ArtAujourdhui.Hebdo
N° 148 - du 22 octobre 2009 au 28 octobre 2009
L'AIR DU TEMPS
Enfin Louis XIV vint…
Louis XIV à Versailles ? Connais pas… Cela semble incroyable mais c’est pourtant vrai. Le château n’avait jamais organisé d’exposition à la gloire de son illustre locataire. Le péché est effacé avec la grande rétrospective qui vient d’ouvrir. A l’heure où nos élites républicaines semblent éprouver un faible pour les pratiques monarchiques, on y décortique en 300 objets toute la pompe du Grand Siècle. Venus de Hambourg ou de Budapest, de la Nouvelle-Orléans ou de Caen, les bureaux à gradin, les bustes en biscuit, les bronzes mythologiques et les profils en cire d’abeille montrent une magnificence de tous les instants. Qui atteint des sommets insensés, sous la baguette de Le Brun : de 1670 à 1685 est mis en œuvre le projet de recouvrir intégralement de tapis le sol de la Grande Galerie du Louvre. Pas de demi-mesure : sur une longueur de plus de 400 mètres, le revêtement sera exclusivement constitué de chef-d’œuvres produits par la Savonnerie, en lin et laine. En observant l’un des 93 tapis réalisés à l’époque, on ne peut manquer de trouver troublante l’aptitude des régimes autoritaires à produire des œuvres qui défient le temps…
EXPOSITIONS
Sculpteurs du XVIIe, grands d’Espagne…
LONDRES – La peinture espagnole du XVIIe siècle, emmenée par Vélasquez, est abondamment connue. Il n’en va pas de même avec la sculpture polychrome, qui était pourtant une discipline majeure, employant de grands créateurs comme Francisco Pacheco (maître de Vélasquez) et Alonso Cano. Pour montrer l’interaction et la complémentarité de la peinture et de la sculpture dans la culture espagnole de l’époque, la National Gallery a mis côte à côte des tableaux de Zurbarán et consorts et des retables polychromes sur la Passion du Christ, l’Immaculée Conception ou l’Assomption de la Vierge. Juan Martínez Montañés et Pedro de Mena devraient voir leur statut enfin rehaussé après cette confrontation salutaire.
Eros à travers les âges
MADRID – L’amour et le sexe, vus à travers la lentille de Georges Bataille, pour qui l’érotisme était cousin du sacrifice religieux : l’exposition montrée au musée Thyssen et à la Caja Madrid a un petit goût de soufre. Comment les artistes ont exprimé le tourment amoureux et le désir, sous toutes leurs déclinaisons – hétérosexuelle ou homosexuelle, fétichiste, sadique, voyeuriste -, voilà un projet qui se décline en douze sections thématiques et plus de 100 œuvres des XIXe et XXe siècles, avec quelques bonds en arrière pour faire témoigner Tiepolo et Rubens. Des Sébastien de la Renaissance sous leur pluie de flèches à Nastassia Kinski enlacée par le serpent (sous l’objectif de Richard Avedon), en passant par la Vénus des peintres pompiers ou les femmes ligotées de Bellmer, la passion revêt mille apparences diverses.
Matisse tendance Rodin
PARIS – Rapprocher deux monstres sacrés de l’art moderne, c’est le projet caressé par le musée Rodin, qui confronte son champion à Henri Matisse. On compare les techniques de sculpture, l’audace dans le traitement de certains thèmes, la passion commune pour la danse, le nu féminin, l’homme qui marche. Dans la réalité, l’exercice d’admiration fut à sens unique : Matisse, décidant en 1891 de se consacrer à la peinture, fut frappé par son aîné et notamment par le pavillon de l’Alma, monté par Rodin en marge de l’Exposition universelle de 1900. De son côté, Rodin ne fut guère impressionné par son jeune émule. Il lui reprochera même, lors d’une de leurs rares rencontres, d’avoir la main « trop facile ». En dehors des parallèles qu’elle s’emploie à tracer, l’exposition vaut surtout pour la présentation abondante de l’œuvre sculptée de Matisse, que l’on n’avait pas vu de la sorte depuis plus de trente ans.
