ArtAujourdhui.Hebdo
N° 134 - du 14 mai 2009 au 20 mai 0200
L’AIR DU TEMPS
Qu’est-ce qu’un musée ?
Les nouvelles du Japon font état de scènes de quasi hystérie, qui accompagnent le tableau mythique de Gauguin, D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, exposé pour la première fois à Nagoya. Des femmes pleurent, des hommes prient. Cela confirme que le musée peut être un temple – Stendhal s’évanouissait déjà devant la beauté et le syndrome qui décrit ce type de malaise porte son nom. Le musée peut aussi être le dernier lieu à la mode – celui où l’on va plutôt que d’aller prendre un verre à Saint-Germain-des-Prés. Concerts, spectacles, défilés de mode et le rendez-vous de la « Nuit des musées », qui tient sa 5e édition le 16 mai, participent de cette adaptation parfois forcée au trend. Enfin, le musée peut être l’extension réussie d’un vignoble ou d’une multinationale de l’outil : que l’on pense aux différents musées Würth ou au dernier en date, le musée James Turrell, inauguré il y a deux semaines par le magnat du vin Donald Hess, sur son estancia argentine de Colomé. Une variété choquante pour certains mais qui illustre la vitalité du secteur à l’heure où l’on ne cesse de mettre en avant les déboires des musées américains à court de finances.
EXPOSITIONS
En passant par la Normandie
CAEN-ROUEN-LE HAVRE – Quand les Normands s’unissent, voilà ce que cela peut donner : une exposition d’envergure, en trois volets, présentant l’image de la Normandie au cours des deux derniers siècles, fortement modelée par les artistes anglo-saxons et les photographes. A Rouen, c’est la vision des peintres anglais Bonington, Turner ou Cotman, pionniers dans l’appréciation des beautés normandes, qui est restituée. Le Havre se consacre à l’un de ces projets ambitieux du XIXe siècle : la Normandie pittoresque et monumentale était une publication en cinq volumes, à la qualité irréprochable comme en font foi les reproductions en héliogravure. Enfin, Caen montre l’attrait des photographes pour une région de lumières changeantes et d’eau omniprésente. Et conclut le parcours par un regard contemporain grâce à la commande faite à trois praticiens actuels – Joachim Mogarra, Vincenzo Castella et Ruth Blees Luxemburg.
Frank Lloyd Wright, 50 ans après
NEW YORK – Il est mort deux mois avant l’inauguration du musée Guggenheim, qui est son œuvre la plus connue. C’est un peu comme si Frank Gehry avait disparu avant l’ouverture du Guggenheim Bilbao… Cinquante ans après l’apparition du bâtiment en spirale qui a marqué le paysage new-yorkais, une exposition célèbre son architecte, Frank Lloyd Wright (1867-1959), la variété de son inspiration et son exceptionnelle longévité. Des dessins originaux, rarement ou jamais montrés, et des maquettes toutes neuves, créées pour l’occasion, mettent en perspective une carrière de trois quarts de siècle, qui comprend des bureaux (le Larkin Building à Buffalo), des villas (la Maison sur la cascade ou sa propre maison à Taliesin, devenue siège de la fondation) et des utopies urbaines comme la Crystal City de Washington ou le plan du Grand Bagdad.
Bulgarie sur fond or
PARIS – Elles proviennent de la Galerie nationale de Sofia, du Musée historique de Preslav ou du monastère de Batchkovo : il s’agit d’un choix d’icônes bulgares, présentées dans la Sainte-Chapelle à peine restaurée du château de Vincennes. Née avec la conversion du peuple au christianisme en 864, l’icône deviendra un véritable symbole politique du pays au moment de la lutte pour l’indépendance, obtenue en 1878. Les quelque 80 exemplaires réunis sont installés dans un étroit boyau en bois, qui prend des airs d’iconostase, et couvrent une période de près mille ans, d’un saint Théodore en céramique du Xe siècle jusqu’aux motifs profanes du XIXe siècle, en passant par les grandes compositions du XIVe siècle, qui constituent l’apogée du genre.
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VENTES
L’appel de la nature
BRUXELLES - Un caméléon en cuivre repoussé des ateliers des Wiener Werkstatte, un oiseau en palissandre des frères Martel, grands noms de l’Art déco, une aquarelle d’éléphant par Paul Cooreman, illustrateur des années trente, ou une eau-forte de Paul Jouve détaillant le combat d’un tigre et d’un python… Dans ses ventes de mai, la maison Pierre Bergé a prévu un volet d’art animalier. On y trouve de beaux noms comme les spécialistes Mène et Barye ou Rembrandt Bugatti. Ce dernier s’était fixé à Anvers en 1907 et allait souvent se balader du côté du zoo… A son marabout répondent le singe et l’autruche à sa toilette de son ami Albéric Collin. Pour l’enchère la plus élevée, qui pourrait dépasser 50 000 euros, sont en lice Dunand avec un paravent de biches, Fernand Gysen et ses éléphanteaux et une poule cayenne de Pompon.
