ArtAujourdhui.Hebdo
N° 136 - du 28 mai 2009 au 3 juin 2009
L'AIR DU TEMPS
Gloires belges
Les stars belges du XXe siècle : Jacques Brel, Jackie Ickx, Eddie Merckx ? Et deux autres, qui planent peut-être encore plus haut au firmament : Hergé (1907-1983), le créateur de Tintin, et Magritte (1898-1967), le peintre surréaliste. Par une admirable conjonction, les deux sont à l’honneur en même temps, chacun avec un nouveau musée, inauguré le 2 juin. Un timing impeccable qui imposera un petit parcours au Plat Pays : Magritte, avec 200 tableaux dont l’Empire des Lumières, est désormais logé dans l’hôtel néo-classique Altenloh, rénové, sur la place Royale de Bruxelles. Tintin, lui, s’installe à Louvain-la-Neuve, dans un bâtiment de Christian de Portzamparc, fait de pleins et de vides, comme une bulle de BD, où l’on trouve planches, dessins et objets reconstitués dont le sous-marin utilisé dans le Trésor de Rackham le Rouge.
EXPOSITIONS
Psyché, toujours actuelle
AZAY – Nos aïeux connaissaient le mythe tant il a nourri l’imaginaire des artistes, compositeurs et écrivains (d’Apulée à Raphaël et Clément Janequin). La belle Psyché, malgré l’interdiction, veut voir le visage de son amant. Elle le dévisage un soir, à la lueur de la bougie. Une goutte de cire tombe et le réveille. Il s’enfuit et, avec lui, l’amour, si fragile. Thème platonicien par excellence, il a été maintes fois traité, jusqu’à Cocteau, dans la Belle et la Bête. Le château d’Azay en a réuni une centaine de versions différentes : marbres hellénistiques, lampes étrusques en bronze, camées en ivoire, émaux limousins, dessins de Jules Romain, tentures de Bruxelles, porcelaines de Wedgwood, jusqu’à des chenets de Thomire et à l’immanquable psyché, ce miroir mobile si prisé au XIXe siècle…
Giacometti et les siens
BÂLE – Alors que les visiteurs se préparent à envahir la ville pour la foire Art Basel, la fondation Beyeler consacre son exposition estivale à un favori du grand public : Alberto Giacometti. C’est aussi l’un des artistes qui ont le plus comptés pour le marchand : près de trois cents de ses œuvres seraient passées entre les mains d'Ernst Beyeler. La rétrospective intègre tout le clan Giacometti : le frère Diego, bien sûr, qui fut son collaborateur pendant des décennies, mais aussi le père Giovanni, l’un des grands post-impressionnistes suisses avec Segantini, l’oncle Augusto qui fit des tentatives précoces dans le domaine de l’abstraction, ou encore la mère et la sœur qui servirent de modèle. Femmes de Venise, la Boule suspendue, le Nez, la Main, le Chien : les principaux chefs-d’œuvre sont là, dans une mise en scène originale. Ainsi, le Petit Homme sur socle, vraiment minuscule, bénéficie-t-il d’une salle entière, pour illustrer la conception toute particulière du monumental chez Giacometti, qui peut s’exprimer en dehors de tout effet de taille.
Couleurs de Jodhpur
LONDRES - Les visiteurs du Rajasthan ne se doutent pas toujours des trésors qu’ils peuvent y rencontrer, cachés dans les palais princiers. Un coup de projecteur européen met en exergue la collection du maharajah de Jodhpur, habituellement visible au Mehrangarh Museum : une cinquantaine de tableaux résumant la production locale du XVIIe au XIXe siècle. Où l’on mesure toute l’importance du commanditaire : au milieu du XVIIIe siècle, Bakhat Singh demande à ses artistes de chanter l’art de vivre, la sensualité, la beauté de la nature. Son petit-fils Man Singh a des préoccupation beaucoup moins profanes : il souhaite qu’on lui illustre les grands concepts philosophiques, l’origine du cosmos, les mythes religieux. Les deux « tendances » sont illustrées avec la même profusion de couleurs et le même amour du détail.
La rédaction d'Artaujourdhui vous conseille aussi…
VENTES
Seurat bis repetita ?
