ArtAujourdhui.Hebdo
N° 193 - du 11 novembre 2010 au 17 novembre 2010
Evelyne Axell, Ice Cream, 1964 © Estate of Evelyne Axell und VBK, Wien, 2010, Courtesy Serge Goisse, Bruxelles (expositions à la Kunsthalle, Vienne)
L'AIR DU TEMPS
Gaudí horizon 2026
BARCELONE - 128 ans que cela dure. La Sagrada Familia, consacrée basilique le 7 novembre dernier par le pape Benoît XVI, est un work in progress. Laissée inachevée par Gaudí, elle a épuisé cinq ou six architectes, jusqu’à l’actuel porteur du flambeau, Jordi Bonet, sans que l’on soit encore parvenu à en poser la dernière pierre. Des estimations réalistes placent désormais sa conclusion autour de 2026 (pour le centenaire de la mort de Gaudi), lorsque sa flèche de 170 mètres s’imposera sans rival dans le ciel de Barcelone. Achever un bâtiment aussi étroitement associé à son concepteur, si longtemps après sa disparition, a-t-il un sens ? Ce n’est pas la première fois que la question se pose : Le Corbusier, avec l’église de Firminy, a déjà servi de banc d’essai. Notre culture occidentale, rationnelle, veut du fini, du léché. Nos ancêtres des XVIIIe et XIXe siècles étaient autrement rêveurs, qui attribuaient aux ruines ou aux projets abandonnés un supplément d’âme…
EXPOSITIONS
Masque pwo, Chokwe, Angola/République démocratique du Congo. Bois, fibres, perles, segments de graminées et pigments, H. : 22 cm, collection particulière © Archives Musée Dapper et Hughes Dubois.
Angola d’avant l’esclavagisme
PARIS – Voici des fétiches à clous donnant le pouvoir d’agir sur la réalité… Des masques utilisés dans l’initiation des garçons et servant de messagers aux ancêtres… Des insignes du pouvoir comme sceptres, sièges ou glaives… L’exposition du musée Dapper éclaire sur des cultures africaines mal connues, qui se sont succédé sur l’actuel territoire de l’Angola. Autour de la figure du roi mythique Chibinda Ilunga, qui aurait vécu au XVIIe siècle, représenté par une statue en bois, cheveux et pigments, provenant du musée des Sciences de Porto, près de 150 objets racontent un âge d’or d’avant la traite négrière. Le bois mais aussi le laiton, les fibres végétales, les perles, la graisse ou la céramique, composent ces objets fragiles venus de Luanda, de Genève, de Leyde ou de collections privées.
• Angola, figures de pouvoir au musée Dapper, du 10 novembre 2010 au 10 juillet 2011.
Tête, bois sculpté et gravé, pigment blanc, 27 x 18 x 14,5 cm, 1643 g, Nouvelle-Zélande. © musée du quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado.
Lapita, un nouveau regard sur l’Océanie
PARIS – Des micro-cultures échouées sur leurs atolls, imperméables les unes aux autres : c’est ce cliché océanien qu’entend pourfendre l’exposition du musée quai Branly. A partir de céramiques aux hachures caractéristiques, retrouvées à des milliers de kilomètres de distance, de la Nouvelle-Calédonie aux Fidji et à Samoa, elle montre l’existence, il y a 3000 ans, d’une culture commune, dite Lapita, disséminée sur un grand espace par des navigateurs experts. Son expansion s’est faite en à peine quelques siècles et s’est perpétuée dans les motifs que l’on retrouve sur les tapas et les textiles réalisés ultérieurement. Cette archéologie en mouvement – les premiers tessons de la culture Lapita ont été trouvés au début du XXe siècle – a connu un remarquable accélération dans la dernière décennie. Des sites de Nouvelle-Calédonie et de Vanuatu viennent de livrer une véritable trésor : les premières poteries plurimillénaires complètes dont l’on dispose sur toute l’aire pacifique.
• Lapita au musée du quai Branly, du 10 novembre 2010 au 9 janvier 2011.
Le Pop des dames
VIENNE – Dans les années soixante, au moment où Warhol, Lichtenstein et Wesselman prenaient d’assaut la forteresse de l’expressionnisme abstrait avec un art exaltant la société de consommation et la permissivité des mœurs, leurs consœurs n’étaient pas inactives. Car c’était aussi l’époque de la libération de la femme et l’explosion des carcans ne pouvait manquer de faire naître un Pop Art au féminin. Cette exposition réunit quelques-unes de ses interprètes les plus connues : Niki de Saint Phalle avec ses Nanas et Yayoi Kusama avec ses installations à pois, bien sûr, mais aussi Marisol, Sister Corita Kent ou Dorothy Iannone.
• Power Up à la Kunsthalle jusqu’au 20 février 2011.
Dorothy Iannone, The Story of Bern (or) Showing Colors, 1970 © Dorothy Iannone, Sammlung Aldo Frei
Artaujourdhui vous conseille aussi
• Dans Egypt Book of the Dead, le British Museum réunit une belle sélection du Livre égyptien des morts – mêlant des prêts à son propre fonds. Jusqu’au 6 mars 2011.
• A Madrid, le musée du Prado consacre une exposition spéciale à son fonds de Rubens, le plus important au monde avec près d’une centaine de tableaux, dans le cadre de la réorganisation de ses salles. Jusqu’au 23 janvier 2010.
