ArtAujourdhui.Hebdo
N° 160 - du 28 janvier 2010 au 3 février 2010
Un tableau du Titien transporté hors du Prado en 1936. Image tirée de Mundo Hispánico, août 1953. Courtesy El País.
L'AIR DU TEMPS
Un tableau du Titien transporté hors du Prado en 1936. Image tirée de Mundo Hispánico, août 1953. Courtesy El País.
L’art et les bombes
Le destin des œuvres d’art en période de guerre est souvent agité, parfois fatal. On connaît les grandes disparitions comme le cabinet d’ambre de Saint-Pétersbourg, l’Odalisque au pantalon rouge de Matisse et autres chefs-d’œuvre spoliés en France par Goering et ses acolytes. On sait que les trésors du Louvre ont connu maintes péripéties, réfugiés dans des châteaux comme Chambord pour survivre. Ce fut le cas de la Joconde. D’autres pays ont connu des malheurs identiques. L’Espagne, qui règle systématiquement les comptes avec son passé (que ce soit pour l’identification des morts sans sépulture ou l’octroi de la nationalité aux descendants des exilés), vient de remercier solennellement quelques institutions étrangères (National Gallery, Louvre, Rijksmuseum, etc) pour l’aide apportée durant la guerre civile pour mettre son patrimoine à l’abri. La saga des Vélasquez et autres Goya du Prado, qui partirent en camion sur les routes défoncées de la péninsule, sous les bombardements aériens de la légion Condor, vers Valence, Barcelone puis Genève (en train cette fois-ci), est rappelée dans une exposition de photos d’archives, face au Prado même. Une façon de rappeler que, si les hommes méritent évidemment la priorité en cas de conflit, les chefs-d’œuvre, eux aussi, sont mortels.
•Arte salvado : exposition publique sur le Paseo del Prado, du 25 janvier au 21 mars 2010.
•Le documentaire Las cajas españolas, d’Alberto Porlan (2004) est consacré au sujet.
EXPOSITIONS
Vivre en Utopie avec Fourier
BESANCON - Son nom est indissolublement lié au concept d’utopie. Né à Besançon, Charles Fourier (1772-1837) a passé sa vie à élaborer des modélisations idéales de l’être humain (gouverné par douze «passions», qu’il organisa en une Théorie que la censure l’empêcha de publier) et du progrès, en leur trouvant de nombreuses applications pratiques. Présentant quelques portraits de Fourier et des œuvres de ses disciples du XIXe siècle tel le peintre Dominique Papety, l’exposition cherche surtout à explorer les prolongements des idées fouriéristes dans l’art moderne et contemporain. S’inspirant des classifications de Fourier, le parcours est divisé en douze passions (cosmogonie, mathématiques, gastrosophie, etc) et fait intervenir des créateurs de tout ordre - comme André Breton, Robert Filliou, Alain Bublex ou Frank Scurti - qui donnent un visage chaque fois différent à l’utopie.
•Charles Fourier ou l’écart absolu au Musée des beaux-arts et d’archéologie, du 28 janvier au 26 avril 2010. Catalogue.
Black Power
LIVERPOOL – Comment la culture noire a-telle marqué l’art du XXe siècle ? C’est la vaste enquête à laquelle s’est livrée la Tate Liverpool, en prenant comme «pivot» l’océan Atlantique par lequel ont transité les millions d’Africains condamnés à l’esclavage. On connaît certes l’influence des arts nègres sur Picasso, Derain. On connaît aussi la révolution culturelle qu’a constitué la Harlem Renaissance, représentée aussi bien par Duke Ellington et Louis Armstrong que par des peintres comme Romare Bearden ou Aaron Douglas (auxquels se sont associés des Européens comme l’Anglais Edward Burra, fasciné par l’ambiance du New York noir des années 1930). Au-delà de ces «mythes fondateurs», le fil de la démonstration peut être suivi jusqu’à aujourd’hui : chez des plasticiens noirs comme Chris Ofili, Kara Walker ou Fred Wilson, l’art conserve, davantage que chez leurs contemporains, une dimension politique.
