ArtAujourdhui.Hebdo
N° 144 - du 24 septembre 2009 au 30 septembre 2009
L'AIR DU TEMPS
Bon anniversaire en Acadie
Le 50e anniversaire d’un musée du Nouveau-Brunswick, l’une des provinces «maritimes» du Canada, à 1000 kilomètres de Montréal, aurait tout pour passer inaperçu. Mais le premier demi-siècle de la Beaverbrook Art Gallery, située à Fredericton, la charmante capitale, s’est accompagné d’un tel cadeau qu’il s’est frayé un passage en une. Fondé par un magnat de la presse, le musée possède un beau fonds de paysagistes canadiens comme Anthony Flower ou George Neilson Smith. Mais aussi un ensemble remarquable de maîtres anciens, parmi lesquels Reynolds, Gainsborough, Turner et de stars contemporaines comme Lucien Freud et Graham Sutherland. Un long procès a opposé le musée et la fondation américaine Lord Beaverbrook, laquelle estimait qu’il ne s’agissait que de prêts et non de dons, et que 136 tableaux valant plusieurs centaines de millions de dollars lui revenaient. Pas de Grand Dérangement en vue, comme lors de l’exil forcé de 1755 : le juge a débouté la fondation, ne lui octroyant qu’une quarantaine de tableaux. Les autres resteront au Nouveau-Brunswick : de quoi mettre la province sur la carte du tourisme autrement que pour son riche passé acadien.
EXPOSITIONS
Moctezuma, crépuscule d’un empire
LONDRES - Il fait partie des grands vaincus de l’histoire. En 1518, Moctezuma est à la tête d’un empire démesuré qui s’étend entre deux océans. En 1520, il n’est plus qu’un cadavre et sa terre est tombée aux mains d’une poignée de conquistadors espagnols menés par Cortés. C’est ce destin que détaille l’exposition du British Museum en réunissant des pièces d’Amérique et d’Europe : des chefs-d’œuvre de mosaïque de pierres dures comme ce serpent à deux têtes, mais aussi des représentations de divinités, la pierre sur laquelle fut couronné le souverain ou des armes rituelles. La maquette du grand temple de Tenochtitlán permet de comprendre l’importance de Mexico trois siècles avant la conquête. Peintures coloniales et objets aztèques détournés de leur fonction montrent comment le mythe de Moctezuma a fini par s’enraciner en Europe davantage qu’en Amérique.
Renoir dernière période
PARIS - Monet et Renoir : dans l’esprit du grand public à travers le monde, ce sont les mousquetaires de l’impressionnisme. En produisant les Nymphéas à la fin de sa vie, Monet a élargi son pedigree. Renoir, qui a pourtant vécu aussi âgé que son compagnon, n’a pas eu cette chance et on continue de le caser tout entier parmi les révolutionnaires des années 1860-70. Bien peu savent ce qu’il a fait au début du XXe siècle, à l’époque où il apparaît comme un vieux monsieur barbichu aux yeux pétillants qui déclare « Je commence à savoir peindre ». L’exposition du Grand Palais entend redresser ce tort. S’il abandonne certains des préceptes de l’impressionnisme, s’il délaisse le paysage et le portrait au profit de l’ornementation et des grands nus, même s’il se place à mille lieux du cubisme, Renoir continue de marquer ses contemporains comme Picasso ou Apollinaire.