• Patrice Chéreau est «l’invité» du musée du Louvre cet automne, ce qui se traduit par un riche programme de concerts, ballets, représentations et expositions dont Derrière les images (croquis de scène) ou Scopophilia, un diaporama de Nan Goldin. Jusqu’au 31 janvier 2011.
VENTES
Mémoire juive
PARIS - Des Ancien Testament imprimés à Heidelberg ou à Leyde au XVIIe siècle, des bibles sépharades manuscrites, les grammaires de Davidson ou de Jordin de Saint Flour, des collections de Menorah ou de la Revue juive de Genève des années trente, des cartes de vœux pour soldats juifs des troupes américaines en Afrique du Nord en 1943, des cartes géographiques Hérisson de la Terre sainte… Le florilège provenant du fonds de Raphaël Benazeraf, philologue spécialiste du judéo-espagnol, est plutôt large, avec des prix ne dépassant pas quelques centaines d’euros. Ceux-ci montent brutalement pour les trois chefs-d’œuvre que sont les reliures en argent du XVIIIe siècle de fabrication italienne, dont celle aux armes des Minerbi, influente famille présente à Trieste, Venise, Ferrare et Paris (25 000 €). Une collection de peintres juifs de l’école de Paris clôt la vente.
•Judaica le 17 novembre 2010 à Richelieu-Drouot (SVV Ader et Kapandji-Morhange).
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Ronan Barrot, l’ambition de la grande peinture
Des citations intelligibles de Manet (l’ambiance du Déjeuner sur l‘herbe, des noirs profonds, des blancs cassés), de Goya (des personnages en sursis, offrant leur poitrine au danger ou parqués derrière des grilles), de Cézanne ou de Ribera. Ronan Barrot, né en 1973 (à Argol, ce qui aurait plu à Julien Gracq), est un peintre pleinement figuratif, ce qui n’est plus aujourd’hui un stigmate comme cela a pu l’être il y a vingt ans. L’artiste ne renie même pas l’appellation de « peintre d’histoire » qui a pu lui être appliquée. Excellent dessinateur, admirateur de l’énergie de Rebeyrolle, il aime travailler par séries ou par « idées fixes » (ses crânes, ses arbres décharnés) sur des toiles de grandes dimensions, pouvant s’étendre sur plus de 2 mètres. Après l’exposition rétrospective à l’espace Fernet-Branca en 2009, ses dernières productions sont présentées à la galerie Claude Bernard.
• Ronan Barrot est exposé à la galerie Claude Bernard (7 rue des Beaux-Arts, 75006) jusqu’au 20 novembre 2010.
LIVRES
Quand les écrivains lisent la peinture
Voilà un livre qui parle des rapports entre peinture et littérature. Une fois posé ces prémices, la consultation doit se faire sur le mode de la promenade… Autrement, on risque de n’y pas trouver ce que l’on cherche. La présentation complique la lecture : on a du mal à distinguer la citation littéraire de l’explication de texte. Ici, pas d’analyse historique des liens immémoriaux entre artistes de l’écrit et du chevalet mais plutôt une succession d’exemples choisis montrant comment les écrivains ont pu apprécier, soutenir mais aussi honnir ce que produisaient leurs homologues. Le cas de Julien Green est éclairant : horrifié par un portrait criard (fauve) de Madame Matisse par son mari (on est en 1922, chez Gertrude Stein), il a depuis longtemps fait marche arrière lorsqu’il le revoit vingt ans plus tard aux Etats-Unis… Mario Luzi et Piero della Francesca, Eluard et Delvaux, Quignard et Lubin Baugin, Butor et Le Lorrain, Segalen et Gauguin sont quelques-uns des couples mis en avant dans ce ping-pong intellectuel.
• Des mots pour la peinture par Jean-Pierre Aubrit et Bernard Gendrel, Seuil, 2010, 192 p., 39 €
BRÈVES
FLORENCE – La Crucifixion attribuée à Giotto a été réinstallée dans l’église d’Ognissanti le 29 octobre 2010 après 5 ans de restauration.
MADRID – Le Museo ABC del Dibujo y de la Ilustración, rassemblant près d’un siècle d’archives du quotidien espagnol, ouvre au public le 17 novembre 2010.
NEW YORK – Une sculpture de Matisse, Nu de dos, a signé un nouveau record pour l’artiste en étant adjugée 48,8 millions $ chez Christie’s le 3 novembre 2010.
PARIS – Le 30e Mois de la photo se tient dans de nombreuses galeries et musées de la ville pendant le mois de novembre 2010.
PARIS – Les Temps forts de Drouot, présentation des plus beaux lots de l’automne, se tiennent à Drouot-Montaigne jusqu’au 14 novembre 2010.
POMPEI – La Schola Armaturarum, siège de l’ancienne école des gladiateurs de Pompéi, s’est effondrée le 6 novembre 2010 à la suite de fortes pluies.
SIDNEY – Le salon d’art moderne et contemporain Art Sidney se tient du 11 au 14 novembre 2010.
VIENNE – La Vienna Art Week, comprenant expositions, ventes et manifestations d’arts visuels, se tient en divers lieux, du 15 au 21 novembre 2010.
ZURICH – Le salon d’art moderne et contemporain Kunst Zurich se tient du 11 au 14 novembre 2010.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas…
LA FRANCE DES FONDEURS
ECOUEN - Le musée national de la Renaissance dévoile l’emploi du bronze en France aux XVIe et XVIIe siècles, en exposant 130 œuvres des plus prestigieuses (étriers de François 1er en bronze doré) aux plus usuelles (mortiers pharmaceutiques et chandeliers).