ArtAujourdhui.Hebdo
N° 173 - du 29 avril 2010 au 5 mai 2010
Jacques Monory, Angélus, courtesy 100 artistes pour l'Angélus, Barbizon
L'AIR DU TEMPS
Jardin, mon beau jardin
CHAUMONT-SUR-LOIRE - La nature guérit : on le sait depuis longtemps et la vogue actuelle du bio et des fleurs de Bach l’illustre abondamment. Le jardin guérisseur, apaisant, source d’énergies positives : c’est le thème qu’a choisi l’édition 2010 du festival des Jardins, qui va bientôt fêter son 20e anniversaire. Il surfe sur la vague de néologismes envahissants et plus ou moins blasonnés : phytothérapie, hortithérapie, hédothérapie… Mais la qualité des intervenants promet d’amorcer un véritable débat. Les vingt jardins thématiques ont en effet été sélectionnés sous la direction du neurologue Jean-Pierre Changeux et se complèteront de « cartes blanches » iconoclastes avec la participation de l’architecte Dominique Perrault (qui a notamment signé les murs de verdure de l’université féminine d'Ewha en Corée du Sud) et du couple Anne et Patrick Poirier, qui scrute nos engouements avec la loupe de l’archéologue. La passion du jardin, effet de mode ou tendance de fond ? On attend des plates-bandes du château Renaissance qu’elles fournissent quelques éléments de réponse…
• Le 19e festival international des jardins se tient à Chaumont-sur-Loire du 29 avril au 17 octobre 2010.
EXPOSITIONS
Les Bourbons archéologues
MADRID – On n’a pas le souvenir que Louis XVI et Marie-Antoinette aient financé des fouilles archéologiques : jouer à la bergère et à l’acteur leur prenait sans doute trop de temps. De l’autre côté des Pyrénées, en revanche, leurs cousins montraient à la même époque une sensibilité particulière pour l’étude du passé. Philippe V (1700-1746) donna une impulsion fondamentale avec la fondation de la Real Academia de la Historia tandis que Charles III (1755-1788) fut surnommé le « Bourbon archéologue » : les découvertes de Pompéi et d’Herculanum eurent lieu sous son règne, lorsqu’il était encore roi de Naples. En 150 objets issus des collections nationales - comprenant le buste de Trajan mis au jour à Italica, site romain proche de Séville, des études savantes ou des porcelaines antiquisantes -, l’exposition montre comment la passion pour l’archéologie si elle obéissait à un goût personnel, servait surtout un intérêt d’Etat en faisant l’apologie d’une pensée « impériale ».
•Corona y arqueología au Palacio Real, jusqu’au 11 juillet 2010.
Irving Penn, Marchand de journaux, Paris, 1950, © The Irving Penn Foundation, courtesy Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris
Hommes de Penn
PARIS – Il est mort il y a peu et les manifestations se succèdent pour célébrer ce grand photographe actif pendant plus d’un demi-siècle. As de la nature morte, de la mode, du portrait de célébrité, Irving Penn (1917-2009) a excellé dans de nombreux domaines. La fondation Cartier-Bresson présente une série peu connue, réalisée sur une période courte - 1950-51. L’analogie avec le projet colossal d’August Sander – qui a tiré le portrait de la société allemande dans ses Hommes du XXe siècle - saute immédiatement aux yeux tout comme les rapports avec la grande fresque de François Kollar, la France au travail. Mais Penn a élargi son discours sur trois grandes villes – Paris, Londres, New York – et a choisi une approche esthétisante, portraiturant ses corps de métier en pied, en studio, sur un fond uniforme. Le pompier, le vendeur de marrons, la gardienne de voitures, le ramoneur, le garçon boucher se transmuent en icônes romantiques, comme issues d’un film de Carné.
•Irving Penn, les petits métiers à la Fondation Cartier-Bresson du 5 mai au 25 juillet 2010.
