ArtAujourdhui.Hebdo
N° 180 - du 17 juin 2010 au 23 juin 2010
Une image d’Art Basel 2009 : David Shrigley, Galleri Nicolai Wallner (Copenhague) et Stephen Friedman Gallery (London). Courtesy Art Basel.
L'AIR DU TEMPS
L’appel de Bâle
BÂLE – Si Bâle tient, la confiance revient. Si Bâle cède, l’inquiétude renaît. La célèbre foire suisse est plus que jamais le baromètre du marché de l’art. Qu’une foire secondaire monte ou baisse peut être rangé au rang des épiphénomènes. Il n’en va pas de même pour Bâle, mètre étalon de la profession, la seule difficulté étant de mesurer le volume de transactions réellement réalisé : beaucoup ne se dénoueront que plus tard. Le marché est une entité bien plus insaisissable qu’on l’imagine généralement… Pour cette édition numéro 41, le nombre de galeries reste proche de 300. Les sections Art Statements – pour découvrir de nouveaux talents – et Art Unlimited – pour le plaisir de voir des installations parfois démesurées – seront une nouvelle fois les plus fréquentées. On y verra moins d’artistes chinois qu’à l’habitude et un certain retour des valeurs sûres – Dan Flavin, Mario Merz, Yayoi Kusama, Doug Aitken, Michelangelo Pistoletto ou Sigmar Polke, dont la Laterna Magica sera comme un hommage à sa carrière (l’artiste allemand est décédé la semaine dernière).
• Art Basel, du 16 au 20 juin 2010.
EXPOSITIONS
Caen fière de sa pierre
CAEN - Elle a servi à bâtir les églises de la campagne anglaise, la tour de Londres mais aussi les lointaines cathédrales des Bermudes. Formée il y a 165 millions d’années, la pierre de Caen est l’une des grandes dames de l’architecture européenne. Le souvenir de son exploitation a laissé 80 hectares de carrière sous la ville normande. Le musée de Normandie présente l’essor de ce matériau, qui doit beaucoup à la conquête de l’Angleterre par Guillaume, et qui fera l’objet d’un commerce important jusqu’au début du XXe siècle. Si la plupart des gisements sont aujourd’hui fermés, marquant la fin d’une saga millénaire, celui de Cintheaux approvisionne encore les entreprises de restauration de monuments historiques en un beau calcaire.
•Pierre de Caen, des dinosaures aux cathédrales au musée de Normandie, du 9 juin au 31 octobre 2010.
Photographie d'Emile Muller (1891-1976). Restauration : Pierre Buch. Copyright : © Pierre Loos. Courtesy musée du quai Branly, Paris.
Congo mystère
PARIS - Des forêts équatoriales sans fin, de vastes savanes, un bassin de 4 millions de km2, un cours qui mesure jusqu’à 30 kilomètres de large : ces chiffres prouvent que le fleuve Congo fait partie des géants. Baignant plusieurs pays et cultures – du Gabon à l’Angola, du Cameroun au Congo-Brazzaville, il est le foyer de ces sculptures « nègres » qui ont fasciné les artistes européens du début du XXe siècle, de Picasso à Dix. Les peuples qui l’habitent - divers mais unis par le lien des langues bantoues – ont produit un art dans lequel on peut trouver des lignes de force communes : les masques en forme de cœur, la figure féminine, l’ancêtre fondateur. Réunissant 170 objets fang, punu ou kota, l’exposition fait découvrir les étranges reliques des hommes morts violemment à côté de touchantes maternités.
•Fleuve Congo, arts d’Afrique centrale au musée du quai Branly, du 22 juin au 3 octobre 2010. Catalogue Fonds Mercator
Chéret, talent polymorphe
PARIS – C’est l’affichiste par excellence, auteur de cartels qui ont marqué l’histoire des Folies-Bergère ou de l’Opéra de Paris. Pourtant Jules Chéret (1836-1932) ne se réduit pas à cette activité : il a aussi été un peintre de talent, épris de grands décors, comme le montre la rétrospective que lui consacre le musée des Arts décoratifs. C’est la première à Paris depuis 1912, alors qu’il était encore vivant, à célébrer le « Watteau des carrefours ». Dessinateur d’étiquettes pour le parfumeur Rimmel, entrepreneur (il possèdera une imprimerie), cosmopolite (il vivra à Londres), fécond grâce à sa grande longévité (il mourra presque centenaire), Chéret a touché à de nombreux domaines, qui sont abordés dans un décor rappelant les murs et les colonnes Morris bariolés de la Belle Epoque.
•Jules Chéret aux Arts décoratifs du 23 juin au 7 novembre 2010
Artaujourdhui vous conseille aussi…
•Le musée Malraux du Havre confronte son fonds Degas de la Donation Senn-Fould avec 15 pastels du musée d’Orsay ayant appartenu à la même famille de collectionneurs. Du 19 juin au 19 septembre 2010.
•La Whitechapel Gallery de Londres passe en revue la collection d’art contemporain du magnat grec D. Daskalopoulos, en plusieurs livraisons. La première, Corporeal est consacrée au corps humain. Jusqu’au 10 septembre 2010.
•La collaboration du Musée d'art moderne de la ville de Paris et du Palais de Tokyo a donné naissance à l’exposition Dynasty qui présente 40 artistes contemporains. Du 10 juin au 29 août 2010.
