ArtAujourdhui.Hebdo
N° 112 - du 27 novembre 2008 au 3 décembre 2008
L'AIR DU TEMPS
In vino veritas
L’art et le raisin font bon ménage depuis longtemps. Alexandre le Grand était fasciné par les grappes peintes par Apelle – elles trompaient même les oiseaux chapardeurs ! Vélasquez et Cézanne se sont régalés de portraits de buveurs de vin. Plus près de nous, quelques grands producteurs vinicoles ont décidé de renouveler ce lien en travaillant avec des artistes ou en hébergeant dans leurs chais d’intéressantes collections d’art. Les étiquettes de Mouton-Rotehschild, signées par Carlu, Marie Laurencin ou Baselitz, les verres anciens du château Pichon-Longueville-comtesse de Lalande, la collection de Donald Hess dans la Napa Valley, fournissent quelques exemples de vignerons esthètes. En la matière, le Nouveau Monde tient la dragée haute à l’Ancien : le trophée 2009 des « Great Wine Capitals » dans le domaine de la culture a été décerné le 13 novembre dernier au domaine argentin Killka Salentein. Outre son architecture remarquable, signée Bormida-Yanzón, et son jardin de sculptures en plein air, il possède un musée, une galerie d’exposition temporaire et une conservatrice à plein temps. Des conditions que pourraient lui envier bien des musées « classiques ». La tendance est plus qu’anecdotique : le premier musée monographique consacré à James Turrell ouvrira en 2009 à Colomé, un autre domaine de Donald Hess, également en Argentine.
EXPOSITIONS
L’Italie de Turner
FERRARE - Pour les artistes anglais du XIXe siècle, le voyage en Italie était une indispensable étape formatrice. Il permettait un contact rapproché avec les œuvres de l’Antiquité et de la Renaissance et avec les paysages qui les avaient inspirées. Pour Turner, ce fut un coup de foudre comme le confirme l’exposition du Palazzo dei Diamanti, qui rassemble près de cent œuvres sur le sujet. Si les voyages étaient à l’époque moins fréquents qu’aujourd’hui, ils étaient en revanche plus longs. On ne partait pas pour une semaine mais pour plusieurs mois. Et les effets s’en faisaient sentir bien après le retour. Ainsi, la moisson d’impressions recueillies par Turner lors de ses visites de 1802, 1819 et 1828 lui servirent plus tard grâce aux souvenirs emmagasinés sous forme d’esquisses ou de carnets de dessins. Turner peint le lac d’Averne en 1815 ou une Vue de Rome depuis l’Aventin en 1836, des années après les avoir vus de ses propres yeux. Les couleurs de l’Italie ont aussi joué un grand rôle dans sa dernière manière, révolutionnaire, où les formes se dissolvent dans la lumière, annonçant l’impressionnisme, comme dans cette Arrivée à Venise de 1844.
Hans Erni, plus grand que nature
MARTIGNY - Les centenaires ou quasi-centenaires actifs dans le monde de la culture deviennent presque monnaie courante. Claude Lévi-Strauss fête ses 100 ans ce 28 novembre et le cinéaste Manoel de Oliveira le suit dans la roue, au début du mois de décembre. Si le photographe argentin Horacio Coppola, 103 ans, a freiné son activité, Louise Bourgeois, 98 ans, et Hans Erni, 99 ans, ne montrent pas de signes de relâchement. C’est ce dernier que célèbre la fondation Gianadda. Enfant du pays – il est né à Lucerne et son père était machiniste sur les bateaux du lac des Quatre-Cantons – Erni a assumé plusieurs personnalités, comme pour mieux brouiller les pistes. Peintre de chevalet, illustrateur de missions ethnographiques, affichiste, voire typographe (avec son alphabet formé de couples nus), Erni a repris le flambeau des artistes de la Renaissance sur les grandes dimensions : en 1939, la fresque qu’il réalise, Suisse, pays de vacances des peuples mesure 500 mètres carrés.
