ArtAujourdhui.Hebdo
N° 122 - du 19 février 2009 au 25 février 2009
L'AIR DU TEMPS
Yves Saint-Laurent ressuscitera-t-il le marché ?
PARIS – Elle a été proclamée urbi et orbi « vente du siècle » et il est vrai que les ensembles dispersés dans les dernières décennies - de Carlos de Beistegui à Hubert de Givenchy, d’André Breton à Jeanne Lanvin – aussi beaux soient-ils, en subissent l’ascendant. Mêlant les acquisitions réalisées, en parfaite osmose, entre Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent au long de quatre décennies, elle provient de leurs appartements respectifs, rue Bonaparte et rue de Babylone. L’éclectisme du fonds est certain d’attirer des amateurs de tous bords : les 700 pièces présentées, dont certaines sont exceptionnelles, ont été puisées aussi bien dans les arts décoratifs (fauteuil aux dragons d’Eileen Gray) que les objets d’art (émaux de Limoges) ou la peinture et la sculpture. Elles concernent aussi bien l’Antiquité (un Minotaure romain du Ier siècle av. J.-C., estimé 200 000 euros), que les civilisations lointaines (une tête de rat en bronze de la dynastie Qing, estimée 8 millions d’euros) ou l’art européen le plus « classique », de Géricault (Portrait d’Alfred et d’Elisabeth de Dreux, estimé 4 millions d’euros) à Picasso. De ce dernier, Instruments de musique sur un guéridon, de 1914, devrait être le clou de la vente, à 30 millions d’euros.
EXPOSITIONS
Le siècle et demi des della Robbia
AREZZO – Leur nom est synonyme de terre cuite vernissée : Luca della Robbia a mis au point ce procédé – revêtir des médaillons, des statues et autres créations plastiques d’un émail stannifère - dans les années 1430 et l’a longtemps tenu secret. Ses descendants ont perpétué pendant 150 ans la tradition familiale. L’exposition montée au bercail de la dynastie montre comment l’activité de céramiste s’est vite croisée avec toutes les autres disciplines de la Renaissance : sculpture, peinture, orfèvrerie, ébénisterie, art du verre et même architecture. De nombreux autres artistes de l’époque sont appelés à la rescousse comme Ghiberti, Donatelo, Domenico Veneziano ou Ghirlandaio. Comme c’est la tradition en Italie dans ce type de célébration, des parcours thématiques ont été élaborés pour explorer l’arrière-pays toscan où sont conservés des témoignages de l’art des della Robbia.
Collections voyageuses
BRUXELLES-MADRID – On est toujours méfiant quand de grands « buzz » médiatiques sont générés autour d’expositions qui consistent simplement à déplacer un ensemble d’œuvres d’un musée à un autre. Mais le principe fonctionne très bien : on l’a vu au musée du Luxembourg avec la collection Berardo (de Lisbonne) ou à Dusseldorf, il y a quelques années, avec la collection du Guggenheim. Deux nouvelles opportunités se présentent, qui ont une certaine logique. Dans le premier cas, c’est la collection des ducs de Savoie qui est montrée au Palais des beaux-arts de Bruxelles. Pas d’autre occasion de voir ces Mantegna, Gentileschi et Van Dyck dans un futur immédiat : la galleria Sabauda de Turin, qui les possède, est en effet en restauration, en vue de son installation au Palazzo Reale en 2011. Dans le cas de la petite exposition du Prado, consacrée au musée Ponce, c’est l’éloignement qui rend l’affaire intéressante. Pour voir habituellement ces chefs-d’œuvre préraphaélites comme le Dernier Sommeil du roi Arthur de Burne-Jones ou la Veuve romaine de Rossetti, il faut se rendre à Porto Rico…
Shah Abbas et l’âge d’or iranien
LONDRES – Cinquième souverain de la dynastie safavide, Shah Abbas a dirigé l’Iran pendant près d’un demi-siècle, de 1587 à 1629. Connu pour avoir consolidé le chiisme comme religion nationale, il a aussi mené une politique de « grands travaux », notamment dans sa nouvelle capitale, Ispahan, et financé la production de nombreux artistes. Le British Museum présente un florilège d’œuvres dont certaines ne sont jamais sorties d’Iran : tapis à fil d’or, aquarelles, manuscrits enluminés, brocarts de soie et chefs-d’œuvre de l’art du métal. Les calligraphies de l’atelier royal, sous la direction d’Ali Riza Abbasi occupent une place centrale dans l’exposition, qui s’inscrit dans un cycle sur « Empire et pouvoir », dont les deux précédentes manifestations, sur le Premier Empereur de Chine et Hadrien, ont connu un grand succès.