•Afro Modern, Journeys through the Black Atlantic à la Tate Liverpool
Damien Hirst, For the Love of God, Laugh, 2007, sérigraphie avec poussières de diamants, 83 x 5 x 112 cm. Collection particulière © Damien Hirst. All rights reserved, Adagp, 2010
Memento mori
PARIS - De nos jours, la vanité s’étale abondamment : se faire voir, apparaître en couverture, en «prime time», est devenu une fin en soi. Au Moyen Age et à la Renaissance, les penseurs et les théologiens, vite relayés par les peintres, entendaient mettre en garde contre la vacuité de cette course aux honneurs et aux plaisirs terrestres. C’était l’objet des «vanités», représentations allégoriques de notre court et misérable séjour terrestre, souvent sous forme de têtes de mort. Toutes puissantes au XVIIe siècle, ces vanités ont reçu un rude coup à l’époque des Lumières. Mais les commissaires de l’exposition se sont fait fort de retrouver leurs traces jusqu’à notre temps. Ils entendent même prouver qu’elles n’ont jamais été aussi vivantes, crânes et ossements se démultipliant désormais sous formes de boucles d’oreille, de T-shirts, de pochettes de CD de musique «gothic». La démonstration en 150 œuvres part des mosaïques de Pompéi et aboutit à Andy Warhol et Marina Abramovic, en passant par différentes stations intermédiaires comme les danses macabres médiévales ou Caravage.
•C’est la vie ! Vanités, de Caravage à Damien Hirst au musée Maillol, du 3 février au 28 juin 2010. Catalogue Skira Flammarion.
Artaujourdhui vous conseille aussi…
•A l’Académie des beaux-arts, Consommer l’Orient, dans le cadre de la Saison de la Turquie, montre comment un mythe exotique devient un puissant argument marketing pour vendre cigarettes, voyages ou parfums. Du 29 janvier au 26 février 2010.
•Après avoir été exposées à Amsterdam, les lettres de Vincent Van Gogh arrivent à Londres, à la Royal Academy. Jusqu’au 18 avril 2010.
•Sous le titre Andy Warhol. Cars, l’Albertina de Vienne consacre une exposition à l’image de Mercedes-Benz chez Andy Warhol et quelques autres artistes (Robert Longo, Sylvie Fleury, Vincent Szarek). Jusqu’au 16 mai 2010.
VENTES
Bébé poudreur, automate à musique de la maison Léopold Lambert avec tête de bébé Jumeau en biscuit coulé. Est. 2900-3500 €. Courtesy Lombrail-Teucquam, Paris. Photo François Theimer.
Très chères poupées
PARIS – Une poupée à 15 000 € ? C’est possible, si l’on se fie aux estimations des experts pour la vente Lombrail-Teucquam du 30 janvier. En l’occurrence, il s’agit d’un bébé Jules Nicolas Steiner série G. Ces valeurs montrent que les collectionneurs de jouets sont prêts à des batailles d’enchères qui valent celles que se livrent les amateurs d’objets d’art. On peut bien sûr trouver moins cher : des bébés Jumeau ou des bébé caractère de la SFBJ, à partir de 500 ou 800 €. La valeur dépend de la rareté, de la qualité des matériaux (tête en biscuit pressé, cheveux en mohair, yeux, et parfois larmes, en émail peint, habits de soie, souliers et bas pour les meilleures, quelquefois avec un mécanisme phonographique imbriqué) et du degré d’articulation des membres. Mignonnettes, polichinelles, scènes en cartonnage (une «chambre de l’accouchée», estimée 5000 €), jeux de massacre et de croquet, passe-boules, jouets mécaniques et magnétiques complètent cette incursion dans les verts paradis de l’enfance.
•Poupées, automates et jouets anciens les 30 janvier et 6 février 2010 à Drouot-Richelieu (SVV Lombrail-Teucquam).