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Borre Sæethre, Untitled, 2007, techiques mixtes, dimensions variables. Vue de l'exposition For Someone Who Nearly Died But Survived, Bergen Kunsthall Bergen, 2007. Courtesy galerie Loevenbruck, Paris
Borre Sæthre : un autre monde
Une atmosphère dure, douce, lumineuse, sombre ? Une ambiance cosy ou stressante ? C’est ce que s’attache à produire l’artiste norvégien Borre Sæthre. Marqué - ou contaminé - par la multiplication des environnements spécifiques et interchangeables – salles d’attente, halls d’aéroport, ascenseurs, caissons de relaxation, cabines d’UV – il propose ses propres installations mêlant matériaux physiques, lumières, sons, odeurs, et, souvent, des animaux empaillés qui symbolisent le dépaysement abolu. Des phrases sibyllines et définitives, inscrites sur des panneaux, accentuent parfois le sentiment d’aliénation. Plus que sur un corpus de critères esthétiques, l’appréciation de cette œuvre se fonde sur le concept : ces milieux hostiles sont-ils si différents de celui dans lequel nous vivons ?
LIVRES
Ousmane Sow, avant d’être grand
Il a été petit, nous dit le livre. Il s’agit d’Ousmane Sow, sculpteur-colosse du Sénégal, dont les statues gigantesques avaient fait l’objet d’une exposition mémorable sur le pont des Arts à Paris en 1999. Dix ans plus tard, ce petit ouvrage illustré de photographies, de documents personnels et de dessins de Christophe Humbert, est une biographie en filigrane de l’artiste, depuis ses années de « galère » dans un quartier pauvre de Dakar, à ses errances parisiennes (il dormait dans les commissariats), de ses débuts comme kinésithérapeute grâce au coup de main de Boris Dolto (le mari de Françoise) jusqu’à la reconnaissance mondiale à la Documenta de Kassel ou à la Biennale de Venise. Le livre convient aussi bien aux adultes qu’aux enfants, auxquels il apprend que l’art peut bouger le monde mais qu’il exige parfois de ses adeptes une volonté inébranlable…
BRÈVES
BARCELONE – Le prix Joan Miró, doté de 70 000 €, a été attribué à l’artiste suisse Pipilotti Rist. La première édition, en 2007, avait couronné Olafur Eliasson.
FLORENCE – Le musée Ardengo Soffici, consacré à l’un des principaux représentants du futurisme italien (1879-1964) , ouvre le 16 mai 2009 à Poggio a Caiano. Il expose des tableaux, des estampes, des ouvrages de l’artiste.
HONG KONG – La Hong Kong International Art Fair, consacrée à l'art contemporain, se tient du 14 au 17 mai 2009.
NEW YORK – La semaine de l’art contemporain d’Asie (Asian Contemporary Art Week) se tient jusqu’au 18 mai 2009 avec des manifestations dans 35 musées et galeries.
PARIS – Les Temps forts de Drouot, qui présentent les plus belles ventes à venir, se tiennent du 19 au 24 mai 2009 à Drouot-Montaigne. Parmi les pièces exposées, des tableaux de Boucher, Sisley et Buffet.
PARIS – Le manuscrit du chapitre central de Terre des hommes d’Antoine de Saint-Exupéry, qui sera vendu le 17 juin 2009, est exposé le 14 mai de 10h à 18h chez Sotheby’s (76, rue du Faubourg Saint-Honoré).
PARIS – Le parcours artistique Art Saint-Germain-des-Prés tient sa 10e édition du 14 au 17 mai 2009.
SHANGHAI – Pour fêter son 10e anniversaire, la galerie Magda Danysz ouvre un espace de 400 m2 le 25 juin 2009 dans le quartier du Bund. L’exposition inaugurale est consacrée à l’artiste américain JonOne.
USHUAIA (Argentine) – La 2e Biennale du bout du monde se tient jusqu’au 25 mai 2009 avec la participation de 35 artistes du monde entier.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
LE NATURALISTE : TIMOTHY MARTIN
PARIS - Peintre amoureux de la nature, Timothy Martin est exposé pour la première fois à Paris. La fondation Mona Bismarck présente une cinquantaine de ses toiles, dont les célèbres compositions de meubles ou d'instruments de musique entièrement en feuilles et fleurs.
L'ORATOIRE DES CORDONNIERS, DE DANIEL OGIER
ROMANS - Décorateur renommé dans le monde du spectacle (César à Cannes pour Molière d'Ariane Mnouchkine, scénographies d'opéras), Daniel Ogier poursuit aussi une œuvre personnelle, créant des oratoires à travers l'Europe. Celui-ci, installé dans sa ville natale, s'insipire évidemment du monde de la chaussure.