Quand Tarsila do Amaral réinventait le Brésil
MADRID – C’était une « caipirinha habillée par Poiret » : le mot est de son compagnon, le poète Oswald Andrade. Tarsila do Amaral (1886-1973) est l’une des icônes du modernisme brésilien. Belle, cosmopolite, cultivée, elle a, après son « service militaire cubiste » à Paris, qui lui permit de connaître Gleizes, Léger et Blaise Cendrars, produit une peinture colorée qui mixe les paysages et les mythes ancestraux brésiliens avec les avant-gardes du Vieux Continent. L’exposition de la fondation March est l’une des plus importantes qui lui aient jamais été consacrées et se nourrit à la source : la quasi-totalité des 106 œuvres exposées proviennent du Brésil. Elles datent pour l’essentiel des décennies 1920 et 1930, lorsque le mouvement « anthropophage » entendait faire naître un art profondément brésilien, après avoir « tué le père » européen.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Steve Hiett : art ou pub ?
Les photographes de mode ont la cote : longtemps considérés comme de simples interprètes du marketing des grandes marques, ils sont de plus en plus reconnus comme des artistes à part entière. Helmut Newton, Norman Parkinson et Guy Bourdin ont été les premiers à bénéficier de ce nouveau regard et le mouvement s’est dernièrement accéléré avec Philippe Demarchelier ou David LaChapelle. Steve Hiett fait aussi partie de ces monstres sacrés de la mode qui traversent les frontières. En l’espèce, c’est la
prestigieuse galerie Maeght qui l’adoube en présentant ses images classiques de femmes aux longues jambes, juchées sur des motos ou sortant d’un taxi, dans un environnement de couleurs saturées. Outre les créations des quarante dernières années, l’exposition présente les images réalisées à l’automne 2008 à intention de L’Oréal, lorsque Steve Hiett a été invité dans la propriété privée des Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Les fiançailles entre l’art et la mode sont rarement allées aussi loin…
LIVRES
Simple comme l’architecture
Une double page sur les maisons en bois massif de Rio de Janeiro, puis la même chose sur les pliages, sur les structures de Philibert de l’Orme, sur le tabouret à travers les âges, sur les panneaux composites. Ici on découvre une petite introduction au plan masse, égayée par des aquarelles, plus loin il est question de ponts, de structures légères ou de mobilier ajouré. Pas de progression logique dans cet ouvrage : il s’agit bien d’une succession de leçons et la lecture gagne à ces sauts d’avant en arrière, au gré de la curiosité. L’architecture, racontée par un professeur de l’école de Grenoble connu pour son sens de la pédagogie, perd son côté intimidant. Elle devient presque un jeu : une agréable initiation, qui pourrait être accoucheuse de vocations.
BRÈVES
INNSBRUCK – la 13e édition Art Innsbruck se tient du 19 au 22 février 2009 avec la participation d’une soixantaine de galeries internationales d’art contemporain.
LONDRES – Le cabinet d’architecture Foster & Partners a annoncé le 13 février dernier le lienciement de 350 personnes soit un quart de ses employés.
MADRID – Le musée Reina Sofía a annoncé avoir reçu de la part de la veuve de l’artiste (décédée en 2005) un legs de 200 œuvres de Brassaï.
MANCHESTER – La sculpture monumentale (56 mètres de haut) B of the Bang de Thomas Heatherwick, placée depuis 2005 devant le stade de Manchester, va être démontée pour des raisons de sécurité.
PARIS – Le symposium international sur l’avenir de la grotte de Lascaux se tient à Paris les 26 et 27 février 2009.
PARIS – Une lettre de Napoléon à Joséphine décrivant une tempête face à Boulogne a été adjugée 124 000 € chez Piasa le 13 février 2009.
WASHINGTON – La National Gallery est l’acquéreur du tableau de Terbrugghen, Joueur de cornemuse de profil, qui a été adjugé plus de 10 millions $ chez Sotheby’s lors des ventes d’art ancien à New York le 29 janvier dernier.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
CHINETIK
BÂLE - Comment l'évolution du vélo peut-elle symboliser les transformations accélérées de la Chine contemporaine ? C'est ce que démontre cette exposition en juxtaposant le moyen de transport traditionnel du pays et des installations produites par 14 artistes actuels, de Robert Rauschenberg à Xiao Yu et Guillaume Bijl.
PHILIPPE GAREL, VRAIMENT FAUX
SOISSONS - C'est un véritable cabinet de curiosités qui se déploie dans l'Arsenal. Meubles, dessins, sculptures, porcelaines sont assemblés par l'artiste Philippe Garel dans l'intention de confronter les siècles et leurs productions, de la commode Régence au réfrigérateur, pour en tirer un ensemble de « signes » à décrypter.