ArtAujourdhui.Hebdo
N° 196 - du 2 décembre 2010 au 8 décembre 2010
Cory Arcangel, Drei Klavierstücke op. 11, 2009, Lisson Gallery, London. Courtesy MCH Swiss Exhibition (Basel) Ltd
L'AIR DU TEMPS
La météo du marché de l’art
Neige à Paris, soleil à Miami. Avec toujours la même question, posée avec anxiété chaque année, surtout en cette conjoncture de crise : le marché de l’art tient-il ? On n’a aucun doute pour les œuvres majeures et les récents records aux enchères le rappellent : un « Giacometti », un « Modigliani », un « Matisse » exceptionnels valent plus cher que jamais. Qu’en est-il lorsque l’on descend d’un échelon dans la hiérarchie? Les foires internationales sont là pour apporter une réponse. Elle est plutôt encourageante si l’on se fie aux résultats de Frieze, de la FIAC, de Paris Photo, parmi les plus toniques des dernières années. Mais les inquiétudes renouvelées sur l’économie internationale (Irlande, Portugal) font peser une ombre renouvelée. Sur le sable de Floride, les 250 marchands leaders tenteront de se rassurer une nouvelle fois. Un exercice rituel qui rappelle que l’art est devenu un véritable marché, comme l’automobile ou le luxe, « pesant » des milliards de dollars et incapable de s’accommoder d’une période de récession.
Art Basel Miami Beach se tient du 2 au 5 décembre 2010.
EXPOSITIONS
Holbein l’Ancien, virtuose du gris
STUTTGART – Eclipsé par la gloire de son fils, Holbein l’Ancien a pourtant produit l’une des œuvres marquantes de l’art religieux de la fin du XVe siècle, un cycle de la Passion du Christ en grisaille. Racheté par la Staatsgalerie en 2003, soumis à une restauration poussée (dont les étapes sont expliquées), cette Passion grise est montrée dans son intégralité (12 panneaux) à côté d’œuvres comparables de la même époque, dues à la main de Martin Schongauer, de Dirk Bouts ou du Maître de 1477. Réalisée entre 1493 et 1500, cette grande composition s’intègre dans le courant de la monochromie – aussi mise en application par des artistes comme Grien ou Grünewald - qui permettait de recréer un autre monde, loin des conventions terrestres.
• Hans Holbein D. A. Die Graue Passion à la Staatsgalerie, du 27 novembre 2010 au 20 mars 2011
Tentation antique
PARIS – L’exaltation des vertus romaines et la découverte des cités enfouies d’Herculanum et de Pompéi, au milieu du XVIIIe siècle, devaient avoir un effet immédiat : la naissance d’un courant artistique remettant au goût du jour le style « antique ». Mais comment définir un style à partir d’éléments aussi fragmentaires que des morceaux de statue ou des lambeaux de fresques ? C’est ce qui fait tout le sel de ce « revival » sur lequel se penche le Louvre. Comme on le verra en quelque 150 œuvres, de l’héroïsme de David aux architectures fabuleuses de Piranèse, ce néo-classicisme prend des formes très variées et rencontre même des résistances acharnées. Les sectateurs d’autres « néo » (néo-baroque, néo-gothique, néo-maniériste) comme Mengs, Füssli ou Batoni, interprètent à leur manière l’appétence pour le passé…
• L’Antiquité rêvée au musée du Louvre, du 2 décembre 2010 au 14 février 2011.
Minerve d’Orsay, époque d'Hadrien (117-138) et 2e moitié du XVIIIe siècle. Onyx doré, agate, marbre blanc, porphyre (base). 107 cm, 133 cm (avec la base). Parisi, Musée du Louvre. © RMN / Gérard Blot
Tentation antique bis
ROME – Les hasards du calendrier font qu’une exposition de même esprit que la précédente ouvre simultanément à Rome, au palais Sciarra, nouveau siège de la Fondazione Roma. La redécouverte de l’antique est ici analysée à travers le filtre de la Cité éternelle, qui fut une source de fascination pour les artistes du XVIIIe siècle. Mêlant les découvertes archéologiques de l’époque (la Flore capitoline) et les réinterprétations modernes (l’Eros Youssoupov de Canova, à l’Ermitage), l’exposition montre l’importance des ateliers (notamment ceux de Piranèse et de Mengs), des Académies et des académies (nus masculins), dans la diffusion d’un modèle esthétique homogène. La cerise sur le gâteau est la reconstitution en 3D de la mytique Domus Aurea de Néron, à partir des aquarelles réalisées juste après sa mise au jour, en 1759.
• Roma e l’Antico à la Fondazione Roma (palazzo Sciarra), du 30 novembre 2010 au 6 mars 2011.
Artaujourdhui vous conseille aussi…
• Dans Matisse et la gravure, la fondation Mona Bismarck, à Paris, entend rappeler que l’art de l’estampe, peu considéré aujourd’hui, a été abondamment pratiqué par les plus grands artistes du XXe siècle. Du 1er décembre 2010 au 15 février 2011.
• A Vienne, dans Cérémonies, fêtes, costumes, le musée Lichtenstein met en avant la richesse de la porcelaine viennoise au temps de Marie-Thérèse, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Du 3 décembre 2010 au 26 avril 2011.
• Le musée Rietberg de Zürich se penche sur la richesse des Ivoires de Ceylan en s’intéressant à la collection mythique de Catherine de Habsbourg, reine du Portugal (1507-1578) : coffrets, éventails et autres créations raffinées. Jusqu’au 13 mars 2011.
