ArtAujourdhui.Hebdo
N° 121 - du 12 février 2009 au 18 février 2009
L'AIR DU TEMPS
L’impressionnisme contre la crise
LONDRES – Les ventes d’art moderne et impressionniste des 5 et 6 février 2009 ont confirmé qu’en période de crise, on peut battre des records. Il suffit que les lots soumis aux enchérisseurs soient des chefs-d’œuvre indiscutables et que l’estimation ne pèche pas par excès. On en a eu la confirmation chez Sotheby’s avec la Petite danseuse de 14 ans d’Edgar Degas. Estimée 9 millions £, elle a été adjugée pour 11,8 millions £ (13,2 millions €), après une bataille d’enchères qui a vu triompher un collectionneur asiatique. Chez Christie’s, c’est un tableau de Monet, Dans la prairie, bien daté (1876), qui a fait le résultat le plus élevé, à 10 millions £ (11 millions €). L’impressionnisme se montre décidément un refuge inoxydable. Et les tableaux piquants, aptes à remonter le moral, semblent bénéficier d’une prime substantielle. Le jour où Toulouse-Lautrec faisait un bon résultat (chez Christie’s) avec une composition érotique, l’Abandon, Louis Anquetin enfonçait (chez Sotheby’s) son record personnel (410 000 £ contre 360 000 £ en juin dernier) avec la scène la plus classique du Paris coquin, Au Moulin-Rouge…
EXPOSITIONS
Van Gogh extérieur nuit
AMSTERDAM - La Nuit étoilée est l’un de ses best-sellers, reproduit à l’envi en carte postale. Mais Van Gogh a retranscrit l’univers nocturne de bien d’autres manières : c’est le propos de la présente exposition qui réunit 32 toiles (dont, évidemment, le motif cité ci-dessus, dans les deux versions du MoMA et du musée d’Orsay), 19 œuvres sur papier et quelques croquis issus de ses lettres. Si la nature est évidemment au centre des préoccupations de Van Gogh, avec les champs de blé de Provence, sa vision de la nuit englobe aussi, de manière plus inattendue, des intérieurs paysans. Pour montrer que Van Gogh n’était pas isolé dans ce registre, l’exposition rassemble des tableaux de l’école de Barbizon et de contemporains comme Anquetin ou Seurat. Le musée Van Gogh Museum, qui a attiré 1,5 million de visiteurs en 2008, entend faire un beau score avec cette exposition, qui ne connaîtra pas d’autre étape européenne.
Couple constructiviste
LONDRES – Lui a vécu une existence bien remplie, elle est morte jeune. Alexandre Rodchenko (1891-1956) et Lioubov Popova (1889-1924) sont deux âmes sœurs du constructivisme. Le mouvement a tenté, dans la Russie d’après la révolution, de faire une synthèse entre la technologie et les matériaux modernes et l’art, lequel ne devait servir que des objectifs sociaux concrets. Cette utopie, qui s’incarnera en particulier dans le design (Rodchenko produira l’affiche du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein) et la mode, trouvera ensuite son expression la plus aboutie dans la photographie et le cinéma. Seul Rodchenko aura l’occasion de se consacrer à ce rôle de « technicien de la vision », dans les dernières années de la NEP, Popova ayant disparu alors qu’elle était encore fidèle au support traditionnel – donc pas assez révolutionnaire - du tableau.
Les deux visages de Giorgio de Chirico
PARIS - Ses débuts sont fracassants et font partie de l’histoire de l’art du XXe siècle. Avec quelques acolytes, dont Carlo Carrà est le plus connu, Giorgio de Chirico (1888-1978) invente juste avant la Première Guerre mondiale, alors qu’il a à peine 20 ans, la peinture métaphysique. Des places vides d’hommes mais peuplées de statues et d’ombres gigantesques, des accumulations décousues d’objets dans des intérieurs verts ou bleus. S’il fascine les futurs surréalistes, de Chirico ne va pas rester longtemps en odeur de sainteté. André Breton le désavoue dès 1926 et les avant-gardes le renient pareillement. Il lui reste pourtant 50 ans à vivre et à produire : parmi les 170 œuvres réunies par le musée d’Art moderne, un certain nombre détaillent cette longue parenthèse finissante, peuplée de chevaux lustrés, d’autoportraits ridés et de gladiateurs kitsch, que le peintre, autoproclamé pictor optimus, n’a jamais voulu renier.