Gérard Fromanger, Angélus, courtesy Cent artistes pour l'Angélus, Barbizon
Un siècle d’Angélus
PARIS – On a du mal aujourd’hui à se figurer la popularité dont a joui autrefois ce tableau. Certes, on se souvient d’intérieurs modestes avec une mauvaise reproduction chromo au-dessus du buffet. Mais l’Angélus de Millet a eu une carrière bien plus grandiose : il fut pendant un temps le tableau le plus célèbre du monde. Lorsqu’il débarqua en Amérique pour y être exposé, ce fut comme la tournée d’une pop star : le convoi était accompagné par une foule en liesse et chaque étape attirait des dizaines de milliers de visiteurs. A nos yeux, l’Angélus semblé daté, caricatural, empreint d’une religiosité dépassée. Pas tant que cela, se sont dit les responsables du musée d’Orsay. Tout est question de point de vue : c’est le sens de l’exercice original dans lequel ils se sont lancé, en demandant à des artistes contemporains de réinterpréter la célèbre scène du crépuscule champêtre.
•Cent artistes pour l’Angélus à Barbizon, du 1er mai au 31 juillet 2010.
Artaujourdhui vous conseille aussi
• Le Martin-Gropius-Bau de Berlin consacre une importante exposition à l’une des artistes les plus appréciées du grand public : Frida Kahlo : 150 œuvres détaillent sa courte carrière, du milieu des années trente jusqu’à sa mort en 1954, à l’âge de 47 ans. Du 30 avril au 9 août 2010.
• Dans ARTe SONoro, la Casa Encendida de Madrid montre les rapports féconds entre l’art contemporain et la musique. Jusqu’au 13 juin 2010.
• Au musée de Roanne, Antoine Barbier, un Roannais voyageur montre le parcours de ce peintre globe-trotter (1859-1948), fondateur de la Société des aquarellistes lyonnais, à qui l’on doit notamment les décors du palais de Sofia. Du 2 mai au 19 septembre 2010.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Pétra Werlé, Homme sous globe
Pétra Werlé, le pain de la vie
Elle est à mille lieues des technologies d’avant-garde : chez elle, pas de vidéo, pas d’image virtuelle mais des personnages en chair et en os. En pain plutôt : le matériau premier de Pétra Werlé, c’est la mie malaxée et agglomérée par la salive. Un matériau malléable, qui lui permet de construire tout un univers merveilleux d’elfes et de lutins (que l’on a pu voir à la galerie Lélia Mordoch), revêtus d’habits de couleur, souvent tirés du monde animal, en particulier des insectes. Le lien avec un monde disparu, où les matériaux pauvres pouvaient donner naissance à des merveilles d’invention – compositions en cheveux des religieuses, marqueterie de paille ou bouquets de mariage sous cloche - est évident. Il est mis en avant dans cette exposition originale montée au cœur d’un extraordinaire cabinet de curiosité : c’est au musée Dupuytren, qui montre diverses aberrations traitées par la médecine, qu’ont pris place ces délicates créatures. Pétra Werle est accompagnée dans cet exercice par Lolita M’Gouni. •Eros et Thanatos, Pétra Werlé et Lolita M’Gouni au musée Dupuytren d’Anatomie pathologique (15 rue de l’Ecole de médecine, 75006 Paris) du 26 avril au 28 mai 2010.
LIVRES
Le Bauhaus revisité
Tout honnête homme en connaît les grandes lignes : une fusion des arts sans précédent, qui fleurit sous la république de Weimar et meurt sous la botte du nazisme naissant ; une réunion impressionnante de créateurs, de Gropius à Max Bill, de Lissitzky à Klee. Mais au-delà de ce cliché ? Ce petit manuel synthétique, dû à un spécialiste de la période, inscrit le Bauhaus dans son époque et montre que son histoire (1919-1933) a été bien plus conflictuelle qu’on le pense généralement. Conflits de personnalités, entre Gropius, le directeur, et Itten, aux méthodes pédagogiques déroutantes, ou entre Gropius et Von Doesburg, qui, vexé de ne pas être pris comme enseignant, organise un contre-enseignement. Conflit de principes directeurs : d’une exaltation de l’artisanat et de l’œuvre d’art total, le Bauhaus évolue brutalement vers une relation consanguine avec la technologie la plus avancée. De Weimar à Dessau, de Dessau à Berlin, ce sont sans doute ces tensions internes qui ont donné toute sa richesse au mouvement.