VENTES
Avantage Majorelle
PARIS – Comme les hirondelles, elle revient chaque année à la fin du printemps : il s’agit de la vente d’art orientaliste de l’étude Gros et Delettrez, qui s’étale sur deux journées pour pouvoir écouler une masse d’œuvres significative (698 lots). Comme chaque année, on étudiera les cotes en train de se faire et l’on mesurera l’ardeur des gens du Golfe, pour évaluer l’état du marché. On note une grande quantité de lots à petits prix – même les aquarelles d’Edy-Legrand, star il y a deux ans, peuvent se négocier à moins de 1000 €. De même pour Etienne Dinet, qui avait dépassé la barre du million : on ne verra guère de lui qu’un banal coucher de soleil (environ 30 000 €). C’est Jacques Majorelle qui devrait s’arroger la part du lion, avec deux tableaux des années 1930, sa période plus féconde, qui devraient atteindre 300 000 € (pour l’Aouache à Aneiter) ou 200 000 € (pour ces Femmes noires récoltant des dattes). Derrière, on surveillera des talents moins affirmés comme Edwin Lord Weeks (Belle Orientale endormie) ou les toiles très colorées de Roger Bezombes qui pourraient dépasser largement leurs estimations (40 000 € pour Les offrandes du Maure à la promise).
•Tableaux orientalistes à Drouot-Richelieu les 20 et 21 juin 2010 (SVV Gros-Delettrez).
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Pierre Buraglio, Cadoricin. Courtesy galerie Catherine Putman, Paris.
Quand Pierre Buraglio était petit
Il a milité pour le Vietnam, a porté un regard attendri sur le symbole culturel que représentait les cigarettes Gauloises – qui les fume aujourd’hui en cette période de dictature des blondes ? – et a créé des œuvres pour oratoires et églises. Bref, Pierre Buraglio échappe aux classifications trop normées. On le retrouve, alors qu’il est à peine devenu septuagénaire, se penchant sur son enfance pendant la guerre, rythmée par les déflagrations de V2, les rafles, le rationnement, l’absence des hommes. Souvenirs réels ou interprétés à l’aune des années et des engagements ? La réponse à cette question n’est guère importante tant c’est le rôle des artistes de mettre une distance entre la réalité et eux… Ce journal intime – des estampes rehaussées à la main – a été commencé en 2004 et fait s’entrechoquer mots et images.
Pierre Buraglio est présenté à la galerie Catherine Putman (40 rue Quincampoix, 75004), jusqu’au 24 juillet 2010.
LIVRES
Les chemins de l’abstraction
S’éloigner du culte de la ressemblance : c’est le maître mot des écoles abstraites. Mais, du cubisme à l’Op’Art, elles recouvrent des réalités fort différentes. Ce petit manuel sert de viatique dans cette production abondante qui, depuis un siècle, a pris le dessus sur la figuration. De nombreux « ismes » prennent place dans ce panorama – dadaïsme, néo-plasticisme, rayonnisme, orphisme – qui peuvent sembler au néophyte des variations minimes sur une même mélodie. Abordant tour à tour Kandinsky, Braque, Malevitch, Pevsner et Pollock, l’ouvrage réserve des encadrés à des thématiques plus pointues comme le procès Brancusi aux Etats-Unis en 1926 : l’Oiseau dans l’espace importé par le photographe Edward Steichen est-il un objet utilitaire soumis aux droits de douane ou une œuvre d’art, qui en est exemptée ? Le verdict constituera une sorte de reconnaissance officieuse de l’art abstrait… Dommage que le parcours s’arrête au minimalisme de Carl André : l’aventure continue jusqu’à nos jours !
•L’art abstrait par Laure-Caroline Semmer, Larousse, 2010, 168 p., 23 €
BRÈVES
BÂLE – En marge d’Art Basel se tiennent plusieurs foires « périphériques » d’art contemporain comme Liste (du 15 au 20 juin 2010) et Scope (du 15 au 19 juin 2010).
BIGNAN (Bretagne) – Suite à la décision du conseil général du Morbihan de ne plus accorder de financement, le Centre d’art contemporain de Kerguéhennec, ouvert en 1986, est menacé de fermeture.
MONACO – Première composante du Nouveau Musée national de Monaco, la Villa Sauber a ouvert le 8 juin 2010 avec une exposition de Yinka Shonibare.
PARIS – La Colline des musées, réunissant plusieurs musées parisiens (Palais de Tokyo, musée d’Art moderne, Cité de l’architecture, musée du quai Branly), sur le modèle du Paseo del Arte madrilène, a lancé une programmation estivale commune le 11 juin 2010.
PARIS – La journée du patrimoine de pays, permettant d’accéder à des moulins et autres exemples de bâti ancien, se tient le 20 juin 2010 dans toute la France.
SANTA FE – La biennale d’art contemporain Site ouvre le 20 juin et se tient jusqu’au 2 janvier 2001, sous l’intitulé « The Dissolve ».
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
CHEFS-D'ŒUVRE DE LA COLLECTION
BORDEAUX - Créé en 1801, le Musée des beaux-arts de Bordeaux possède l'une des plus belles collections de France. Offrant un regard sur la vie artistique régionale, elle comprend aussi des tableaux essentiels de Rubens, Titien, Delacroix ou de la peinture hollandaise du XVIIe siècle.
LÉON WERTH Le promeneur d'art
ISSOUDUN - Ecrivain polymorphe, ami de Saint-Exupéry qui lui dédiera le Petit Prince, Léon Werth (1878-1955) a noué des rapports étroits avec le milieu artistique de son époque. L'exposition au musée de l'Hospice Saint-Roch, menée en collaboration avec les éditions Viviane Hamy, permet de mesurer l'étendue de ses intérêts, de Monet à Matisse.
COLIN PAINTER Identité(s)
SORÈZE - L'abbaye-école de Sorèze, qui accueille des expositions temporaires de créateurs contemporains, reçoit cet été Colin Painter. L'artiste, né à Londres en 1939 et aujourd'hui actif dans le Tarn, se penche sur l'univers de l'enfance.