VENTES
L’heure de la théière
PARIS – Des théières de toutes les formes et de toutes les latitudes. Chinoise du XVIIIe siècle à double bec verseur, japonaise à décor kakiémon, allemande à glaçure jaspée marron, de Worcester à décor réticulé, de Delft à panses aplaties, d’Alcora avec larges bouquets polychromes, de Copenhague avec la prise du couvercle en bouton de rose… Mais aussi de Tournai, de Paris, de Marseille, de Vienne ou de Mennecy, sphérique, globulaire ou ovoïde. Les amateurs d’earl grey n’auront guère que quelques centaines d’euros à débourser pour s’approprier ces instruments de l’art du thé. Avec quelques exceptions comme cet exemplaire de Saint-Cloud à branchages fleuris (6 000 euros) ou cet autre de Meillonnas peint en 1765 par Protais Pidoux (15 000 euros). Les prix les plus élevés de la vente seront cependant commandés par des assiettes du service Forestier de Sèvres (1835, 7000 euros l’une) et par une surprenante statuette de coq en porcelaine tendre de Chantilly de 1735 (estimé 120 000 euros).
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Marie Orensanz, Nada mas que ... (Seulement...), 2007, pont de bois et miroir, 70 x 140 x 230 cm, vue de l’exposition au musée d’Art Moderne de Buenos Aires courtesy School Gallery Paris © Marie Orensanz
Marie Orensanz : esthétique du fragment
Marie Orensanz a passé son existence créative à mi-chemin entre l’Argentine, son pays, et la France, qui lui a servi de refuge pendant les années de la dictature militaire. Son univers profondément conceptuel aborde les questions du sens des choses, du langage, de l’infini à travers des installations qui mettent en scène des fragments (de marbres, de phrases, de plantes). En 1999, elle remporte le concours pour un monument aux victimes du terrorisme d’Etat (réalisé en 2004), avec cette simple phrase découpée dans un bloc de béton « Pensar es un hecho revolucionario » (Penser est un acte révolutionnaire). Son œuvre a fait l’objet en 2007 d’une rétrospective au musée d’Art moderne de Buenos Aires, où l’on a retrouvé ses livres de marbre légèrement dessinés au pastel, ses socles de statues en attente de statues, ses lampes suspendues symbolisant la lumière de l’esprit.
LIVRES
Portrait de Proust en commissaire d’exposition
Pour ceux que la Recherche a toujours rebutés, c’est le moment ou jamais ! Une lecture en biais, scandée par des tableaux de l’histoire de l’art : c’est ce qu’a concocté l’auteur, Eric Karpeles, lui-même peintre. Il ne s’est pas fié à son imagination mais bien aux mentions de Proust, souvent très précises. Des Vertus de Giotto aux anges musiciens de Bellini, des feuilles d’études de Watteau aux femmes de Manet, tout l’art occidental accompagne les affres d’Albertine et de Swann (grand spécialiste de Vermeer). Les Italiens sont évidemment très présents – Giotto, Carpaccio, Titien – mais Whistler leur tient tête et quelques peintres mondains de la Troisième République – Winterhalter, Jules Machard, Pierre-Auguste Cot ou Gustave Jacquet – tiennent compagnie aux gloires consacrées.
BRÈVES
ALBI – Le ministère de la Culture a annoncé qu’il allait proposer la candidature de la ville d’Albi au patrimoine mondial de l’Unesco.
BOSTON – L’artiste Shepard Fairey, auteur de la célèbre image de Barak Obama (« Hope »), a été brièvement arrêté le 6 février dernier à Boston pour avoir réalisé illégalement des graffiti dans l’espace public.
DUBAI – La seconde édition d’Art Antiques Design Dubai se tient du 18 au 22 février 2009 avec une trentaine d’antiquaires internationaux.
LONDRES – Le retable Petrobelli, de Véronèse, a été entièrement reconstitué au Dulwich Museum. C’est la première fois que ses composants sont rassemblés depuis le XVIIIe siècle.
MILAN – A l’occasion d’une exposition au Palazzo delle Stelline est présenté depuis le 12 février 2009 le plus grand tableau de paroles libres (« parolibera ») réalisé par Marinetti en 1912-13, Bombardement sur Andrinople.
PARIS – La composition « Les Funérailles de Mona Lisa » par Yan Pei Ming, qui confirme l’ouverture du musée du Louvre sur l’art contemporain, est inaugurée le 12 février 2009.
PARIS – Une lettre de Napoléon à Joséphine décrivant une tempête à Boulogne en juillet 1804 est proposée chez Piasa le 13 février 2009 avec une estimation de 100 000 €.
PEKIN – L’un des édifices de la télévision chinoise, symbole du nouveau Pékin dessiné par l’architecte Rem Koolhaas, a été ravagé par un incendie le 9 février 2009.