PARIS - L’an dernier, en pleine crise, un dessin de Seurat avait ébranlé le marché parisien. Estimé 750 000 euros, il avait été adjugé 4,4 millions d’euros le 3 décembre 2008, signant un record pour une œuvre sur papier. Ce 28 mai, Sotheby’s, la maison auteur de cette performance, rêvera évidemment de la rééditer. Elle présente en effet deux nouveaux dessins de Seurat, deux crayons Conté sur papier. L’un d’eux, Assis, qui s’insère dans une série de personnages croqués pendant l’année 1881, est estimé 100 000 euros. L’autre, réalisé un ou deux ans plus tard, Femme avec deux fillettes, trois personnages de dos se dissolvant dans le noir, n’est pas une découverte : il avait été l’une des stars de la rétrospective Seurat à l’Art Institute de Chicago en 1958. Les commissaires-priseurs en attendent plus d’un million d’euros.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Pascal Pesez, Déposition et démesure, huile sur toile, 250 x 200 cm, 2005, Photo Centre d'arts plastiques et visuels (Ville de Lille) / Olivier Dupont, 2006, Courtesy La Galerie particulière
Pascal Pesez : la vie en rose chair
La manie désagréable de classer les artistes nous impose de trouver plusieurs influences chez Pascal Pesez : l’informel, le tachisme, la débauche physique de Gutai, l’expressionnisme abstrait à la Pollock, mais aussi la représentation de morceaux de chair, chez Soutine par exemple. Ses compositions ont cette couleur rose et ces formes presque humaines, qui les rendent dérangeantes, ou pour le moins troublantes : on y cherche des blessures, des organes… ou des fleurs. Ses dernières créations sont de plus en plus monumentales, plus hautes et plus larges qu’un homme, et prennent la forme de polyptyques qui se déplient. Le tout produit avec une économie de moyens, que l’artiste détaillait dans un récent entretien : une table, cinq pots de peinture (noir, blanc, rouge, bleu, jaune), quelques pinceaux et chiffons, du white spirit… Pascal Pesez, né en 1964, en qui l’on peut voir s’incarner un carrefour d’influences internationales, vit et travaille à Valenciennes où il a créé un lieu d’art et de rencontres, L’H du Siège.
LIVRES
Picasso au grenier
Un artiste reconnu qui manque d’espace pour travailler, un conservateur éclairé qui a trop d’espace pour sa petite collection : la rencontre idéale se réalise par l’entremise de Michel Smajewski, survivant d’Auschwitz. A quels hasards tient l’histoire de l’art… D’un côté, donc, Picasso, sur la Côte d’Azur à l’été 1946, avec sa nouvelle flamme, Françoise Gilot ; de l’autre, Romuald Dor de la Souchère, directeur du musée d’Antibes qui dispose d’un grenier inutilisé. Pendant plusieurs mois, il va en confier les clés à Picasso, qui y crée Nature morte au compotier de raisin, à la guitare puis Ulysse et les sirènes. Michel Smajewski, dit Sima, va en suivre les étapes avec une vieille chambre photographique rafistolée (l’obturateur est réalisé avec un bout de bambou flotté). Cela donne un « roman-photo » original : Picasso torse nu, en short ou en pantalon de toile, en vieux chandail troué ou en maillot rayé, en sandales, assis, debout, avec Sabartés ou Eluard, posant avec un pinceau, avec des céramiques, avec une chouette dans la main, le regard vaguement halluciné…
Pour en savoir plus sur la carrière de Michel Sima, trop brièvement évoquée
BRÈVES
ABU DHABI – Lors d’une cérémonie le 26 mai 2009, Nicolas Sarkozy et le prince héritier, cheikh Mohamed Ben Zayed al-Nahyan, ont posé la première pierre du Louvre Abu Dhabi, dessiné par Jean Nouvel, dont l’ouverture est programmée pour 2013.
La description du projet sur le site de l'agence France Museums
ATHÈNES – Le ministre de la Culture, Andonis Samaras, a annoncé que le prix d’entrée au musée de l’Acropole, qui ouvre le 20 juin 2009, serait fixé à 1 euro pendant les six premiers mois.
BOSTON – Le conseil d’administration du musée Isabella Gardner Stewart a approuvé le 18 mai le projet d’extension dessiné par Renzo Piano.
LONDRES – Selon The Observer, qui cite les conclusions de la police britannique, la sculpture monumentale de Henry Moore, Reclining Figure, volée en 2005, aurait été fondue et revendue au prix du métal brut – soit un butin de moins de 2000 euros.
MADRID – Le festival Photo España, qui attire environ 600 000 visiteurs chaque année, se tient du 3 juin au 26 juillet 2009. Plus de 70 expositions sont organisées entre Madrid et les deux antennes de Cuenca et Lisbonne.
OVIEDO - L’architecte Norman Foster a reçu le prix 2009 Prince des Asturies.
PARIS - La Nocturne Rive droite - avec ouverture jusqu'à 23 heures de 75 galeries du VIIIe arrondissement - se tient cette année le mercredi 3 juin.