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
JanVoss, Relief rouge, 2008, bois, 176x125x16 cm, ©ADAGP, Paris, courtesy Hôtel des Arts, Toulon
Les entrelacs colorés de Jan Voss
Je pourrais le faire ! C’est l’impression que l’on a en voyant les peintures et les dessins de Jan Voss, composées de petits motifs presque abstraits (têtes, profils d’animaux), des lettres latines ou imaginaires, et de longues lignes qui s’enchevêtrent, comme des pelotes tombées de l’escalier. Le tout dans des tons vifs, pimpants. C’est comme pour Miró ou Klee : on a beau essayer, on n’arrive jamais à retrouver soi-même cette simplicité, cette fraîcheur. Faire simple, c’est si difficile ! Depuis 50 ans qu’il vit en France, Jan Voss (né en 1936 à Hambourg), a éparpillé ces signes par milliers à l’encre, au crayon, à l’acrylique, sur la toile, sur le papier. Et même en trois dimensions : depuis quelques années, l’artiste reconstitue ces puzzles en monumentaux assemblages de bois.
•Jan Voss est exposé à l’Hôtel des Arts de Toulon du 30 janvier au 21 mars 2010.Catalogue.
LIVRES
La pierre et la plume
Donner une âme aux monuments : c’est ce qui manque parfois – souvent ? – dans les guides et les monographies. Le Centre des monuments nationaux, plutôt connu pour ses publications érudites et austères, a décidé de franchir le pas. Il revisite la centaine d’édifices de son «portefeuille» en compagnie d’autant d’écrivains contemporains, qui mettent en scène le site de leur choix. Cela peut donner des résultats très divers mais toujours personnels : Marie Nimier imagine le tournage d’une publicité pour savon à barbe au château d’If tandis que Jean-Marie Blas de Robles fait revivre, à partir d’une stèle funéraire de Glanum, les derniers instants d’un gladiateur dans les arènes d’Arles. Pour les lecteurs que ces exercices de style de la fine fleur des lettres françaises (Robert Badinter, Chrisotphe Donner, Marc Lambron ou Hubert Nyssen sont de l’aventure) ne convaincraient pas, des notices complémentaires permettent d’assouvir un appétit de connaissance plus «traditionnel».
•100 monuments, 100 écrivains : histoires de France, sous la direction d’Adrien Goetz, éditions du Patrimoine/Centre des monuments nationaux, 2009, ISBN : 978-2-7577-0057-0, 490 p., 80 €.
BRÈVES
ANGOULÊME - Le 37e festival international de la bande dessinée se tient du 28 au 31 janvier 2010.
BOLOGNE - Le salon d'art moderne et contemporain Artefiera se tient du 29 au 31 janvier 2010. Le 30 janvier, les principales galeries de la vile seront ouvertes tard lors d'une Notte bianca.
ESSEN – Le Folkwang Museum rouvre le 31 janvier 2010, dans un bâtiment dessiné par l’architecte David Chipperfield.
LONDRES – Une Gitane de Van Dongen (autour de 8 millions €) devrait être le lot phare des ventes d’art moderne chez Christie’s (le 2 février 2010). Chez Sotheby’s, le jour suivant, on surveillera le grand Homme qui marche 1 et un Paysage aux cyprès de Klimt, attendus chacun autour de 15 millions €. Un troisième chef-d’œuvre devrait se tenir dans cette fourchette de prix : Pichet et fruits sur une table de Cézanne.
NEW YORK - Un tableau de Picasso de la période rose, L'Acteur, a été endommagé le 22 janvier dernier au Metropolitan Museum par une visiteuse qui a chuté sur l'œuvre, provoquant une déchirure de 15 centimètres.
PALM BEACH – L’American International Fine Art Fair se tient du 3 au 8 février 2010.
PARIS – La société de ventes Baron Ribeyre propose les 29 et 30 janvier 2010 la correspondance sentimentale de Mesrine, l’ancien «ennemi public n°1» : plus de cent lettres, parfois illustrées de fleurs dessinées, adressées à son amante canadienne Jocelyne Deraiche.
TURIN – Le festival Memorandum, consacré à la mémoire historique, propose au Museo Regionale delle Scienze Naturali une exposition consacrée aux archives des entreprises locales comme Fiat, Olivetti ou Alenia. Du 29 janvier au 28 mars 2010.