Pelez, les dessous de la Belle Epoque
PARIS - Il y a quelques années, il trônait en bonne place à l’exposition sur l’univers du cirque au Grand Palais, entre le film Freaks et le portrait de Charlot par Fernand Léger. Pourtant, si sa Parade ouvrait l’exposition, qui connaît vraiment Fernand Pelez (1848-1913) ? Ce peintre formé chez Cabanel s’est consacré à relater, dans une palette naturaliste au chromatisme sobre, l’existence des petites gens de Paris sous la Troisième République, gosses des rues ou femmes perdues, marchands de violettes et mendiants allant assouvir leur faim au réfectoire de la Bouchée de Pain. Digne héritier de la Commune, Pelez enseigne l’envers du mirage de la Belle Epoque : il y a « de la boue dans son pinceau » écrit Emile Henriot. Et l’Opéra, un de ses thèmes préférés, est bien moins glamour que celui de Degas…
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L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Shirin Neshat, Games of Desire, 2009, encre sur tirage couleur marouflé sur Dibond, format unique 127,3 x 84,7 cm. Edition à 5 exemplaires et 2 épreuves d’artiste (c) Shirin Neshat. Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
Shirin Neshat fait chanter le Laos
Il y a dix ans, elle remportait le Lion d’or de la Biennale de Venise avec son installation vidéo Turbulent, mettant en scène un homme et une femme en Iran, lui chantant devant un public nourri, elle, voilée, vocalisant dans le vide. Les œuvres de Shirin Neshat ont évidemment un contenu politique, qui a parfois occulté leur dimension esthétique. Dans sa dernière création, l’artiste a repris le motif de la confrontation chantée, sous forme de ces joutes poétiques qui étaient autrefois communes chez nous. Elle est allée dénicher au Laos ces étranges duels rituels, pratiqués lors des mariages, où les participants, sous des apparences respectables, prononcent des paroles de plus en plus osées, voire obscènes. Le volet vidéo se double d’une dimension photographique sous forme de grands portraits des chanteurs sur fond de calligraphie.
VENTES
Cinq siècles de vitrail
PARIS - C’est avec des ventes de prestige, certes, mais aussi avec des ventes thématiques que l’Hôtel-Drouot peut affirmer sa « différence » par rapport aux grandes maisons anglo-saxonnes. Cette vacation, consacrée aux vitraux, avec près de 300 lots, est exemplaire d’une telle démarche. Peu d’adjudications à très haut prix : on attend une limite supérieure à 35 000 euros pour un grand paysage qui ornait une maison de maître versaillaise vers 1900. Pour le reste, quelques milliers d’euros, parfois moins, suffiront à emporter d’excellents exemples de l’art décoratif du XIXe siècle, des motifs qui ornaient une grande brasserie de Saumur jusqu’aux évocations de l’univers médiéval, revenu en vogue avec Viollet-le-Duc. Camaïeux, grisailles, vitraux polychromes : tout l’éventail de la spécialité est représenté, avec certains lots remontant à la Renaissance.
LIVRES
Papiers peints à travers les âges
On est tous allés chez Conforama : aujourd’hui les papiers peints ne coûtent guère. Mais comment faisaient les bourgeois d’autrefois ? L’ouvrage de Carolle Thibaut-Pomerantz, spécialiste reconnue de la discipline, nous emmène dans un voyage à travers le temps. On y apprend comment, à la Renaissance, l’arrivée d’épouses italiennes chez les gentilshommes français les poussa à rechercher des intérieurs plus sophistiqués. Trop chers les tapisseries des Flandres et les cuirs de Cordoue ? On se tourne alors vers les tentures que produisent les cartiers-dominotiers, qu’un édit de Henri IV reconnaît en 1597. Les Remondini de Bassano, la manufacture Zuber à Mulhouse ou Révillon à Paris (où commence la Révolution française !) sont quelques-uns des noms obligés. Mais l’on découvre aussi le papier chinois à la main, les panoramiques imprimés à la planche par Dufour à Mâcon en 1804, les créations japonisantes de Walter Crane, les essais d’Andy Warhol avec Nixon en tête de lit ou ceux de Leonor Fini avec des squelettes de poissons : toutes les audaces de l’art contemporain se retrouvent au mur…
BRÈVES
FLORENCE – La 26e Biennale internationale des antiquaires se tient du 26 septembre au 4 octobre 2009.
MONTROUGE – La Biennale de la jeune création se tient du 26 septembre au 25 octobre 2009.
MOSCOU – La 3e Biennale d’art contemporain de Moscou se tient du 25 septembre au 25 octobre 2009.
NÎMES – La foire d’art contemporain Artenim se tient du 25 au 28 septembre 2009.
TOULOUSE – Le Printemps de septembre, manifestation pluridisciplinaire, qui se tient du 25 septembre au 18 octobre 2009, propose de nombreuses expositions sur la thématique « Là où je suis n’existe pas ».