ArtAujourdhui.Hebdo
N° 124 - du 5 mars 2009 au 11 mars 2009
L'AIR DU TEMPS
L’appel du vide
Il est actuellement à Paris une exposition où l’on ne voit que des mines réjouies. Les visiteurs sourient, certains s’esclaffent. Pourtant, les œuvres exposées ont des noms très compliqués. Il y a là la Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée d’Yves Klein, The Air-Conditioning Show d’Art & Language ou Experimental Situation de Robert Irwin. Qu’y voit-on donc d’hilarant ? Rien. Toutes les salles sont vides et c’est bien ce qui amuse le visiteur. Cette «rétrospective» recense les expositions où les artistes ont exposé, pour une raison ou une autre, du vide. Pas de tableau, pas de sculpture, pas de néon, pas de fumée ni de musique. Dans notre monde matériel et matérialiste, cette absence repose. Plus sérieusement, elle pousse le visiteur à se poser des questions simples et saines. Qu’est-ce qu’un musée ? Pourquoi expose-t-on ? Comment expose-t-on ? De quoi réconcilier le grand public avec l’art conceptuel… d’autant que le prix du billet inclut la visite aux autres expositions.
EXPOSITIONS
Le sexe selon Rodin
MARTIGNY - On le connaît essentiellement comme sculpteur. Qui sait que Rodin a produit plus de 10 000 compositions sur papier et qu’il disait du dessin qu’il était la « clef de son œuvre » ? La fondation Gianadda ne s’intéresse pas à l’ensemble de ce corpus démesuré mais à une fraction bien identifiable : le nu, essentiellement féminin, de sa déclinaison académique et aseptisée jusqu’à sa version la plus érotique voire pornographique. Des sculptures fameuses comme Le Baiser ou Iris messagère des dieux font partie de la rétrospective mais l’inattendu provient de ces quelque 80 feuilles, toutes conservées au musée Rodin de Paris, qui plongent dans l’intimité féminine avec une audace rare. Elles supposent une complicité extraordinaire entre l’artiste vieillissant (qui les réalise de 50 à 70 ans) et les modèles qu’il fait poser, auxquelles il demande les poses les plus impudiques.
L’au-delà égyptien
PARIS – Les pharaons font toujours venir du monde : ce pouvoir d’attraction est ici utilisé pour une exposition plus « difficile » à vendre que les ors de Toutankhamon ou la grandeur de Ramsès. Sous son appellation poétique, elle s’attache aux lieux de passage entre la Terre et le Ciel, entre le monde des humains et celui des dieux. Au sens propre, ces « portes du ciel » sont les portes des tabernacles où étaient conservées les statues des dieux. Le passage symbolique entre ce monde-ci et l’au-delà est omniprésent dans l’art égyptien et alimente les grands mythes comme celui d’Isis et d’Osiris. Papyrus funéraires, stèles en bois peint, sarcophages en diorite, statues en quartzite, livre des morts composent un ensemble de 300 objets, provenant du Louvre et d’autres grands musées étrangers, qui permet aussi bien de décrypter le sens de la momification que de connaître le budget d’un enterrement égyptien au Nouvel Empire.
SOS polyptyques
PARIS – C’est l’une des grandes collections de primitifs italiens d’Europe, construite au XIXe siècle par le baron allemand Bernard von Lindenau. Comptant des œuvres de Guido da Siena, Liberale da Verona ou Lippo Memmi, elle montre l’enrichissant dialogue entre un courant « hiératique » d’origine byzantine et une « nouvelle manière », plus naturaliste, impulsée par Giotto, dans l’Italie des XIIIe, XIVe et XVe siècles. Le seul déplacement de ces chefs-d’œuvre du musée d’Altenburg à celui de Jacquemart-André ne justifierait pas forcément la visite. Mais l’exposition s‘accompagne d’un effort original de reconstitution de polyptyques démembrés depuis des siècles. Des prêts de musées européens ont notamment permis de recomposer un cycle sur la vie de Saint François d’Assise par Fra Angelico.
VENTES
Beau temps sur la BD ?
