ArtAujourdhui.Hebdo
N° 161 - du 4 février 2010 au 10 février 2010
Fernando Botero (b.1932) - Picnic, 1989 - Collection privée.
L'AIR DU TEMPS
Botero pas cher
Acheter un Botero, c’est évidemment hors de prix. Avec une œuvre adjugée à plus de 2 millions de dollars en 2006, l’artiste colombien est l’une des stars des enchères. Il est cependant un moyen de s’en procurer à bien meilleur marché. A Carthagène, capitale de la Caraïbe colombienne et ville la plus touristique du pays, les visiteurs du récent festival littéraire Hay s’en voyaient offrir dans la rue pour une somme ridicule : seulement 50 000 pesos, soit une vingtaine d’euros. A une époque où les produits dérivés sont étroitement contrôlés, où la moindre reproduction de Tintin ou de Magritte est soumise à des règles draconiennes, les faux Botero semblent florissants. Il faut reconnaître que l’artiste aurait bien du mal à remonter les filières de ces grosses femmes couchées. Si ce commerce illicite bafoue son droit d’auteur, il peut lui apporter quelque maigre consolation : il n’empiète guère sur sa clientèle potentielle, donne un (maigre) revenu aux revendeurs. Et entretient à moindre coût sa notoriété…
EXPOSITIONS
Henri Rousseau, Portrait de Monsieur X (Pierre Loti), env. 1910 Huile sur toile, 61 x 50 cm, Kunsthaus Zurich © 2010 Kunsthaus Zurich
Rousseau, explorateur
BÂLE – Il a peint la jungle sans y avoir jamais mis les pieds. Ses images de forêts impénétrables, peuplées de tigres et de serpents, ont été construites à la manière de collages. Douanier parisien de son métier, Henri Rousseau y juxtaposait des motifs qu’il avait vus en images, entendus dans des conversations ou simplement imaginés. Cette manière de procéder en s’affranchissant des règles de la représentation et de la réalité a fasciné les surréalistes, Kandinsky et Picasso : elle finissait par créer une vérité encore plus durable, qui s’est inscrite dans notre mémoire. A la fondation Beyeler, qui a réuni 40 tableaux pour commémorer le centenaire de l’artiste (1844-1910), les compositions de jungle occupent évidemment une place centrale puisque Ernst Beyeler en avait acquit une de premier ordre en 1988, Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope. Mais on voit aussi des vues de faubourgs parisiens, des scènes populaires (noces, partie de football) et des portraits.
•Henri Rousseau à la fondation Beyeler du 7 février au 9 mai 2010.
Greco, Saint Jacques le Majeur, vers 1610-1614, huile sur toile, Tolède, Museo del Greco
Greco, maître ancien du XXe siècle
BRUXELLES – Personne ne mettrait aujourd’hui en discussion la place centrale du Greco dans l’histoire de l’art du XVIIe siècle. Ce statut est pourtant un fait récent : jusqu’en 1900, le peintre patientait dans les limbes et il fallut les efforts conjugués de trois érudits espagnols, Manuel Bartolomé Cossío, le marquis de Vega Inclán et le photographe Mariano Mereno, pour l’en sortir. Le premier publia une monographie de référence en 1908, le deuxième fonda en 1910 le musée qui lui est dédié à Tolède, le troisième fut le premier à reproduire de façon systématique ses figures torturées. En mettant en avant ces trois « découvreurs », l’exposition retrace en une quarantaine d’œuvres la résurrection d’un artiste qui fut célèbre en son temps. Né en 1541 Crète, il tira profit de l’occupation de son île par la puissance vénitienne. Après un séjour à Venise puis à Rome, l’ancien facteur d’icônes devint l’un des artistes les plus cotés auprès des grands couvents espagnols. Après sa mort, en 1614, dans une Europe attirée par le réalisme caravagesque, ses tendances maniéristes allaient en faire un « has been » pour trois siècles.
•El Greko, Domenikos Theotokopoulos 1900 à Bozar du 4 février au 9 mai 2010. Catalogue.
Lisette Model : éloge de la rue
PARIS - Fille de la bourgeoisie cultivée de Vienne, étudiante en peinture et en art lyrique, Lisette Model (1901-1983) aurait pu devenir soprano ou femme d’ambassadeur. Les aléas de l’histoire – la montée du nazisme – et sa vocation donnèrent un tout autre résultat : elle devint l’une des meilleures interprètes de l’American way of life du XXe siècle. La rétrospective du Jeu de paume présente quelque 120 instantanés des années quarante et cinquante où se presse la foule new-yorkaise et californienne : images de reflets dans les vitrines, jambes pressées des femmes partant au travail, spectateurs à l’hippodrome ou au théâtre. Ce sont des tranches de vie volées sans concession avec des cadrages cinématographiques – on note l’appétit pour la contre-plongée - que son premier travail avait annoncé : une série sur les riches vacanciers de la Côte d’Azur, insensibles à la montée des périls dans l’Europe des années trente.
•Lisette Model au Jeu de paume du 9 février au 26 juin 2010.
Artaujourdhui vous conseille aussi
• La Maison européenne de la photographie de Paris consacre une rétrospective à Elliott Erwitt (né en 1928), observateur ironique des petits faits de la vie quotidienne. Du 3 février au 4 avril 2010.
•Au Grand-Hornu, en Belgique, Le fabuleux destin du quotidien étudie les relations entre art et design. Du 7 février au 25 mai 2010.
