ArtAujourdhui.Hebdo
N° 117 - du 15 janvier 2009 au 21 janvier 2009
L'AIR DU TEMPS
Vive la crise !
Et si le Times avait raison ? Le journal anglais a donné à l’un de ses récents articles d’opinion un titre provocateur : « La crise dont le monde de l’art avait désespérément besoin ». Non, tout n’est pas rose quand on voit qu’un grand musée, comme le LACMA de Los Angeles, acculé par ses finances exsangues, est obligé de se séparer de joyaux de la couronne : son Homme barbu de Cranach l’Ancien ou un beau Reynolds passent en catimini chez Sotheby’s à New York le 29 janvier. On est moins contrit lorsque Richard Fuld, ancien patron de Lehman Brothers, doit se séparer de ses de Kooning et de ses Barnett Newman, ou lorsque le financier Ezra Merkin se dit contraint de vendre ses 12 Pollock. Merkin est certes victime de la fraude de Madoff mais a aussi bénéficié de la hausse insensée des marchés financiers… Il va sans dire que l’on attend avec jubilation que la collection du voyou en chef passe aussi sous le marteau. C’était une antienne que de se plaindre que le marché était asséché, que les pièces de valeur étaient introuvables, solidement accrochées aux cimaises des collections. La redistribution commence…
EXPOSITIONS
L’Amérique, zone Frank
PARIS – Robert Frank fait partie des artistes qui ont changé le cours de la photographie avec une seule série d’images, en l’occurrence Les Américains. Elle est montrée en intégralité dans l’exposition, à côté de ses clichés sur Paris. Attiré par le mirage new-yorkais, le jeune Suisse s’y établit en 1949, à l’âge de 25 ans. Bénéficiant d’une bourse du Guggenheim, il parcourt tout le pays pendant plus d’un an, en 1954-1955, avec sa femme et ses deux enfants. Des milliers de kilomètres et 700 pellicules plus tard, il livre un ensemble détonant où les Etats-Unis se résument à des ambiances hostiles, à des personnages absents et solitaires, pris en cadrages rapprochés, souvent flous. La publication du livre par Robert Delpire, en 1958, fait l’objet d’une bombe. En faisant voler en éclats le rêve américain, cet ouvrage devenu fondamental suscite alors des réactions d’incompréhension, à l’exception de celle de Kerouac et des poètes beatniks.
Le futurisme a 100 ans
ROVERETO (Italie) – Le 20 février 1909, dans les colonnes du Figaro, Filippo Tommaso Marinetti tonne contre Venise, la lune, les professeurs et les archéologues. Il prône le culte de la « vitesse omniprésente », de la « violence incendiaire ». Ce Manifeste futuriste marque la naissance du principal mouvement d’avant-garde artistique du XXe siècle en Italie. Des trois expositions prévues par le comité de célébration (les suivantes se tiendront à Venise et à Milan), celle de Rovereto explore les relations avec les mouvements parallèles en Russie et en Allemagne. Larionov ou Exter, Macke et Kandinsky ont en effet cherché à rendre par des moyens comparables la frénésie du monde moderne, la soif de progrès technique. Un événément peu étudié - le voyage de Marinetti en Russie en 1914 - est présenté à partir de documents nouveaux. Le jour même de l’inauguration, la maison de Fortunato Depero, l’un des grands futuristes italiens, rouvre enfin au public après une restauration complète. On pourra notamment y voir sa collection unique de compositions textiles.
Pollock, l’autre
SAINT-LOUIS (Vosges) – Il y a Jackson, l’inventeur de l’expressionnisme abstrait, l’icône des années cinquante, mort comme James Dean, dont les tableaux valent plus de 100 millions de dollars. Et il y a Charles (1902-1988), qui a travaillé dans la veine « régionaliste » avec Thomas Hart Benton, qui a dessiné des affiches de cinéma, qui est mort, âgé et bon père de famille, à Paris, en 1988. Les deux sont frères, l’un célébrissime, l’autre à peu près inconnu. C’est ce dernier que l’exposition veut repêcher en montrant qu’il partage plus qu’un patronyme avec son cadet. Quand il abandonne progressivement le figuratif pour épouser le « color-field painting », dans l’immédiat après-guerre, Charles Pollock suit un chemin parallèle à celui de Barnett Newman ou de Clyfford Still (lui aussi tardivement reconnu). Il se laisse influencer par la calligraphie, travaille par grandes séries noires et grises, puis, après son séjour romain de 1962-63, plonge dans la couleur.
