ArtAujourdhui.Hebdo
N° 178 - du 3 juin 2010 au 9 juin 2010
Le nouveau musée d'art précolombien Casa del Alabado à Quito, en Equateur
L'AIR DU TEMPS
Quito, capitale précolombienne
Pour le grand public, le monde précolombien se limite à quelques repères essentiels : les Aztèques et les Mayas au Mexique, les Incas au Pérou et en Bolivie. D’autres pays possèdent aussi un patrimoine hors du commun, qui a du mal à se faire connaître. C’est le cas de l’Equateur, où les chercheurs de trésors sont toujours en quête de l’or d’Atahualpa : après l’assassinat du souverain inca, la moitié de la fabuleuse rançon ne fut jamais livrée aux Espagnols et serait encore cachée dans les monts Llanganates… Au cœur de Quito, l’un des plus beaux ensembles d’architecture coloniale d’Amérique latine, un musée privé vient d’ouvrir (mai 2010). Exposant la collection des familles Klein, Viteri et Ribadeneira, la Casa del Alabado montre la richesse du passé inca (très bref) et pré-inca de l’Equateur. Le parcours, non chronologique, tente de familiariser avec la vision cosmique des cultures locales. La muséographie est claire, lumineuse, dans une vieille maison d’adobe adroitement restaurée. Les 5000 pièces de la collection ont été numérisées et sont visibles sur internet. Une réussite rare mais passée inaperçue face aux roulements de tambour qui ont accompagné l’ouverture des mastodontes européens que sont le Centre Pompidou Metz ou les romains MAXXI et MACRO. Rendons à David…
•La Casa del Alabado – musée d’Art précolombien se trouve calle Cuenca 335, derrière le couvent de Saint-François.
EXPOSITIONS
Archéologie, travail de fourmi
BORDEAUX – L’archéologie préventive est une discipline peu connue du grand public. Elle permet, en amont de grands travaux (autoroutes, aménagements urbains, etc), de mener des fouilles de sauvegarde. La grande exposition du musée d’Aquitaine permet d’en mesurer l’importance : elle réunit en effet quelque deux mille objets exhumés en vingt ans de recherches dans la région. Qu’il s’agisse de silex taillés, d’ossements de cervidés utilisés pour la chasse ou de céramique utilitaire, ces pièces apportent des informations fondamentales sur le mode de vie et l’habitat de nos lointains prédécesseurs, sur un arc de temps immense de 300 000 ans, jusqu’à la fin de l’Age du Bronze (IXe siècle av. J.-C.). L’aspect parfois peu parlant de ces vestiges est explicité et rendu plus accessible par un dispositif de bornes vidéo et de maquettes.
•Aquitaine préhistorique au musée d’Aquitaine du 2 juin au 31 décembre 2010
Giorgio Morandi,
Morandi au-delà de la bouteille
TOULON - Morandi, c’est les bouteilles ! L’exposition présentée à l’Hôtel des Arts, la première de cette importance depuis celle de 1996 au musée Maillol, va permettre de tempérer ce cliché d’un peintre centré sur les natures mortes. Héritier de Cézanne, l’artiste de Bologne (1890-1964), à l’existence très rangée, s’est aussi exprimé dans les paysages et les fleurs, lesquelles fournissent un bon contingent des quarante œuvres exposées. L’influence de Morandi – entérinée par son prix à la Biennale de Venise en 1948 ou par son rôle central à la Documenta de Kassel en 1955 – a touché de nombreux artistes contemporains. Mais son œuvre a aussi marqué, par sa dimension architecturale et épurée, des cinéastes comme Antonioni et Fellini (qui fait apparaître un de ses tableaux dans l’appartement bourgeois de La Dolce Vita).
•Giorgio Morandi à l’Hôtel des Arts du 5 juin au 26 septembre 2010.
Gerhard Riebicke, Couple dansant, vers 1930 © Bodo Niemann und Münchner Stadtmuseum. Courtesy Von den Heydt Museum, Wuppertal.
150 ans de nu
WUPPERTAL – Comment a évolué la pratique du nu depuis un siècle et demi ? Le musée Von der Heydt répond à cette question en croisant deux techniques : la peinture, vieille comme le monde, et la photographie, qui a tout juste fêté son 150e anniversaire et qui est illustrés par des pièces du musée de Munich. De l’académie, représentation idéale et désincarnée encore pratiquée au XIXe siècle jusqu’aux flux d’images pornographiques qui envahissent aujourd’hui internet et symbolisent la « tyrannie de l’intimité » (Richard Sennett), l’évolution a été notable. Certaines images, autrefois anodines, sembleraient nettement moins acceptables à notre société comme ces jeunes éphèbes méditerranées immortalisés par Von Gloeden. Le naturisme, la Nouvelle Objectivité, le glamour d’Hollywood sont quelques-unes des thématiques qui rythment cette plongée dans le nu.
•Nude visions au Von der Heydt Museum du 1er juin au 15 août 2010
Artaujourdhui.info vous conseille aussi…
• Pour ceux qui l’auraient manquée à la fondation Beyeler de Bâle, la rétrospective consacrée au Douanier Rousseau est présentée au Guggenheim de Bilbao. Jusqu’au 12 septembre 2010.
• Dans le cadre du festival « Normandie impressionniste », l’exposition Entre tradition et modernité au musée Eugène-Boudin de Honfleur détaille le lien privilégié entre la cité balnéaire normande et les peintres. Du 2 juin au 6 septembre 2010.
• En clôture de la « Saison de la Turquie » en France, Magie du Bosphore (à la Maison de l’Armateur et au Prieuré de Graville, au Havre) montre la fascination qu’a exercé Istanbul sur les peintres du XVIIIe siècle. Jusqu’au 30 août 2010.
