ArtAujourdhui.Hebdo
N° 189 - du 14 octobre 2010 au 20 octobre 2010
Jean-Léon Gérôme, L'intérieur grec, Le gynécée, 1850, huile sur toile, 66,95 x 99,1 cm. New York, collection particulière. Property of Lady Micheline Connery.
L'AIR DU TEMPS
Larry Clark, l’épouvantail
Que peut-on montrer ? Où finissent l’art et le documentaire, où commence la pornographie ? Que risque-t-on avec des images que la morale commune réprouve, en des temps de crispation ? C’est tout l’enjeu de l’exposition Larry Clark au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Les photos crues de teenagers s’accouplant ne sont qu’une partie de la production de l’artiste, consacré à la jeunesse précarisée des grandes villes américaines, mais elles ont focalisé le débat et alimenté la polémique, en partie grâce à la une (osée par les temps qui courent) du quotidien Libération. L’interdiction faite aux adolescents, par la mairie de Paris, d’une exposition qui parle d’adolescents, est un goûteux paradoxe. C’est une nouvelle illustration du tout-puissant principe de précaution : plutôt que d’essuyer un procès interminable fomenté par des intégristes, ne montrons pas ! Face au regard des adultes, terrorisé par la présence potentielle de pornographie, et, plus encore, de pédophilie, Larry Clark avait, comme il l’a expliqué au Monde, une autre proposition, bien plus révolutionnaire: interdire l’entrée aux plus de 18 ans…
• Larry Clark, Kiss the past hello au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 2 janvier 2011.
EXPOSITIONS
Beau comme un Gérôme
PARIS – Il a longtemps été l’un des symboles de la peinture académique, donc vilipendé par les avant-gardes. Cette rétrospective, la première de grande ampleur à Paris en plus d’un siècle, devrait aider à dissiper certains malentendus concernant Jean-Léon Gérôme (1824-1904). Les commissaires veulent souligner la modernité de ses mises en scène (ami de Le Gray, il n’hésite pas à s’inspirer des cadrages de la photographie) et la dimension spectaculaire de ses compositions antiques (comme Pollice Verso, venu du Phoenix Art Museum), qui auront une influence significative dans la naissance du peplum à Hollywood. Dans ses peintures d’histoire ou d’ambiances orientales, il pousse très loin la recherche du détail vrai. L’exposition aborde toutes ses facettes : peintre mais aussi sculpteur, où il se révèle un as du trompe-l’œil et de la polychromie (comme sur le plâtre de la Corinthe, acquise en 2008 par le musée), et grand « communicant ». Gendre d’Alphonse Goupil, patron d’une célèbre maison de gravure bordelaise, il sera l’un des artistes les plus reproduits du XIXe siècle.
• Jean-Léon Gérôme, l’histoire en spectacle au musée d’Orsay, du 19 octobre 2010 au 23 janvier 2011
Eugène Leroy, Tête, 1967, collection privée, Paris. Photo : Florian Kleinefenn. © Eugène-Jean Leroy et Jean-Jacques Leroy
Leroy, couche après couche
TOURCOING – Il a eu une longue vie créatrice (1910-2000), qui a subi des influences fort variées, de Rembrandt aux icônes russes, des primitifs flamands à Malévitch. Sa propre peinture, d’abord fort «lisible» (portraits, nus féminins) s’est peu à peu épaissie, devenant avec le temps une impressionnante sédimentation de matière sur la toile. Les contours compréhensibles se sont progressivement dissous dans une accumulation d’huile et de pigments, qu’il ne cessait d’ajouter, rechignant à considérer achevé un tableau en cours. La donation de ses enfants au musée constitue la base des 150 œuvres présentées de ce peintre «local» (il est né à Tourcoing), à peu près inconnu du grand public mais reconnu depuis longtemps par Baselitz ou Sam Francis, par des galeristes notoires (Claude Bernard, Michael Werner) et présenté dans les grandes manifestations (biennale de Venise, Documenta de Cassel).
• Eugène Leroy, l’exposition du centenaire, au musée des Beaux-Arts du 10 octobre 2010 au 31 mars 2011.
Olga, Paulo, Picasso et Gotthard Schuh devant l'hôtel Baur au Lac à Zurich, en 1932. Photo: Hans Robert Welti © Stiftung Adrien Turel, Zurich
Le retour de Picasso
ZURICH - L’exposition Picasso, organisée par le Kunsthaus, n’est pas la rétrospective du siècle. Mais sa valeur symbolique outrepasse largement le simple inventaire numérique des chefs-d’œuvre rassemblés. Elle est en effet une redite : celle de la première grande rétrospective consacrée à Picasso dans un musée et coordonnée par le maître lui-même : pour accueillir, en 1932, cette rétrospective à l’accrochage très sobre et aéré, le Kunsthaus dut même déménager une partie de ses collections permanentes. Alors qu’il fête son centenaire, le musée se retourne sur cette exposition-phare, qui attira alors le chiffre incroyable de 34 000 visiteurs, pour montrer son rôle dans l’élaboration du mythe Picasso. Certaines des œuvres exposées reviennent, provenant de grands musées ou de collections privées plus discrètes.
• Picasso au Kunsthaus Zurich, du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011.
Le site du Kunsthaus avec un diaporama sur l’exposition de 1932
Artaujourdhui vous conseille aussi…
• Le musée Picasso de Barcelone étudie dans Picasso ante Degas, les rapports féconds qui ont uni l’artiste espagnol et son prédécesseur impressionniste. Du 15 octobre 2010 au 16 janvier 2011.