VENTES
Lot 128 : Princesse au kaunakès. Grande statuette composite représentant une femme assise. Chlorite et calcite. Asie Occidentale, fin du IIIe - début du IIe millénaire av. J.-C. H. : 17 cm. Estimation : 30 000 €.
La charge de l’Orient
PARIS – Décembre est un mois propice pour l’archéologie à Paris. Cette vacation, orchestrée par la maison de Pierre Bergé, est l’une des plus attendues. Brassant large (l’Anatolie et ses idoles anthropomorphes, la Bactriane et ses figurines en lapis-lazuli, l’Egypte avec un chat sacré ou un masque de sarcophage, la Grande Grèce, ses céramiques, ses bronzes), elle propose un éventail de prix tout aussi ample, de quelques centaines d’euros (ouchebtis, amulettes, fragments de stèles et de statuettes, bagues, scarabées, pendentifs) jusqu’au seuil du million. Les plus hautes enchères devraient porter sur un ensemble de mosaïques gallo-romaines mises au jour à Vienne (classées monument national et estimées plus de 100 000 €), et sur une coupe finement ouvragé en electrum (alliage à 88% d’or), des civilisations nomades de la Caspienne, remontant au XIIe siècle avant notre ère (estimée 600 000 €).
• Archéologie le 5 décembre 2010 à Drouot-Montaigne (Pierre Bergé et Associés)
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Pierrick Sorin, Chorégraphie aquatique, 2010. Version avec petit Sorin, aquarium, poissons, mono écran 16 x 65 x 56 cm (dimensions adaptables). Edition de 3.
Pierrick Sorin : le rire, c’est l’homme
L’art contemporain peut faire sourire ! Et même rire ! C’est en tout cas ce à quoi semble s’atteler Pierrick Sorin. Ce bateleur décrypte nos travers dans de petits films, qui ont un air de parenté avec les maîtres du muet : rythme accéléré, goût pour l’absurde. Nos travers, c’est-à-dire les siens : Pierrick Sorin est toujours le personnage principal de ses vidéos, même dans les situations les plus scabreuses – se lavant les dents, vomissant, ou se reluquant lui-même. Passé du super-8 aux hologrammes sophistiqués, il compose depuis plus de vingt ans – depuis qu’il s’est rendu compte, dans Matins, qu’il se réveillait chaque jour plus fatigué que la veille - une petite comédie balzacienne, réjouissante et non moins philosophique. Car ce petit personnage hésitant, velléitaire, vaniteux, c’est simplement la condition humaine.
• Pierrick Sorin, c’est mignon tout ça chez Aeroplastics Contemporary, (32 rue Blanche, 1060 Bruxelles) jusqu’au 31 décembre 2010.
LIVRES
Amours de Chine
Sous ses dehors croustillants, ce livre, qui montre une importante collection particulière, confirme que les Chinois d’autrefois ne faisaient pas preuve de pudibonderie excessive dans les arts de l’amour et que leur tolérance face à certaines pratiques (l’homosexualité notamment) était plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui en bien des endroits. L’accumulation de figurines – en bronze, en porcelaine, en ivoire – mais aussi de peintures sur soie ou sur papier, jusqu’aux chromos du Shanghai des années 1930 détaillant toutes sortes de figures licencieuses – montre que l’art érotique chinois a connu un âge d’or d’un millénaire, malgré les périodiques rappels à l’ordre, notamment sous les dynasties mandchoues du XVIIe siècle. Chemin faisant, l’auteur dresse un portrait en creux du statut de la femme dans la Chine impériale. Barrée aux examens, interdite de charges publiques, elle ne pouvait guère s’affirmer que par son intronisation comme épouse ou concubine d’un homme puissant. Ce qui impliquait de passer par le supplice des pieds bandés, pour faire ressembler l’organe de la marche, le plus érogène pour les Chinois, à une fleur de lotus non éclose…
• Concubines et courtisanes, la femme dans l’art érotique chinois, par Ferry M. Bertholet, Fonds Mercator, 2010, 210 p., 54 €.
BRÈVES
ECHIROLLES (France) – Le Mois du graphisme, manifestation consacrée à la création graphique dans le monde, se tient jusqu’au 31 janvier 2011.
MIAMI – Design Miami, qui fait partie des foires « satellites » d’Art Basel Miami Beach, se tient du 2 au 5 décembre 2010.
PARIS – Le quotidien Libération a révélé le 29 novembre 2010 l’existence de 271 œuvres de Picasso non répertoriées, que le dernier électricien de l’artiste, Pierre Guennec, prétend avoir reçu en cadeau.
POMPEI – Moins d’un mois après l’effondrement de la Maison des gladiateurs, c’est un mur de la Maison du moraliste qui s’est écroulé le 30 novembre 2010.
TOULOUSE – La première ligne de tramway, inaugurée le 27 novembre 2010, comporte 5 œuvres d’artistes contemporains sur son parcours.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas…
ENTRE PARADIS ET ENFER Mourir au Moyen Âge
BRUXELLES - Le musée du Cinquantenaire se penche sur les attitudes face à la mort au Moyen Age. Mille ans d’histoire sont abordés de manière pluridisciplinaire au moyen d'œuvres d’art, documents, films documentaires, issus de collections publiques et privées.
Le Corps comme sculpture, MONA HATOUM
PARIS - Dans sa programmation d'art contemporain, pour une relecture inédite de l'œuvre d'Auguste Rodin, le musée Rodin propose un cycle de vidéos issues de la collection Nouveaux Médias du Musée national d'art moderne.