VENTES
Offrez-vous les Feuilles mortes !
PARIS - Après André Breton (le Manifeste du surréalisme parti à 3,6 millions € chez Sotheby’s en mai 2008), un autre pan significatif du patrimoine littéraire de l’entre-deux-guerres passe sous le marteau. Jacques Prévert, peut-être le poète le plus aimé des Français, fut aussi l’un des grands scénaristes de l’époque. L’un de ses chefs-d’œuvre, le manuscrit de Quai des brumes, mis en images par Marcel Carné, sera le clou de la vente Ader du 9 juin (estimation : 200 000 €). Un superbe objet visuel est la planche illustrée du scénario des Visiteurs du soir (40 000 €). Les mythiques Feuilles mortes, chantées par Yves Montand, apparaissent elles aussi dans leur version manuscrite originale (30 000 €). Les échanges épistolaires avec Chagall, Matisse ou Brassens, et les livres dédicacés pourront être obtenus à moindre prix. Orchestrée par son ayant-droit, sa petite-fille Eugénie Bachelot Prévert, la vente comprend aussi une partie de la collection d’art de l’appartement près du Moulin-Rouge, notamment une gouache de Miró et une toile de Picasso.
•Vente Prévert le 9 juin 2010 à Richelieu-Drouot (SVV Ader)
L’ARTISTE DE LA SEMAINE
Rokni Haerizadeh, Bury your heads in the lap of heaven (Fictionville), 2010, techniques mixtes sur papier, 29.5 x 21 cm. Courtesy galerie Thaddaeus Ropac, Paris.
Les Haerizadeh, fratrie iranienne
L’Occident s’est intéressé d’assez près à la photographie et au cinéma iraniens (dont Kiarostami est l’une des figures de proue), beaucoup moins aux arts plastiques. C’est pourtant l’un des moyens d’expression par lesquels passe la contestation. On peut s’en convaincre dans l’exposition que la galerie Thaddaeus Ropac consacre à trois jeunes artistes persans. Deux sont frères : Ramin (né en 1975) et Rokni (né en 1978) Haerizadeh prennent la réalité actuelle pour source d’inspiration et s’adonnent, comme aiment à le faire les régimes autoritaires, à la retouche d’images. Mais il s’agit ici, en accentuant à la gouache des instantanés télévisés (Rokni) ou en procédant par photomontages (Ramin), de montrer la répression et de souligner l’étendue de la mobilisation populaire.
•Ramin et Rokni Haerizadeh, Bita Fayyazi à la galerie Thaddaeus Ropac (rue Debelleyme, Paris) du 3 au 30 juin 2010.
LIVRES
En avant toute !
Le surréalisme, le futurisme, le cubisme, voilà qui nous dit quelque chose : ce sont des mouvements que l’on associe automatiquement au concept d’avant-garde. Mais le vorticisme, l’acméisme, le stridentisme et même l’anthropophagisme ? C’en sont des cousins, provenant de contrées parfois plus exotiques (Amérique latine et Brésil pour les deux derniers). L’intérêt de ce gros volume de Serge Fauchereau est de débusquer d’autres avant-gardes que celles qui nous sont devenues classiques ; et de les présenter en conservant le lien étroit, trop souvent escamoté, qu’elles ont entretenues entre littérature et arts plastiques. On se promène donc de peintres en écrivains, jonglant d’installations scéniques de Popova à des gravures sur bois de Norah Borges (la sœur de Jorge Luis). Derrière les textes denses, l’iconographie propose des choses rares : tableaux de DH Lawrence, couvertures de revues littéraires espagnoles, photogrammes du Golem ou de films russes décorés par Alexandra Exter. La notion d’avant-garde redevient intimidante, profonde comme un océan : c’est tant mieux…
•Avant-gardes du XXe siècle, arts & littérature 1905-1930 par Serge Fauchereau, Flammarion, 2010, 594 p., 49 €.
BRÈVES
LONS-LE-SAULNIER - Le groupe agro-alimentaire Bel inaugure le 4 juin 2010 le Lab'Bel, un« laboratoire » chargé de promouvoir l'art contemporain par le biais de commandes et d'expositions, notamment à la Maison de la vache qui rit.
MADRID – Le festival de photographie Photo España ouvre le 9 juin 2010 et se tient jusqu’au 25 juillet 2010.
NEW YORK – L’artiste américaine d’origine française Louise Bourgeois est morte le 31 mai 2010, à l’âge de 98 ans.
PARIS – La manifestation Jardins, jardin, consacrée aux nouvelles tendances du jardin urbain, se tient du 4 au 6 juin 2010 aux Tuileries.
PARIS - La galerie Malingue présente jusqu'au 17 juillet une vingtaine de tableaux rarement vus de la période synthétiste d'Émile Bernard, issus de collections privées, réunis autour des incontournables Bretonnes dans la prairie.
PARIS – Le Parcours Saint-Germain-des-Prés, dédié à l’art contemporain, se tient du 3 au 6 juin 2010 dans les galeries du quartier.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
JULES CAVAILLÈS (1901-1977) Un talent pour la vie
PARIS - La Galerie Brame & Lorenceau, adresse familière des connaisseurs des XIXe et XXe siècles français, présente l'œuvre pleine de vie et de couleurs du peintre Jules Cavaillès en accrochant à ses cimaises une soixantaine d’huiles et d’œuvres sur papier.
ÉMAUX ATMOSPHÉRIQUES La céramique
ROUEN - Les pièces que montre le musée de la Céramique dans cette rétrospective offrent une saisissante transposition sur céramique de la technique picturale impressionniste et traduisent, par le jeu des oxydes colorés et de la brillance de l’émail, les effets de lumière.