•Dans Jakob et Rudolf von Alt, l’Albertina de Vienne montre plus de 200 des aquarelles commandées entre 1835 et 1848 à ces artistes par l’empereur Ferdinand Ier pour détailler les principales villes de l’empire austro-hongrois. Du 10 février au 24 mai 2010.
VENTES
ENCRIER en porcelaine de PARIS, série polychrome des personnages : ici un mousquetaire assis sur une pièce d'artillerie. Circa XIXème. Haut. 12 cm. Courtesy Rouillac.
Histoires d'encre
VENDOME - En forme de tête de singe, de chaussure, de pelote de laine ? Ou une pièce montée ressemblant au palais du Trocadéro ? En bakélite, en marbre vert des Pyrénées, en ouralite, en cristal soufflé ? Dans le domaine des encriers – un accessoire qui a largement disparu de nos tables et de celles des potaches de l’école primaire – la diversité est étourdissante. L’étude Rouillac à Vendôme en présente une sélection de toutes époques et origines, collectionnée par un spécialiste passionné, François Podevin-Bauduin. Une seule chose est fixe : le prix de départ, établi à 100 € pour tous les lots. Nul doute qu’il s’éloignera rapidement de ce plancher pour certains exemplaires, en particulier pour ceux signés Cartier, Hermès et Montblanc, pour les créations raffinées Art déco (lot 300 en écaille de tortue) ou pour ceux qui ont défié les siècles (lot 314 en faïence, du XVIIe siècle).
•333 encriers le 8 février 2010 à Vendôme (SVV Rouillac)
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Konrad Klapheck, The Audience, 2008, acrylique sur toile, 170 x 130 cm, courtesy galerie Lelong, Paris
Klapheck, le goût du jazz
Il a longtemps été un «peintre de machines» dans la lignée des surréalistes et de Fernand Léger. Né à Düsseldorf en 1933, Konrad Klapheck leur donnait une apparence lisse et brillante et des fonctions énigmatiques qui n’auraient pas déplu à Carelman, l’inventeur d’objets introuvables. Depuis quelques années, l’artiste allemand est entré dans un cycle toujours strictement figuratif mais qui s’est «humanisé». A côté des tubes, pistons et bielles, sont apparus hommes et femmes, dédiés à une activité qui ne ressortit pas à la mécanique mais a son antithèse, la libre inspiration. Ces personnages sont des musiciens, jazzmen réels ou rêvés, retranscrits à la peinture acrylique sur toile ou au crayon sur papier calque. Tout à leur rythme, ils conservent, par leur virtuosité burlesque au saxophone ou aux cymbales, une dimension onirique.
• Konrad Klapheck est exposé du 4 février au 27 mars 2010 à la galerie Lelong (13 rue de Téhéran, 75008 Paris)
LIVRES
La splendeur des ambassades
Etre ambassadeur à Paris, c’est un peu être prince de sang ou cousin de l’empereur. On ne dort pas impunément dans les draps de Pauline Borghèse ou de Talleyrand… C’est du moins le cas pour ces diplomates qui ont le privilège d’habiter ces hôtels particuliers chargés d’histoire, dont beaucoup se trouvent au Faubourg (Saint-Honoré ou Saint-Germain). L’ouvrage, très illustré, permet d’approcher ces demeures d’exception et d’en admirer les éléments décoratifs : escaliers vertigineux (comme celui dessiné par René Sargent à l’hôtel de Lévy, ambassade du Portugal), parquets au point de Hongrie, lustres de Venise ou Art déco (ambassade du Mexique), moulures et stucs, fresques (de Sofonisba Anguissola à Jean-Baptiste Huet et Proudhon) et tapisseries des Gobelins. Un seul petit regret : qu’une carte ne permette pas de visualiser les emplacements de ces temples du bon goût dans la géographie parisienne. Quant à entrer réellement dans ces ambassades, il faudra se munir de patience : attendre les journées du patrimoine et braver la queue…
•Ambassades à Paris par Elisabeth Martin de Clausonne, photographies d’Hermine Cléret, éditions Nicolas Chaudun, 2009, 192 p., 45 €, ISBN : 978-2-35039-076-5
BRÈVES
LONDRES - Lors de la vente d'art moderne du 3 février 2010, L'homme qui marche I (1961) d'Alberto Giacometti a battu le record pour une œuvre d'art vendue aux enchères en étant adjugé 65 millions £ (74,2 millions €).
LONDRES – Le gouvernement anglais s’apprête à classer comme monuments historiques certains des bunkers utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale.
LUANG PRABANG (Laos) – La biennale de photographie de Luang Prabang, qui se tient du 10 au 28 février 2010, consacre plusieurs expositions aux auteurs laotiens (comme Rasi et de jeunes photographes hmongs) et étrangers (Denis Darzacq, Laurent Monlaü, etc).
NEW YORK – Selon l’agence d’information Bloomberg, Michael Dell, le fondateur de Dell Computers, aurait acquis les archives Magnum pour un montant de l’ordre de 100 millions $.
ROTTERDAM – La foire Art Rotterdam, consacrée à l’art moderne et contemporain, se tient du 4 au 7 février 2010.
VENISE – Le pavillon français de la prochaine biennale d’architecture de Venise (qui ouvre le 29 août 2010) aura pour commissaire Dominique Perrault et pour thématique «Metropolis».