•Comprendre le Bauhaus par Lionel Richard, éditions Infolio, 2009, 270 p., 10 €
VENTES
Hook Sandy, Fabre Line, The French Mediterranean route to the United States, Champenois Paris Aff. E. B.E. B + Déchirures restaurées. Taches d'humidité, 1919. Estimation : 5 000-11 000 €. Courtesy Néret-Minet-Tessier, Paris.
La géographie par l’affiche
PARIS - Le Mont-Saint-Michel par Villemot, le Circuit de montagne d’Auvergne par Géo-Ham ou la Lactine phosphatée Cozette par Courtot : quelques-uns des classiques, pas forcément dispendieux, que l’étude Néret-Minet-Tessier adjugera dans sa vacation d’affiches de collection. C’est l’occasion de réviser sa géographie, de Dinard plage des élégances (par Félix Bizien, estimé 3000 €) au Monaco de Jean-Gabriel Domergue, illustré par une jolie naïade nue, du Mont-Dore à La Bourboule. Et d’aller plus loin que la France, grâce à ces transporteurs de la grande époque, qui opéraient des Super-Constellation ou des paquebots décorés par des maîtres Art déco : TWA, Air France, Chargeurs réunis, Venice-Simplon-Express… La Fabre Line, reliant la France aux Etats-Unis ou à La Plata, mise en couleurs par Hook Sandy, pourrait monter à 11 000 €. Quelques affiches de cinéma ferment la vente mais les affriolantes créatures de Giochi erotici in famiglia ou de Piloti del sesso ne tiennent pas la distance. Quelques centaines d’euros à peine pour leurs anatomies dénudées : bien moins que les sapins de Gérardmer ou les eaux de Néris-les-Bains…
•Affiches anciennes de collection le 4 mai 2010 à Richelieu-Drouot (Néret-Minet-Tessier)
BRÈVES
CHICAGO - La foire d'art moderne et contemporain Art Chicago se tient du 30 avril au 3 mai 2010.
NEW YORK - La collection Brody, comprenant notammentune Grande tête de Diego par Alberto Giacometti (estimation : 35 millions $) est proposée le 4 mai chez Christie's. Le lendemain, chez Sotheby's, le lot principal sera Jeanne Hébuterne au collier par Modigliani (estimation : 8 millions $)
PARIS - Le Grand marché d'art contemporain se tient place de la Bastille du 28 avril au 2 mai 2010.
PÉKIN - Les salons Art Pékin et Photo Pékin se tiennent du 29 avril au 2 mai 2010.
RENNES - La biennale d'art contemporain Les Ateliers de Rennes se tient du 30 avril au 18 juillet 2010.
SHANGHAI - L'Exposition universelle ouvre le 1er mai et reste ouverte jusqu'au 30 octobre 2010.
TOULOUSE – Le MAP, festival de la photographie qui a pour objectif de « faire descendre la photo dans la rue », se tient du 1er au 30 mai 2010.
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Cette semaine, ne manquez pas
VIVE L'UTOPIE ! Des confréries artistiques au Bauhaus
VENISE - La Peggy Guggenheim Collection examine l'évolution du concept d'utopie dans l'art. Après les communautés d'artistes du XVIIIe siècle, les préraphaélites, le Bauhaus et les onstructivistes russes, l'exposition montre que l'utopie reste essentielle dans l'art contemporain.