• A Bruxelles, les Musées royaux des Beaux-Arts, dans De Delacroix à Kandinsky. L’Orientalisme en Europe tirent le portrait d’un genre pictural en vogue au XIXe siècle. Du 15 octobre 2010 au 9 janvier 2011.
• A la Cité de la Musique, à Paris, Lénine, Staline et la musique est une approche pluridisciplinaire, à partir de maquettes, dessins, tableaux, photos, instruments, etc, des rapports conflictuels entre la révolution, la dictature et les arts. Du 12 octobre 2010 au 16 janvier 2011.
VENTES
La face cachée de Marquet
PARIS - Albert Marquet, ses vues de ports dans une lumière gris perle, ses boulevards parisiens ou ses paysages des faubourgs, qui ne connaît ? Mais ses portraits et autoportraits, ses caricatures, ses nus - de dos, de face, assis, appuyés contre un mur -, ses croquis érotiques (plutôt saphiques et en extrême fin de vacation), les animaux du zoo de Vincennes, les chanteuses de café et les scènes de croisières mondaines ? La vente en deux jours, en mettant sur le marché un millier de dessins de l’artiste, va faire découvrir des thèmes rarement vus. Elle est aussi une occasion pour les fétichistes : on pourra y acquérir son certificat automobile de 1946, sa carte d’électeur du VIe arrondissement, son courrier, son livret de famille…
• Albert Marquet à Richelieu-Drouot (SVV Deburaux-Aponem) les 17 et 18 octobre 2010.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Gagosian Gallery, Gallery one : Jean Francois Bodin - Caruso St John Architects / Photo © Gautier Deblonde
Larry Gagosian : portrait du galeriste en performer
Son arrivée fait tellement frémir la place de Paris qu’elle en devient forcément un happening. Larry Gagosian n’est pas à proprement parler un artiste même si la légende dit qu’il a commencé en vendant des affiches et des T-shirts sérigraphiés sur les plages californiennes. S’il parle peu, il est aujourd’hui le premier galeriste au monde en termes de volume d’affaires. Son écurie est remplie des purs-sangs les plus coûteux, de Murakami à Damien Hirst, qu’il propose dans un réseau «urbi et orbi» : il possède en effet des galeries à New York (3), Los Angeles (2), Londres (2), Rome, Athènes. Paris n’est donc que la dernière pièce en date d’un échiquier bien pourvu. Les expositions inaugurales, dans un espace redessiné par les architectes Jean-François Bodin et Caruso St John, sont consacrées à Cy Twombly et à Jean Prouvé. Mais la rumeur dit que le roi Larry arrive à Paris moins pour montrer que pour acheter : il aurait de l’appétit pour les trésors qui dorment dans les vénérables collections françaises…
• La galerie Gagosian ouvre le 20 octobre 2010 au 4, rue de Ponthieu, 75008 Paris
LIVRES
Angkor en noir et blanc
Le site d’Angkor, au Cambodge, disséminé sur plus de 50 km2, reçoit aujourd’hui plus de 2 millions de visiteurs par an… au risque de son intégrité physique, qui a déjà tant souffert dans le passé. Cet ouvrage, catalogue d’une exposition au musée Cernuschi, nous fait plonger dans un temps pas si ancien : la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle. Epoque de pionniers qui, d’abord, découvrent le site phagocyté par les banians et les fromagers colossaux, puis le ressuscitent partiellement, en y appliquant, sous la direction de Henri Marchal, la technique de l’anastylose (dépose et reconstruction d’un temple) apprise des archéologues actifs en Indonésie. Outre les images saisissantes et « sublimes » d’une jungle dévorant l’architecture de l’homme, le livre décrit en détail les étapes du sauvetage des principaux temples par les spécialistes de l’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient). Le dernier en date est le Baphuon, « temple-montagne » qui sera prochainement « inauguré » après une longue restauration.
• Archéologues à Angkor, photographies de l’Ecole française d’Extrême-Orient catalogue de l’exposition au musée Cernuschi (jusqu’au 2 janvier 2011), Paris musées, 2010, 240 p., 29 €.
BRÈVES
LISBONNE – La Triennale d’architecture se tient du 14 octobre 2010 au 16 janvier 2011.
LONDRES – La foire d’art contemporain Frieze se tient du 14 au 17 octobre 2010. Elle est accompagnée de foires satellites comme Sunday, Moniker et Multiplied (lancée par Christie’s).
LONDRES – Le Pavilion of Art & Design se tient à Berkeley Square du 13 au 17 octobre 2010.
PARIS – Le Pompidou Temporary Studio, structure légère montée sur le Centre Pompidou par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines pendant les travaux du Centre Pompidou Metz, est mise en vente le 15 octobre 2010 chez Pierre Bergé & Associés.
PARIS – Les Trois jours du quartier Drouot, réunissant galeries, experts, maisons de vente, se tiennent du 14 au 16 octobre 2010 sur le thème du nu.
PARIS – L’exposition Antidote 6, présentant sept artistes contemporains aux galeries Lafayette, se tient du 14 octobre 2010 au 8 janvier 2011.
PARIS – La galerie Taglialatella, spécialisée dans le Pop Art, émanation des structures de New York et Palm Beach, ouvre le 23 octobre 2010 au 10 rue de Picardie.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas…
SIGNAC LES PORTS DE FRANCE
LE HAVRE - Le musée Malraux présente pour la première fois l'extraordinaire série d'aquarelles sur les ports de France : ces quelque cent compositions ont réalisées par l'artiste entre 1931 et 1933 grâce au mécénat de Gaston Lévy, le fondateur de la chaîne de magasins Monoprix.