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VENTES
Parfum de photo chez les Guerlain
PARIS - Ils sont connus comme de grands collectionneurs de dessins contemporains. Et c’et justement pour se consacrer entièrement à cette passion – qui s’exprime aussi par le prix annuel que décerne leur fondation – que Florence et Daniel Guerlain, héritiers de la grande dynastie de parfumeurs, ont décidé de mettre en vente leur collection de photographies. Celle-ci, qui n’a jamais été exposée, comprend près de 90 lots. Plus que des stars internationales de la discipline (comme Man Ray, présent avec un portrait de Catherine Deneuve de 1966), on y trouve des praticiens qui mènent des recherches personnelles de longue durée, souvent par cycles, comme Candida Höfer, passionnée par les intérieurs publics et privés, ou John Coplans, qui a scruté pendant des années la dégénérescence progressive de son corps vieillissant. Hormis les grandes sérigraphies sur plexiglas de Jean-Marc Bustamante et les paysages crépusculaires et conceptuels de Sugimoto, la moyenne des prix devrait être largement inférieure à 10 000 euros.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Fabienne Verdier, Ligne espace temps, pigments et encre sur toile, 2008, courtesy galerie Jaeger Bucher, Paris
Fabienne Verdier : passion de Chine
Certains ont des périodes « chinoise » ou « calligraphique » de quelques mois. Pour Fabienne Verdier, ce temps se prolonge depuis 1983 – depuis que, munie d’une bourse d’étude, elle est partie étudier en Chine. L’artiste a raconté dans Passagère du silence son initiation – toujours exaltante, parfois douloureuse - de dix ans auprès des grands maîtres. Chez elle, la vibration du vide, c’est cette science des sous-couches, blanc, cinabre, sur lesquelles la peinture vient se poser – rouge ou noire - en un geste autant qu’en une trace de pigment. Cette « expression spontanée totale », où
le mouvement est essentiel, l’a fait comparer à Jackson Pollock. Elle-même se sent proche d’Agnès Martin, de Brice Marden, magiciens des lignes droites et courbes, mais se trouve également des analogies avec les primitifs flamands. La galerie Jaeger Bucher expose une quarantaine d’œuvres récentes, dont des pastels que l’artiste montre pour la première fois.
LIVRES
La BD, de A à Z
C’est un fait, le 9e art monte en puissance. Le musée de la Bande dessinée d’Angoulême s’est installé dans de nouveaux locaux et Portzamparc vient de signer le musée Hergé. Les expositions se multiplient (Vraoum ! à la Maison rouge à Paris, Sexties au palais des beaux-arts de Bruxelles) et les cotations de Hergé, Franquin ou Bilal approchent celles des grands peintres. Les vademecums comme celui-ci ne se limitent plus à être de simples passe-temps pour originaux, ils deviennent des outils d’histoire de l’art. Les maillons essentiels y sont posés, des premières cases de Rodolphe Töpffer dans les années 1830 jusqu’aux multiples écoles indépendantes d’aujourd’hui, comme celle de L’Association en France. Chemin faisant, on fréquente Alex Raymond, Will Eisner, le boulimique Harvey Kurtzman, créateur de MAD, Moebius et Charlier, on assiste à l’apogée du comic américain et de la ligne claire belge. On regrettera évidemment quelques manques – le western et le giallo à l’italienne (Tex Willer, Dylan Dog) ou le tebeo espagnol, mais la matière première est tellement colossale que la synthétiser est en soi une gageure courageuse…
BRÈVES
BOGOTA – La 5e édition de la foire internationale d’art contemporain ARTBO, se tient du 22 au 26 octobre 2009.
PARIS – La 36e FIAC (Foire internationale d’art contemporain) de Paris se tient au Grand Palais, avec plus de 200 exposants, du 22 au 25 octobre 2009.
PARIS – Plusieurs foires d’art moderne et contemporain se tiennent en même temps que la FIAC : Slick (du 23 au 26 octobre), Show Off (du 22 au 25 octobre), Elysées de l’art (du 22 au 26 octobre).
RIO DE JANEIRO - Plusieurs centaines d'œuvres de l'artiste Hélio Oiticica (1937-1980) - soit l'essentiel de sa production - ont disparu dans l'incendie d'un entrepôt le 17 octobre 2009.
Une œuvre d'Oiticica conservée à la fondation Inhotim, près de Belo Horizonte
TORONTO – La 10e édition d’Art Toronto, foire internationale d’art contemporain, se tient du 22 au 26 octobre 2009.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
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CERDA ET LA BARCELONE DU FUTUR
BARCELONE - Le Centre de cuture contemporaine (CCCB) consacre une ambitieuse exposition à Cerdà, l'urbaniste auteur du plan d'extension de la ville de Barcelone en 1859. L'Eixample, une construction rationnelle à base de blocs d'habitation de 113 mètres de côté, est encore aujourd'hui le poumon de la ville.
THE VALLEY - RÉMY MARLOT
SAINT-CLAUDE - Le musée de l'Abbaye accueille trois séries photographiques et une vidéo de Rémy Marlot autour des thèmes du paysage. Ce travail sur la lumière, qui développe une esthétique de l'envahissement de l'activité humaine par la nature, répond de près au décor montagneux dans lequel s'inscrit le musée lui-même.