Eloge de l’architecture pauvre
PARIS – Leur œuvre emblématique pour le grand public, c’est la transformation du Palais de Tokyo : une intervention minimale laissant aux espaces un air de friche industrielle, qui ne pose aucun obstacle à leur utilisation et laisse ouverte toute modification d’usage à venir. Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont fait du chemin dans cette approche à la fois esthétique et éthique – créer des bâtiments simples, utilisant au mieux les matériaux locaux et la topographie, recourant sans hésiter au recyclage. « Construire double », disent-ils : construire deux fois plus avec le même budget. Avec une production qu’ils veulent « utile », « gaie », « poétique » et « économe », Lacaton et Vassal ont obtenu cette année le Grand prix national de l’architecture. La rétrospective parisienne montre que leur portfolio s’est étoffé depuis leur première réalisation, une paillotte à Niamey (1984). De la maison Latapie à Bordeaux (1992), bâtiment-manifeste, à l’Ecole d’architecture de Nantes (2008), ce sont 40 projets qui sont mis en scène par les architectes eux-mêmes.
VENTES
Anquetin bradé
PARIS - Il est bien oublié aujourd’hui mais il a eu son heure de gloire comme représentant du « cloisonnisme » au côté d’Emile Bernard à la fin du XIXe siècle. Louis Anquetin (1861-1932) est pourtant un artiste doué, aussi à l’aise dans les dessins à la craie et au fusain que dans les esquisses à l’encre et au lavis, et aussi prolifique à l’huile qu’à l’aquarelle. L’étude Thierry de Maigret propose le contenu de son atelier. On y trouve des crayons pour quelques centaines d’euros – fêtes champêtres, danseurs, têtes d’expression, copies d’œuvres fameuses telle l’Olympia de Manet, anatomies masculines. Les tableaux sont tout aussi variés – autoportraits, portraits d’actrices (Andrée Megard) ou de… Buffalo Bill, paysages, chevaux et combats, faunes et nymphes. Les estimations, fort sages, montent brutalement pour les œuvres d’avant 1895 (un Buveur à 8 000 euros et un Acteur qui pourrait dépasser 20 000 euros). Elles restent modestes si l’on considère qu’Anquetin a tout récemment battu son record personnel : 455 000 euros chez Sotheby’s en juin dernier !
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Philippe Perrin, courtesy galerie Sollertis
Philippe Perrin et l’arme du crime
Des lames de rasoir, des revolvers, des coups de poing américains, des poignards, des scalpels, des projectiles… à des dimensions prodigieuses - plusieurs mètres de longueur - en acier inoxydable, en fonte d’aluminium, plantés dans le sable ou encastrés dans la résine. C’est la production la plus connue de Philippe Perrin, personnage hors norme puisqu’à l’imitation d’Arthur Cravan, l’une de ses idoles, il semble associer à son activité de plasticien celle de boxeur et voyageur. Cette exposition toulousaine continue d’explorer le thème de la violence avec des mises en abîme : sous la photo d’un homme baignant généreusement dans son sang, une énorme section de fil barbelé, de celui qui suffirait à garder les cyclopes. Une installation similaire avait été remarquée lors de la Nuit blanche parisienne 2006.
LIVRES
Egypte toujours
Noël approche et les pharaons vont refaire fortune : dans l’édition de beaux-arts, ils sont, comme pour les grandes expositions, l’une des rares valeurs sûres. On sait qu’un immense musée égyptien est en gestation près des pyramides, on sait que l’allée des Sphinx subit une cure de cosmétique à Louxor (on en éloigne les habitants pour ne pas gêner la jouissance des touristes). Mais l’on sait aussi que le principal motif de voyage en Egypte aujourd’hui, ce sont les plages de la mer Rouge et plus les pyramides… Bref, l’égyptologie se déguste de plus en plus à distance et les vademecums ne manquent pas. Celui de Larousse a les qualités que l’on attend de la maison : sérieux, complet, avec une bonne cartographie et des reconstitutions dessinées. Le biais est toujours un peu vers la pierre, le monumental et la statuaire – on aimerait aussi voir les sandales de Toutakhamon ! – mais on aborde également la vie amoureuse, les funérailles, les chants satiriques ou la corruption à l’époque de Ramsès V. A compléter impérativement avec la relecture d’Hérodote…
BRÈVES
BARCELONE – La fondation Francisco Godia, riche d’une collection allant des primitifs catalans jusqu’à Miquel Barceló, a ouvert le 21 novembre 2008 son nouveau siège dans un immeuble moderniste de la rue Garriga Nogués.