VENTES
Vraie déesse d’Egypte
PARIS - En archéologie plus que dans d’autres disciplines, la provenance est tout. Comment être sûr que cette coupe décorée de motifs géométriques a bien été modelée dans la vallée de l’Indus il y a trois mille ans ? On sera rassuré si on peut retracer son itinéraire depuis sa mise au jour plutôt que de la voir surgir de nulle part. La saga du faux Sésostris III acheté par les époux Pinault en 1998 continue de hanter le marché. Pareille mésaventure ne devrait pas se produire avec ce buste de déesse en diorite noire, daté de la fin de l’époque ptolémaïque (1er siècle av. J.-C.). On sait qu’il a fait partie avant les années 1940, date à laquelle il a changé de mains, d’une collection prestigieuse, celle du comte Dumitru Burileanu, beau-père d’Eugène Ionesco et gouverneur de la banque centrale de Roumanie. Cette sécurité influe évidemment sur le montant de l’estimation, qui dépasse 300 000 euros. Dans la même vente, deux statues antiques, copies réalisées au Ier et au IIe siècles d’œuvres disparues de Callimaque, un élève de Phidias, devraient dépasser chacune 200 00 euros : une Vénus génitrix en marbre de Paros et une Aphrodite génitrix.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Gilberto Zorio, après l’Arte povera
BRUXELLES - Gilberto Zorio (né en 1944) était l’un des plus jeunes membres du groupe de l’Arte povera, lorsqu'il fut fédéré par le critique Germano Celant en 1967-69. A l’époque, il travaillait sur les réactions des métaux aux acides, sur les transformations de divers matériaux au contact de l’air, de l’eau, de l’électricité, du feu. A la célèbre exposition « Quand les attitudes deviennent forme », montée par Harald Szeemann en 1969 à Berne, il soumet son installation à une disparition par le feu. Le spectre de ses intérêts s’est ensuite élargi, englobant des objets ou des formes – le tube, l’étoile à cinq branches, le canoë, le javelot - qui sont apparus de façon récurrente dans son œuvre. On en retrouve certains dans l’exposition que lui consacre la galerie Baronian Francey tout comme on y mesure sa passion pour le langage: les mots comme les choses doivent être soumis à des épreuves initiatiques pour libérer leur vrai sens.
LIVRES
A l’assaut du Vésuve
Epris de Naples où il vit, Jean-Noël Schifano y a organisé de nombreuses expositions lorsqu’il était directeur de l’Institut culturel français. Celle que lui a demandée, il y a quelques années, la municipalité d’Herculanum était parmi les plus originales : réaliser un parcours de dix sculptures sur les flancs du Vésuve. Le livre retrace la création de ces pièces, figuratives ou non, commandées à Mark Brusse, à Berrocal (ce fut sa dernière création avant sa mort), à Lello Esposito ou à l’Islandaise Ruri. L’originalité vient du matériau - la lave (un mot d’origine napolitaine) est tellement dure que le marbre, en comparaison, semble « du beurre » - mais aussi du tour de force bureaucratique : les pentes du Vésuve sont protégées et il est a priori impossible d’y déplacer un caillou ou d’y couper un brin d’herbe. Les photographies en noir et blanc d’Alain Volut montrent le combat épique des ouvriers pour tailler cette pierre selon la volonté des artistes, qui empoignent parfois le ciseau, comme Denis Monfleur. Le commissaire a baptisé son parcours, inauguré en 2005, Creator Vesevo, s’inspirant du vers fameux de Leopardi, « Exterminator Vesevo ».
BRÈVES
AIX-EN-PROVENCE – Le chantier du futur Mémorial du camp des Milles, lieu d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale, est lancé le 18 janvier 2009.
LIVERPOOL – Le statut de ville européenne de la culture a attiré 3,5 millions de visiteurs supplémentaires à Liverpool en 2008, selon la chambre de commerce de la ville.
LONDRES – La campagne de levée de fonds pour conserver le tableau de Titien, Diane et Actéon en Grande-Bretagne a eu une issue positive : les 50 millions de livres sterling réunies seront versées au duc de Sutherland. La National Gallery de Londres et les National Galleries of Scotland se partageront la propriété du tableau.
NÎMES - Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 13 janvier la création d'un grand musée de l'Histoire de France, sur un site à déterminer.
LOS ANGELES – Les chercheurs du Getty Conservation Institute annoncent avoir mis au point une nouvelle méthode de datation des photographies anciennes en se basant sur la concentration de radium et de strontium.
PALM BEACH – La foire d’art contemporain palmbeach3 se tient du 15 au 18 janvier 2009.
PARIS – Le musée du Louvre a battu son record de fréquentation en 2008, avec 8,5 millions de visiteurs, contre 8,3 millions l’an dernier. Les moins de 26 ans rerpésentent 40 % du total.
PARIS – « Dans la nuit, les images », l’exposition qui a clos le volet culturel de la présidence française de l’Union européenne, a attiré 145 000 visiteurs en 14 nuits au Grand Palais.
PARIS – La collection Soumille, comptant 35 000 photographies d’avions de 1900 à nos jours, est mise en vente par l’étude Boisgirard le 22 janvier 2009.
SUR ARTAUJOURHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
CHEFS-D'ŒUVRE DU GOTHIQUE EN NORMANDIE
TOULOUSE - L'une des périodes les plus florissantes de l'art normand, les trois siècles qui ont vu s'épanouir l'art gothique (du XIIIe au XVIe), sont présentés à l'Ensemble des Jacobins de Toulouse, et sont mis en perspective avec l'art languedocien de la même époque.
UN TEMPÉRAMENT DE FEU - CHEFS-D’ŒUVRE DE LA FAÏENCE DE MOULINS
MOULINS - Le musée Anne de Beaujeu célèbre, en 200 pièces choisies dans une trentaine de collections différentes, la beauté de la faïence de Moulins. Assiettes, pichets et bassins de fontaines montrent la remarquable variété de cette production peu connue, qui a atteint son apogée au milieu du XVIIIe siècle.