PARIS - Il n’y a pas longtemps, les vieux albums de Tintin se chinaient aux puces pour quelques pièces. Aujourd’hui, une gouache d’Hergé pour un projet de couverture peut se vendre 500 000 euros. Il en va à l’avenant pour des créateurs plus récents comme Jacobs ou Hugo Pratt. Même Bilal a vu sa cote se construire à des niveaux qu’envieraient la plupart des plasticiens contemporains : il a été adjugé 176 900 euros. C’était chez Artcurial, défricheur du genre, en 2007, qui propose, comme chaque année, au sortir de l’hiver, une vente qui promet d’être riche. Une encre de Chine de Franquin pour Gaston Lagaffe à 50 000 euros, une autre de Moebius (Arzach) à 35 000 euros, une planche de 19 cases de Winsor Mc Cay pour Little Nemo à 25 000 euros. Telles sont les enchères attendues pour quelques-uns des 800 lots. A moins que la dépression soit aussi passée par là…
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Alfredo Vilchis Roque, ex-voto, photo Pierre Schwartz, courtesy galerie Frédéric Moisan, Paris.
Alfredo Vilchis Roque ressuscite l’ex-voto
Naufrage, accident de charrette, chute depuis le toit du moulin… Autrefois les guérisons miraculeuse, la résolution de cas désespérés donnaient lieu à une forme particulière de remerciement, l’ex-voto. Le Mexique a été l’un des grands spécialistes du genre, inondant sanctuaires et chapelles de ces petites images ou sculptures. Puis la production s’est totalement tarie. Si l’envie nous en venait, à qui demander aujourd’hui cette action de grâces ? Alfredo Vilchis Roque, ancien maçon de Mexico, a renouvelé la discipline. Accidents de la route, règlements de compte entre trafiquants de drogue, électrocution, sida, chômage sont désormais les thématiques les plus traitées. La naïveté du trait, la générosité chromatique sont demeurées. Sa solitude place Vilchis Roque dans une position originale : artisan populaire chez lui, plasticien d’avant-garde, représentant d’un nouveau courant expressionniste, chez nous.
LIVRES
Christo sur l’Arkansas
Des réunions avec des sheriffs et des park managers, des auditions dans des ministères à Washington, des débats publics dans des lycées, des missions de reconnaissance sur le terrain, des essais en soufflerie… Over the river montre la longue genèse du projet de Christo et Jeanne-Claude de couvrir la rivière Arkansas sur une dizaine de kilomètres avec un tissu argenté. Si longue genèse qu’elle a déjà eu le temps de voir disparaître un project manager et qu’elle ne sera visible, au mieux, qu’en 2012, soit vingt ans après les premiers pas. Les photographies et les croquis sont entrecoupés d’extraits de l’agenda très rempli de Christo tandis que l’entretien final avec Jonathan Fineberg fait la lumière sur la difficile recherche de sponsors.
BRÈVES
AUSTIN – La Biennale du Texas, avec des installations monumentales à l’air libre, se tient du 6 mars au 11 avril 2009.
BRUXELLES – La Museum Night Fever se tient dans la nuit du 7 au 8 mars 2009. Quatorze musées de la capitale belge resteront ouverts jusqu’à 1 heure du matin.
NEW YORK – Trois foires d’art contemporain se tiennent en même temps, du 5 au 8 mars 2009 : l’Armory Show, Pulse et Volta.
ORLÉANS – sous le titre TILT, une manifestation d’art contemporain investit pendant un an (de mars 2009 à mars 2010) onze musées de la région Centre.
PARIS – Cai Minchao, le collectionneur chinois acheteur des deux bronzes animaliers à la vente Yves Saint Laurent - Pierre Bergé, a annoncé qu’il ne les paierait pas. La Chine avait tenté de faire annuler la vente de ces pièces, arguant du fait qu'elles avaient été apportés illégalement en Europe à la suite du sac du Palais d’Eté en 1860.
PARIS – Le musée de la Musique, en restauration depuis 2007, a rouvert le 3 mars 2009.
PARIS – L’hôtel des ventes Nice Riviera organise le 7 mars 2009 à l’Hôtel-Drouot une vente de tableaux de Victor Vasarely, au profit de la fondation du même nom.
PARIS – La galerie Guillaume inaugure le 11 mars 2009 son nouvel espace, au 32 rue de Penthièvre, avec une exposition centrée sur le critique Pierre Cabanne, décédé en 2007, dont elle détient les archives.
PARIS – Le 13e Festival de l’Imaginaire, consacré aux cultures du monde, se tient du 3 mars au 10 avril 2009.
SEDAN – Chimeria, 7e festival des arts visionnaires, se tient du 7 au 16 mars 2009.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
LE JAPON ILLUSTRÉ
ROUEN - Héritées de généreux donateurs comme Jules Hédou ou Janine Lauri, les collections japonaises de la Ville de Rouen sont remarquables, comprenant aussi bien des estampes de l'âge d'or Edo que des poupées de cérémonie ou des objets miniaturisés. Elles sont présentées au musée des Beaux-Arts.