BUENOS AIRES - La Fondation Proa d'art contemporain a inauguré le 21 novembre 2008 son siège dans le quartier de La Boca, remodelé par les architectes Caruso-Torricella. La première exposition est consacrée à Marcel Duchamp.
CATANE – Le palais Valle, édifice baroque du XVIIIe siècle, dont la restauration a duré quatre ans, est présenté au public le 1er décembre pendant une semaine. Il ouvrira comme centre d’art contemporain au printemps 2009.
PARIS – Le 27 novembre 2008, Christine Albanel, ministre de la Culture, a restitué à ses propriétaires légitimes, les héritiers d’Harry Fuld Jr, un tableau de Matisse, Le mur rose, volé en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
PARIS – Les 17e Rencontres internationales Paris-Berlin-Madrid, à l’intersection du cinéma et de l’art contemporain, se tiennent du 8 novembre au 7 décembre 2008.
PARIS – Gérard Larcher, le nouveau président du Sénat, a annoncé des mesures d’économie. Les actions culturelles - notamment Artsénat, l’exposition estivale de sculptures dans les jardins – seraient concernées.
PARIS – Du 28 au 30 novembre 2008, le salon Light, rassemble des « micro-éditeurs » européens de publications d’artistes, au Point Ephémère (200 quai de Valmy, 75010).
PARIS - La collection d'art de Jeanne Lanvin, constituée dans les années 1920 et riche en œuvres impressionnistes, est mise aux enchères chez Christie's le 1er décembre 2008.
STRASBOURG - La 13e édition de la foire d'art contemporain St-Art, du 21 au 24 novembre 2008, où étaient présentes 94 galeries, a accueilli 28 000 visiteurs.
STRASBOURG – Durant l’exposition « Arp is Art », les célèbres salons de l’Aubette, conçus par Theo Van Doesburg et le couple Arp, sont ouverts trois heures par jour, du mercredi au samedi (jusqu’au 15 février 2009).
VENISE – La 11e Biennale d’architecture, qui a fermé ses portes le 23 novembre 2008, a établi son record de fréquentation, avec plus de 129 000 visiteurs.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
L’APPEL DU DÉSERT - LES PEINTRES VOYAGEURS EN ALGÉRIE, 1870-1910
LAVAL - Le Musée du Vieux-Château montre comment l'Algérie - ses paysages, ses villes, ses personnages pittoresques - a alimenté à la fin du XIXe siècle l'inspiration de nombreux créateurs. De Charles Landelle, à l'origine de la création du musée, à Théodore Frère, une quarantaine de peintres sont présentés.
GEORGES KOSKAS
ROUEN - Le musée des Beaux-Arts présente le parcours original de Georges Koskas. Né à La Marsa en Tunisie en 1926, actif à Paris depuis 1946, l'artiste a été formé chez Lhote et Léger. N'obéissant qu'à sa liberté, il a d'abord été remarqué pour ses tableaux abstraits de points avant de passer à la figuration ou de réaliser des décors de films.
SÈVRES, SECOND EMPIRE & IIIE RÉPUBLIQUE - DE L'AUDACE A LA JUBILATION
SÈVRES - La Manufacture nationale de Sèvres fait découvrir une période méconnue dans sa production de porcelaine, marquée par d'importantes innovations techniques et par un renouvellement complet des décors.