich Salomon, évidemment présente dans l’exposition, a suffi à immortaliser cette appellation : on y voit Aristide Briand, en août 1931, entouré d’autres hommes d’Etat, pointer du doigt le photographe. C’est que celui-ci avait le don de pénétrer dans les antichambres de la grande politique de l’époque pour en donner une image loin de la raideur des clichés officiels. Réceptions mondaines, luxueux transatlantiques, conférences internationales aux moquettes épaisses sont ses terrains de chasse préférés. Utilisant des appareils peu voyants et silencieux, Salomon produira une œuvre abondante en quelques années (fils d’un banquier juif ruiné par la crise, il n’avait commencé la photographie qu’en 1928, à l’âge de 41 ans). Après la prise de pouvoir par Hitler, il s’installera aux Pays-Bas mais sera déporté à Auschwitz, où il mourra en 1944.
Erasme, c’est fou !
ROTTERDAM – Le musée de la ville rend hommage au grand homme de la ville. Il y a 500 ans (déjà !), Erasme publiait son Eloge de la folie, qui est demeuré un best-seller à travers les siècles. Plutôt que de célébrer le grand humaniste en accumulant des portraits (ce qui est néanmoins fait, avec ceux de Quentin Metsys, Hans Holbein le Jeune, Albrecht Dürer), le propos des commissaires a été de faire revivre sa pensée en disséquant son livre le plus connu. On peut voir l’écolier modèle, dépeint par Jan van Scorel, mais surtout les différents types de « folies » que brocardait Erasme, de l’amour de l’argent (avec Le changeur et sa femme de Quentin Metsys) à la concupiscence (illustrée par une représentation trop « érotique » de la Vierge et l’Enfant par Jan Gossaert, dit Mabuse).
VENTES
Sabine WEISS (née en 1924), Cheval ruant, Porte de Saint-Cloud, Paris, années 1950, épreuve gélatino-argentique des années 1980. Signée à l'encre sous l'image dans la marge, 30 x 40,5 cm avec marges. Courtesy Piasa.
L’œil de Roegiers
PARIS – Des photographies à prix contenu (quelques milliers d’euros tout au plus), réalisés par des stars et portant des annotations personnalisées : c’est ce que l’on trouvera chez Piasa dans la vente du 14 novembre, dont le cœur est constitué de la collection de Patrick Roegiers. Critique photo au Monde pendant une dizaine d’années, aujourd’hui davantage connu comme romancier, Roegiers a rencontré ou connu tous les photographes dont il vend les tirages. Il y a là Helmut Newton (avec un grand nu au monocle), Sabine Weiss (avec un cheval de trait, ruant, dans les années 50 porte de Saint-Cloud), Jan Saudek, Les Krims ou René-Jacques. La plupart de ces images ont été données à l’écrivain par les artistes. L’originalité de la vente provient aussi de la présence de manuscrits de Roegiers lui-même, qui s’intercalent entre les lots de photos.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Edward & Nancy Reddin Kienholz, The Pool Hall, 1993, 245 x 250 x 138 cm, courtesy galerie Lelong
Ed Kienholz : entre Dada et Rauschenberg
Il fait partie de cette confrérie d’artistes qui ont à leur actif non seulement des vernissages mais aussi des fermetures musclées d’expositions. En 1966, la présentation de Back Seat Dodge ‘38 suscite un scandale au Los Angeles County Museum of Art. Cette installation évoque des amours – pas forcément illicites - sur le siège arrière d’une automobile. On a beau être en pleines sixties, l’exposition est interrompue… Après une phase initiale de peintre abstrait, Ed Kienholz (1927-1994) a produit des assemblages, à partir de tôles, de matériaux de rebut, de mannequins, qui sont une critique de la société. Scènes de bar, de bordel, d’avortement, d’hôpital, elles sont rarement montrées chez lui aux Etats-Unis et Kienholz s’installe en Allemagne où il travaille avec sa femme jusqu’à sa mort. La galerie Lelong, qui l’avait déjà exposé en 1979, montre des créations des années 1969 jusqu’à sa mort.
LIVRES
Photo à la française
Des premiers essais de Niépce à Châlon-sur saône en 1826 jusqu’aux vues aériennes de Yann Arthus-Bertrand, comment définir la création photographique du pays qui a inventé la photographie ? Pour une fois, ce n’est pas un historien ou un critique d’art qui répond mais un photographe, Claude Nori, connu pour ses portraits de villégiatures italiennes, également fondateur des éditions Contrejour et du festival Terres d’images à Biarritz. Malgré une écriture parfois un peu rapide (« Guy Bourdin fait voler en éclats les univers souvent opposés de la photographie d’art et de celle de la mode » et, page suivante, « Jeanloup Sieff parvient à faire voler en éclats tous les genres »), l’intérêt de cet essai est qu’il est davantage une histoire des photographes qu’une histoire de la photographie, ce qui le rend particulièrement lisible. Les grands genres – reportage, mode, nature morte, nu, « nouvelles images », etc - sont clairement regroupés et mis en relief à travers les biographies de leurs principaux exposants.
BRÈVES
ABU DHABI – Art Paris Abu Dhabi, petite cousine de la foire parisienne, se tient du 17 au 21 novembre 2008.
COLOGNE – La foire Cologne Fine Arts and Antiques se tient du 19 au 23 novembre 2008 et accueille environ 80 marchands internationaux, d’art ancien, d’arts décoratifs et de livres.
MADRID – La foire Feriarte se tient du 15 au 23 novembre 2008 avec quelque 170 antiquaires, proposant des objets de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle.
NEW YORK – La 23e édition de Modernism, foire consacrée au mobilier du XXe siècle, se tient au Park Avenue Armory du 14 au 17 novembre 2008 avec la participation d’une soixantaine de marchands.
PARIS - Le salon MAC2000, réunissant 130 artistes, se tient à l'Espace Champerret, du 19 au 22 novembre 2008.
PARIS - Les rencontres professionnelles Business & Culture, axées sur les techniques de recherche de mécénat, se tiennent à la Cité de l'Architecture les 20 et 21 novembre 2008.